Famille de Saint Joseph
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« Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes » (Ph 2,3)

par | 1 juillet 2013

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Tout le chapitre 2 de la lettre aux Philippiens peut servir de contexte à notre verset. La partie centrale de cette exhortation de l’Apôtre se déploie des vs 6 à 11, qui décrivent la « kénose » (l’abaissement) du Christ et son exaltation dans la gloire. Pour résister victorieusement à toute tentation de former des partis au sein de la communauté, les croyants sont invités à acquérir « les dispositions qui sont dans le Christ Jésus », en commençant par son incommensurable humilité.

Or, nous dit saint Paul, le premier pas sur ce chemin, c’est d’inverser notre tendance spontanée à nous juger supérieurs aux autres. L’individualisme et l’égalitarisme contemporains n’arrangent pas les choses : à l’admiration spontanée de celui que Dieu a pourvu de talents particuliers, fait place le besoin de le rabaisser pour éviter qu’il me domine. Les relations humaines sont de plus en plus réduites à des luttes de pouvoir, dont l’issue est déterminée d’avance : tous égaux dans la même médiocrité.

« Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes » (Ph 2,3)

L’original grec est difficile à rendre ; littéralement : « dans l’humilité, estimez les uns les autres (allélous) vous étant supérieurs ». Certes, la traduction classique de nos Bibles nous donne accès au sens du verset, mais n’en appauvrit-elle pas le contenu en occultant la réciprocité ? Il ne s’agit pas de se déprécier en se redisant (éventuellement en faisant appel à la méthode Coué) : « les autres sont doués et je ne suis rien », mais bien plutôt de rendre grâce pour les talents que notre prochain a reçus en partage, sans pour autant fermer les yeux sur la responsabilité qui m’échoit eu égard aux dons que le Seigneur m’a confiés à moi aussi. Autrement dit, j’ai non seulement le droit, mais le devoir de discerner mes talents, sans pour autant me comparer aux autres et sans m’en enorgueillir : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu as tout reçu, pourquoi t’enorgueillir comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1 Co 4,7). Il faut immédiatement ajouter : « et ce que tu as reçu, qu’attends-tu pour en rendre grâce et pour le faire fructifier ? »

Ne sommes-nous pas tous membres d’un même Corps, chargés de son maintien et de sa croissance par la mise en œuvre de nos charismes respectifs ? « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est toujours le même Esprit. Les fonctions dans l’Église sont variées, mais c’est toujours le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est toujours le même Dieu qui agit en tous. Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous » (1 Co 12, 4-7). Il serait dès lors de mauvais goût et peu respectueux du projet de Dieu sur nous, de nous rabaisser systématiquement : le Seigneur nous a pourvu des dons qui correspondent à notre mission propre ; l’obéissance de la foi nous invite à les mettre en œuvre avec l’humilité de celui qui sait n’être qu’un intendant de la libéralité divine, comme la parabole des talents nous le rappelle (Mt 25, 14-30). C’est dans cet esprit que le Pape Luciani (Jean-Paul I) avait choisi la même devise épiscopale que saint Charles Borromée : Humilitas. « Un seul mot qui synthétise l’essentiel de la vie chrétienne et indique la vertu indispensable pour qui, dans l’Eglise, est appelé au service de l’autorité » (Benoît XVI) – service que nous avons tous à assumer pour la part qui nous revient, dans l’exercice de nos talents et charismes au bénéfice du bien commun.

« Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes » (Ph 2,3)

… dans les domaines où ils le sont effectivement ; charge au prochain de faire de même envers moi. Il serait en effet non seulement orgueilleux, mais franchement ridicule de prétendre cumuler tous les dons et être « le meilleur » en toutes choses. Nous devrions nous inquiéter de notre santé spirituelle dès lors que nous ne parvenons plus à nous émerveiller des talents de l’autre, à communier spontanément à sa joie de servir le Royaume, conformément au dessein de Dieu sur lui. Une telle humilité – qui n’est autre que la vérité et la simplicité – devrait être l’attitude « normale » au sein de toute communauté chrétienne (religieuse, familiale ou paroissiale).

Mais pour bien vivre cette disposition, la réciprocité est nécessaire, sans quoi les membres dépréciés finiront par s’aigrir ; ils jalouseront les talents des autres, précisément parce que les leurs n’ont pas été reconnus. Or celui qui essaye de se convaincre de sa valeur en dénigrant les autres ne sera jamais ni convaincu ni heureux ; car l’envieux et le jaloux se focalisent sur leurs manques, et demeurent aveugles sur les dons que Dieu leur a confiés. Le malheur veut que nous exigions en général que l’autre prenne l’initiative avant de lui accorder la réciprocité ; ce n’est pourtant pas ce que Jésus nous enseigne : « tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux » (Mt 7,12). Sachons donc manifester notre estime (« estimer ») aux autres, particulièrement dans les domaines où ils excellent, puisque c’est dans le dialogue que nous nous construisons, dans la reconnaissance réciproque des talents et charismes reçus, et dans la collaboration qui en résulte.

« Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes » (Ph 2,3)

La Parole nous invite à humblement valoriser les dons de Dieu, parce qu’il convient de Lui en rendre grâce, quel qu’en soit le bénéficiaire : mon prochain comme moi-même. Avec saint Paul nous devons pouvoir dire : « Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet, pour la grâce qu’il vous a donnée dans le Christ Jésus ; en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la Parole et toutes celles de la connaissance de Dieu » (1 Co 1, 4-5). Cette action de grâce sincère pour les dons du prochain, m’ouvre à l’Esprit Saint, me donne la paix et la joie, et me dispose à reconnaître mes propres qualités comme des dons à faire fructifier « pour la gloire de Dieu et le salut du monde », avec la simplicité et l’humilité de ceux qui ont conscience de n’être que des « serviteurs inutiles » (Lc 17,10).

Avons-nous le souci de discerner ce qui est digne de louange dans nos proches, et de leur rendre grâce de ce qu’ils sont pour nous ? Nous sommes souvent rapides à « faire la vérité » sur les torts de notre prochain, mais lui rendons-nous justice en célébrant ses qualités ? Nous avons tous tant besoin de reconnaissance ; aussi est-ce un devoir de charité de la manifester à ceux dont nous partageons la vie, et sur qui nous faisons peser au quotidien le poids de nos limites, voire de nos fautes.

Et si nous profitions de la période estivale pour prendre le temps de rendre grâce à Dieu pour les qualités de nos proches, et pour leur signifier notre reconnaissance ? Nul doute que cela rendrait le joug quotidien plus léger : Notre Seigneur ne nous dit-il pas : « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos » (Mt 11,29).

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