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Descartes énonçait l’un des principes fondamentaux de sa philosophie dans l’expression bien connue : « Je pense : donc je suis ». Paraphrasant cette affirmation, nous proposons plutôt : « Je deviens ce que je pense » ; car nous nous nourrissons de nos pensées, et par conséquent nous nous construisons à partir d’elles. Le livre des Proverbes le confirme : « l’homme est tel que sont les pensées de son âme » (Prov 23,7). D’où l’importance de vérifier ce qui habite habituellement nos pensées, car elles sont notre boussole : la volonté, qui dirige notre action, se dirige en effet vers ce que l’intelligence lui propose de désirable et de bon.
L’ennemi le sait fort bien ; certes il ne peut atteindre notre intelligence ni savoir ce que nous pensons ; mais il peut, en jouant sur les passions de l’âme, aliéner nos facultés spirituelles en les orientant vers les « tendances égoïstes de la chair qui s’opposent à l’esprit, et nous empêchent de faire ce que nous voudrions » (Ga 5, 16-17) – n’oublions pas que les « tendances égoïstes de la chair » ne se limitent pas aux différentes formes de convoitise, mais incluent tous les sentiments et émotions (concupiscibles et irascibles) qui contristent l’Esprit Saint (cf. Ep 4,30).
Saint Paul nous met vigoureusement en garde : « Ne faites pas comme Ève qui s’est laissée séduire par la ruse du serpent ; j’ai bien peur que, de la même façon, votre intelligence des choses ne se corrompe en perdant la simplicité qu’on doit avoir envers le Christ » (2 Co 11,3).
« Ne prenez pas pour modèle le monde présent,
mais transformez-vous
en renouvelant votre façon de penser » (Rm 12,2)
Il s’agit donc d’acquérir à tout prix la maîtrise de nos pensées ; ce qui implique d’y prêter attention dès qu’elles apparaissent et se développent en nous, afin de discerner leur compatibilité avec l’Évangile, et de pouvoir éventuellement les rejeter avant qu’elles ne s’imposent à notre consentement. Ce faisant, nous imiterons saint Paul : s’appuyant sur « la puissance de Dieu qui détruit les forteresses », l’apôtre « détruit les raisonnements fallacieux et tout ce qui s’élève de manière hautaine contre la connaissance de Dieu ; il rend captive toute pensée, pour la conduire à l’obéissance selon le Christ » (2 Co 10, 4-5).
Il nous revient donc de faire un tri sévère de nos pensées, afin d’éviter qu’elles pervertissent notre cœur et nous détournent de la simplicité de l’Évangile ; par contre : « tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenons-le à notre compte » (Ph 4,8), et nous accomplirons ce que le Seigneur attend de nous.
« Ne prenez pas pour modèle le monde présent,
mais transformez-vous
en renouvelant votre façon de penser » (Rm 12,2)
La maîtrise des pensées constitue un véritable combat spirituel, qui est au cœur même de la conversion au Seigneur Jésus-Christ : si nous voulons devenir ses disciples, être les citoyens de son Royaume, nous devons impérativement nous détourner de la manière de penser distillée (ou plutôt : largement diffusée !) par le Prince de ce monde, pour nous laisser renouveler à l’école de l’Esprit de vérité.
« Il est inutile d’avoir la prétention de vouloir devenir un saint – écrivait le Bienheureux Albert Marvelli – de vouloir être un apôtre, d’apparaître comme un travailleur plein d’activité, si l’on court après toutes les pensées, même futiles ; si l’on n’est pas capable de s’imposer un recueillement plus intense, un sens d’observation qui soit critique et bon, une autonomie de réflexion dans l’examen des questions spirituelles, politiques, sociales qui surgissent autour de nous. Il faut s’habituer à examiner chaque idée, à l’étudier, à la méditer et à y repenser. Le Seigneur m’a donné une intelligence, une volonté, une raison : eh bien, je dois les employer, les entretenir, les faire fonctionner. Si on ne les emploie pas, elles se rouillent, et on finit par être une nullité ».
Pour être témoins de l’Evangile au cœur du monde contemporain, il est impératif d’exposer notre intelligence à la lumière de l’Esprit dans une prière persévérante, et d’approfondir la Révélation divine (Ecriture, Tradition, Magistère) par un travail assidu, afin d’être capables de discerner ce qui, dans les nouveautés dont nous sommes submergés, est de l’ordre de l’ajustement légitime en raison de l’évolution de la culture, et ce qui relève de la trahison du dessein de Dieu sur l’homme, sur la famille et sur la société.
« Ne prenez pas pour modèle le monde présent,
mais transformez-vous
en renouvelant votre façon de penser » (Rm 12,2)
Notre verset est intégré dans une exhortation de l’Apôtre nous invitant à faire de toute notre vie un culte spirituel : « Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : c’est là pour vous l’adoration véritable. Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait » (Rm 12, 1-2).
Le pape Benoît XVI commentait ainsi ces versets : « De cette façon, l’Apôtre des Nations souligne le lien entre le vrai culte spirituel et la nécessité d’une nouvelle manière de percevoir l’existence et de conduire sa vie. Renouveler sa façon de penser fait partie intégrante de la forme eucharistique de la vie chrétienne, “alors nous ne serons plus comme des enfants, nous laissant secouer et mener à la dérive par tous les courants d’idées” (Ep 4,14) » (Exhortation apostolique post-synodale sur L’Eucharistie, source et sommet de la vie et de la mission de l’Eglise, 22.II.2007).
Dans le contexte de la « cataphobie » ambiante, le témoignage rendu à la vérité révélée sur l’homme et sur la famille, peut en effet prendre la forme du « martyr », c’est-à-dire du sacrifice de notre réputation, uni à l’offrande que Jésus nous fait de sa vie dans l’Eucharistie.
Examen de conscience et résolution
Les difficultés, les épreuves, les souffrances, les joies de ces derniers mois, ont-elles été source d’enseignement spirituel pour moi, ont-elles fait grandir ma foi, mon espérance, ma charité ?
Ou bien ont-elles glissé dans l’oubli sans que je prenne le temps d’une relecture croyante ?
Comment ai-je réagi devant le « mariage pour tous », la laïcité agressive, et tant d’autres sujets qui bousculent notre foi ? Par une simple réaction affective sans suite, ou bien ai-je pris la peine de réfléchir aux enjeux, aux conséquences et à une action éventuelle ?
Plutôt que de renoncer à comprendre sous prétexte que « c’est trop compliqué pour moi », je veux m’obliger à réfléchir aux défis de notre temps à la lumière de la Parole de Dieu et des enseignements de l’Eglise, et je chercherai à partager mes réflexions avec mes frères et sœurs dans la foi, pour nous encourager, nous enrichir, et nous édifier mutuellement.