Le silence de saint Joseph étonne et dérange d’abord ceux qui ont perdu de vue l’importance de la vie contemplative, laquelle procède du dialogue le plus authentique et le plus profond.
Les musiciens le savent : le silence du public ne consiste pas en une renonciation à toute réaction, il est au contraire une participation essentielle à la qualité du récital. La salle de concert est l’enceinte d’un dialogue des cœurs et l’enveloppe d’une correspondance des intelligences. Les époux le savent également : la réponse ajustée aux confidences les plus intimes est le silence enflammant les regards. Ce dialogue secret est plus satisfaisant que les bruyants échanges du quotidien. Marie et Joseph l’illustrent davantage encore : le dialogue le plus parfait est celui où personne ne parle et chacun écoute. Rencontre subtile de deux amours qui se livrent l’un à l’autre et n’en sont qu’un, échange sublime qui, au cœur de la vie trinitaire, réalise la procession du Saint-Esprit.
On a tort d’opposer le silence de Joseph et la parole de Marie, car la sainte Vierge répond au saint patriarche par le silence où grandit l’amour. On a tort encore de soupçonner le silence de Joseph, car il est tout à la fois l’attente du Verbe et la réponse à la Parole, le désir de la vie contemplative et l’entrée, dès ici-bas, dans la vie trinitaire. On aurait tort enfin de fuir le silence de Joseph, car l’époux de Marie désire pour nous comme il la désire pour lui-même la pleine participation au vivifiant dialogue de Dieu avec l’homme.