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« J’encourage à faire des demandes » (1Tm 2,1)

par | 2 novembre 2017

Le jeune Timothée était un proche de Paul, il l’accompagnait dans la plupart de ses voyages. Dans une lettre, l’Apôtre des nations lui donne des conseils pour la bonne marche de sa communauté. Il exhorte notamment à la prière d’intercession :

J’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, 
des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes.

Chaque dimanche, nous adressons ainsi au Père une « prière universelle », pour nous-mêmes, pour nos communautés et pour le monde entier. Durant le mois de novembre, nos prières s’orientent particulièrement vers les défunts dans une intercession fervente pour les âmes souffrantes du purgatoire. L’Église a tant à cœur la prière d’intercession que saint Paul envisage qu’on puisse se priver de sommeil pour l’accomplir : « En toute circonstance, que l’Esprit vous donne de prier et de supplier : restez éveillés, soyez assidus à la supplication pour tous les fidèles. » (Ep 6,18) Il explique ainsi son insistance : « Cette prière est bonne et agréable à Dieu notre Sauveur, car il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. » (1Tm 2,3-4)

Remarquons que ce commandement s’adresse à la communauté ecclésiale. En intercédant d’un seul cœur, les baptisés manifestent qu’ils sont faits pour vivre ensemble et qu’ils désirent l’unité de tous. La prière d’intercession est ainsi liée à la catholicité de l’Église.

Cette prière est exigeante. Rappelons-nous comment l’aveugle-né, soumis à un interrogatoire à propos de Jésus, expliqua : « Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. » (Jn 9,31 ; cf. Pr 15,29) Ainsi, il faut d’abord supplier pour sa propre conversion. Cela veut-il dire qu’il faut attendre d’être sans reproche devant Dieu pour intercéder ? Certes non. Il ne s’agit pas d’une séquence chronologique — devenir saint puis intercéder pour ses frères —, mais d’une expérience commune : goûter l’amertume de son péché et accueillir la douceur du pardon conduit au désir qu’aucun de ses frères ne soit exclu du salut et que tous les hommes découvrent le visage de la miséricorde. La prière d’intercession n’est pas réservée aux saints, mais elle stimule à le devenir davantage : nous savons combien nous comptons tous sur l’intercession des saints. « La supplication du juste agit avec beaucoup de force. » (Jc 5,16) L’appel à la prière d’intercession est ainsi une harmonique de l’appel à la sainteté.

J’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières,
des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes.

La prière d’intercession se fait en Christ et par l’Esprit-Saint. Le Seigneur Jésus est en effet le paraclet qui intercède pour nous — « Père, pardonne-leur » (Lc 23,34), « qu’ils soient un, Père ! » (Lc 17,21) — et l’Esprit-Saint est « esprit de grâce et de supplication » (Za 12,10). Le Catéchisme enseigne ainsi :

L’intercession est une prière de demande qui nous conforme de près à la prière de Jésus. C’est lui l’unique intercesseur auprès du Père en faveur de tous les hommes, des pécheurs en particulier (cf. Rm 8,34 ; 1Jn 2,1 ; 1Tm 2,5-8). Il est « capable de sauver de façon définitive ceux qui par lui s’avancent vers Dieu, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur » (He 7,25). L’Esprit Saint lui-même « intercède pour nous… et son intercession pour les saints correspond aux vues de Dieu » (Rm 8,26-27). (CEC 2634)

Dès lors, rien de ce qui concerne la vie des hommes n’est exclu de la prière d’intercession : le quotidien des familles, les équilibres de la vie sociale, les enjeux politiques, les règles des échanges économiques, les manifestations artistiques, les expressions culturelles, etc., tout est objet de cette prière. Le chrétien discerne en effet dans ces événements ce qui n’apparaît qu’au regard de la foi : la Providence à l’œuvre pour le salut du monde, l’opposition impitoyable du Mal aux œuvres de Dieu, le Royaume en germination. Les yeux du baptisé sont doublement éclairés : par l’Esprit de prophétie, reçu au baptême, et par l’amitié avec Jésus. En effet, de même que Dieu fit entrer Abraham dans la confidence de ses projets sur Sodome et Gomorrhe (cf. Gn 18,17-19), l’initiant ainsi à l’intercession, le Seigneur Jésus ouvre son cœur à ceux qu’il appelle ses amis (cf. Jn 15,15). Vertigineuse intimité nous faisant connaître le terme de l’Histoire et nous conduisant à intercéder avec ardeur pour que tous acceptent le don Dieu ! Étourdissant pouvoir que l’amitié de Jésus nous octroie ! Comme Abraham « en vue de Sodome » (Gn 18,17), nous voyons l’Histoire et ses péripéties, nous découvrons comment la prière d’intercession permet de l’orienter, le façonnant d’autant mieux que s’approfondit l’amitié pour Jésus. Ne soyons pas le serviteur mauvais et paresseux qui enfouit son talent (cf. Mt 25,26). Gardons à l’esprit qu’en limitant notre charité au travail concret pour nos frères, les soignant, les accompagnant et les instruisant, nous ne touchons qu’un nombre limité de personnes, alors que la prière d’intercession rejoint le monde entier. La situation de notre famille, de notre pays, de notre église nous désole ? Intercédons davantage !

