L’évangile caractérise saint Joseph en deux courtes épithètes : il est « l’époux de Marie » (Mt 1,16) et il est « juste » (Mt 1,19) – c’est-à-dire empli de sagesse. Une si belle âme en deux mots… N’est-ce pas trop peu ? En réalité, un seul suffi : saint Joseph est sage, et tout est dit. Saint Joseph fut choisi comme époux de Marie et père de Jésus pour sa sagesse.
Le sage se reconnaît en effet à sa pratique du renoncement. Adam succombe à la folie de refuser la limite, de vouloir tout ; cette folie conduit à la mort (cf. Gn 1,16-17). Joseph accepte les limites, il renonce à tout, même à ce qui est le plus légitime, jusqu’au plus intime. La sagesse ouvre son cœur et sa maison à la Vie. En perdant tout, saint Joseph reçoit tout, il devient père du fils des promesses d’éternité. « Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle » (Jn 12,25).
Imiter saint Joseph ne consiste pourtant pas à faire un pari dans la foi, à lâcher plutôt qu’à prendre, à faire l’option déconcertante de la mort contre l’évident attrait de la vie. Joseph est en effet l’époux de Marie, la Mère, celle qui enfante le Christ en tous, celle qui enseigne que nous sommes des êtres de naissance. La sagesse de Joseph se comprend sur l’horizon de la sagesse mariale, tant il est vrai que toute sagesse est d’abord féminine. Dès lors, le paradoxe du renoncement se révèle être celui de la naissance par la mort. La mort placée au cœur de la vie. Renoncer au bien pour obtenir le bien. S’abandonner à Joseph et se recevoir de Marie. S’offrir au Père et renaître dans le Fils, par l’Esprit. Le mouvement du dépouillement radical n’est pas un pari insensé, au contraire, car le Fils se manifeste entre le Père et l’Esprit, Jésus apparaît entre Joseph et Marie. Le renoncement de saint Joseph s’explique par un attachement nécessaire au Christ : « celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera » (Lc 9,24).
Notre monde, cynique et fou, interroge : « naître et mourir, à quoi bon ? » Tout prend sens, tout acquiert sa valeur dans le « à cause de moi » insérant le Christ Jésus au cœur de la quête du bonheur. Joseph renonce ainsi à une paternité humaine à cause de Jésus, Joseph renonce à ses droits sur son épouse à cause du Verbe incarné, Joseph renonce à toute titulature royale à cause du Christ. Mais pourquoi lui ? Pourquoi renoncer pour l’Enfant ? Parce qu’il est l’Agneau. Parce que le « à cause de moi » exprime la tendre réponse, l’amoureux élan suscité par le « pour vous » que Jésus offre le premier et qui nous sauve. « Ceci est mon corps, qui est pour vous » (1Co 11,24).
Pourquoi imiter la sagesse de saint Joseph ? Parce qu’elle initie à la folie de la Croix.