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Le verset que nous méditons est extrait du livre de Zacharie. Zorobabel est invité à reconstruire le Temple de Jérusalem, mais l’entreprise semble impossible : il se trouve devant une montagne de ruines et plus encore de problèmes, car les oppositions au projet ne manquent pas. C’est à ce moment où le découragement guette les fidèles, que le Seigneur s’adresse au prophète : dans une vision, celui-ci contemple un lampadaire à sept becs, alimentés par l’huile de deux oliviers, qui représentent les Oints du Seigneur. L’interprétation lui est donnée par la Parole :
« Ni par puissance ni par force, mais par l’Esprit du Seigneur »
Les deux Oints – qui représentent Josué (le pouvoir spirituel) et Zorobabel (le pouvoir temporel) – sont indispensables, mais leur principe d’action n’est pas leur savoir-faire ou leur force naturels : il faut qu’ils consentent à l’action de l’Esprit, symbolisé par l’huile, qui seul peut mener à bien l’entreprise de la reconstruction du Temple.
« Le salut d’un roi n’est pas dans son armée, ni la victoire d’un guerrier, dans sa force. Illusion que des chevaux pour la victoire : une armée ne donne pas le salut » (Ps 32, 16-17).
« Ni par puissance ni par force, mais par l’Esprit du Seigneur »
Nous avons demandé à l’Esprit Saint de convertir notre intelligence pour ajuster nos pensées à celle du Seigneur (octobre) ; car « autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées » (Is 55,9). Puis nous lui avons demandé de désaliéner notre volonté pour que nous puissions entrer dans ses desseins (novembre). Mais le plus dur reste à faire, à savoir : consentir à la seigneurie de l’Esprit Saint dans nos vies, car ce n’est qu’ainsi que nous grandirons dans l’amitié avec le Christ.
« Ni par puissance ni par force, mais par l’Esprit du Seigneur »
L’amitié en effet est une communion de pensée et de volonté ; une connaissance réciproque en vue d’une communion du vouloir : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande » (Jn 15,14) – ce qui n’est possible que dans la force de l’Esprit que Jésus nous a donné en partage. En effet, « le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » (Jn 1,14), afin que nous puissions « devenir participants de la nature divine » (2 P 1,4) et accomplir ainsi dans l’Esprit les œuvres que le Père attend de nous : « Tendant la main vers ses disciples, Jésus dit : “Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur et une mère” » (Mt 12, 48-50).
Autrement dit, c’est en accomplissant dans la force de l’Esprit, ce que le Fils nous révèle de la volonté du Père, que nous permettons à Jésus de poursuivre en nous son Incarnation rédemptrice. La méditation annuelle du mystère de la venue de Dieu dans notre chair, veut précisément nous aider à accueillir son avènement dans nos vies : « Le Verbe peut bien naître chaque année dans la crèche, s’il ne naît pas dans ton cœur, il est venu en vain » (Angelus Silesius).
« Ni par puissance ni par force, mais par l’Esprit du Seigneur »
Saint Joseph (l’homme naturel ; cf. le pouvoir temporel) ne devait pas manquer de talents, et pourtant ce n’est pas à lui que le Seigneur fait appel pour accomplir le mystère de l’Incarnation : la venue du Verbe n’est pas le fruit « d’une volonté charnelle ni d’une volonté d’homme » (Jn 1,13), car « ce qui est né de la chair n’est que chair ; ce qui est né de l’Esprit est esprit » (Jn 3,6). De Marie (l’homme spirituel, cf. le pouvoir spirituel) le Seigneur n’attend pas davantage d’initiative particulière : il lui demande seulement son consentement à son agir divin : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1,35).
De même, notre participation à la filiation divine, fruit de l’Incarnation rédemptrice dans nos vies, ne peut procéder que de l’action exclusive de ce même Esprit Saint, descendant avec puissance sur nos humanités purifiées par le Sang de l’Agneau (cf. Ap 7,14). Le travail préalable sur notre intelligence et notre volonté au cours des méditations précédentes, avait précisément pour but de nous conduire à consentir à l’action de Dieu, à l’exemple de la Vierge Marie, pour prononcer avec elle notre Fiat : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole » (Lc 1,38).
« Ni par puissance ni par force, mais par l’Esprit du Seigneur »
Ce qui ne signifie pas que nous n’avons qu’à attendre en somnolant que l’Esprit fasse son œuvre : Notre Seigneur nous le répète à chaque page de l’Évangile : « Veillez ! ». Tout comme Jésus est entièrement tourné vers son Père, aux aguets de ses moindres désirs, ainsi le disciple est invité à « garder les yeux levés vers son Seigneur comme les yeux de l’esclave vers la main de son maître, comme les yeux de la servante vers la main de sa maîtresse » (Ps 122,2), prêt à répondre au moindre appel : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5). Or « elle est tout près de toi, sa Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur afin que tu la mettes en pratique » (Dt 30,14). Ce qui implique non seulement de la lire assidûment, mais encore, comme Marie, de « retenir tous les événements » que nous racontent les Évangiles, et de « les méditer dans notre cœur » (cf. Lc 2,19), pour les laisser accomplir en nous ce qu’ils annoncent : « Comme la pluie et la neige descendent des cieux et n’y retournent pas sans avoir arrosé et fécondé la terre, ainsi en est-il de ma parole qui sort de ma bouche : elle ne retourne pas à moi sans effet, sans avoir exécuté ma volonté et accompli avec succès ce pour quoi je l’ai envoyée » (Is 55, 10-11).
« Ni par puissance ni par force, mais par l’Esprit du Seigneur »
Je propose donc que nous mettions le temps de l’Avent à profit pour reprendre avec une nouvelle ferveur, le labeur de la lectio divina. L’exercice consiste à laisser la Parole de Dieu descendre de nos lèvres jusque dans notre cœur, afin qu’elle oriente notre intelligence, imprime son mouvement à notre volonté, et empêche notre sensibilité de s’éparpiller dans mille désirs frivoles. Il ne s’agit pas de faire effort pour susciter des émotions : nous laissons entièrement l’initiative à l’Esprit qui s’écoule comme une eau vive de la Parole inspirée dans notre cœur, notre âme, nos sentiments, et même notre corps, pour les irriguer, purifier, convertir, sanctifier.
De par sa nature, un tel travail de la grâce échappe à notre perception ; aussi n’est-ce pas au ressenti que nous évaluons notre lectio, mais à l’intériorité retrouvée, à la paix et la joie qu’elle laisse en nos âmes comme un baume précieux.
C’est en étant fidèles à cet exercice tout au long de l’Avent – par exemple en faisant lectio chaque jour avec les très beaux textes proposés par la liturgie quotidienne de la Messe – que nous ferons de notre cœur un berceau dans lequel le Seigneur pourra descendre par « la puissance du Très-Haut » pour venir y reposer.