 J’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières,
des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes.

Dans un premier temps, il est possible de s’adonner honnêtement à l’intercession, mais sans entrer dans le mouvement profond dont elle est le fruit : la supplication confiante. Puis, au fur et à mesure que la charité du Christ pour les hommes nous presse davantage, on découvre peu à peu que cette prière demande tout de nous. L’intercession et la charité se font en effet plus ferventes, se stimulant l’une l’autre, jusqu’à conduire l’âme dans la confiance dont la petite Thérèse a décrit l’abîme.

Au départ de cette découverte, une objection souvent entendue : « J’ai beau intercéder, pour de bonnes et louables causes, et même pour le salut de mes frères… quand je vois la course des événements, les lois iniques se multipliant, la violence sourde minant les relations humaines, nos concitoyens s’enfonçant dans les ténèbres avec insouciance et arrogance, comment ne pas être troublé, anxieux, voire découragé ? » Il est vrai que le combat est rude. Est-il évitable ? Sommes-nous livrés à ce combat parce que nous sommes pécheurs ?

En toutes circonstances, gardons les yeux fixés sur le Christ. Jésus n’a pas connu le péché (cf. He 4,15), mais il a mené les combats les plus rudes — « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe... » — et il a choisi la confiance filiale — « … cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. » (Lc 22,42) Nous savons que la confiance nous fait entrer dans la paix ; le combat de Jésus au soir de Gethsémani enseigne que cette paix accompagne les jours de la Passion autant qu’elle rayonne au matin de la résurrection. Dès lors, il apparaît que la paix n’est pas mise en danger par le combat dès lors qu’est vécu l’abandon. L’instant vertigineux de l’adoption de la volonté du Père comme seule volonté propre est le présent de la vie filiale, il est l’esprit d’enfance.

Or l’Esprit attestant que « nous sommes enfants de Dieu » (Rm 8,16) « intercède pour nous par des gémissements inexprimables. » (Rm 8,26) L’Esprit chante en nous la louange de Dieu, il rend grâce car on demande et on reçoit sans cesse — non pas chronologiquement, dans une succession de prières exaucées, mais dans la béatitude consistant à demander et à recevoir l’amour. Au paradis, on ne cesse de demander l’amour qu’on reçoit. Dans le fond, on n’adresse pas les prières de demande afin d’échapper à un embarras ou à un péril, mais parce qu’on aime. L’amour ne cesse de donner et il ne cesse de demander, parce qu’il est trinitaire. « M’aimes-tu ? » demande instamment le Seigneur Jésus (Jn 21,15.16.17)

Finalement, le gémissement de l’Esprit initie l’âme à la supplication de Dieu, lui qui invite l’homme à entrer dans la gloire mais ne reçoit pas la réponse attendue. Le vertige devant l’amour divin éconduit par la créature est au fondement de la prière d’intercession : compatir à la souffrance de Dieu, l’entendre frapper à la porte des cœurs (cf. Ap 3,20) et lui demander alors la grâce que son invitation ne soit pas ignorée. Qui a compris la souffrance du Sacré-Cœur le supplie de donner lui-même l’amour dont il demande à être aimé.

L’âme se trouve alors à la croisée de la souffrance des hommes et de la souffrance de Dieu, priant à la fois pour que le cours des histoires personnelles et collectives aille vers sa résolution bienheureuse, et pour que le Cœur de Jésus soit dignement aimé. L’intercesseur est ainsi saisi d’une inquiétude salutaire : comment Dieu intègrera-t-il la résistance des hommes dans le dessein de son amour rédempteur ? Comment les pécheurs récalcitrants seront-il sauvés ? « Comment cela va-t-il se faire ? » (Lc 1,34) Il n’y a pas d’autre demande.

C’est pourquoi l’Esprit intercède en nous par des gémissements « inexprimables », parce que la demande n’est pas une question comme celles que nous aimons poser, une de ces questions exigeant une réponse. Ici, seule importe la façon dont la question est posée, avec la bonne manière de l’Esprit, car tout est dans l’amour qui inspire la question. Tout se joue dans l’abandon confiant exprimé par la supplication. « Que tout advienne selon ta parole ! Je te demande d’accomplir ce que je ne comprends pas, pourvu que tu le fasses à ta manière et que je te sois totalement dévoué en ton Esprit. Alors le monde sera sauvé et Dieu sera tout en tous. »

J’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières,
des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes.

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