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« Il s’est penché sur son humble servante » (Lc 1,48a)

par | 1 mars 2015

 

Ce verset doit être mis en relation avec le précédent qu’il explicite : l’âme de Marie exalte le Seigneur, son esprit exulte en Dieu son Sauveur, parce qu’« Il a jeté les yeux sur l’humble condition (tapeinôsis) de sa servante (doulè) » (trad. littérale).

La manière dont Marie se désigne rappelle sa réponse à l’Ange Gabriel : « Voici la servante (doulè) du Seigneur » (v. 38). Celle qu’Élisabeth salue comme « la mère de son Seigneur » (v. 43), se considère comme l’humble servante (du projet) de Dieu. Marie accueille donc sa maternité comme la part de service qui lui est confiée dans la réalisation du mystère de la Rédemption.

Les commentateurs ont vu la difficulté de ce verset qui comporte une possible contradiction : si Marie se glorifie de son humilité, elle fait preuve de vanité ! C’est pourquoi Luther traduit tapeinôsis par « bassesse », au sens d’abjection. D’autres font cependant remarquer que l’humilité ne consiste pas à se déprécier soi-même, mais à ne rien s’attribuer des dons de Dieu, pour lesquels on le glorifie d’autant plus qu’on ne s’en attribue aucun mérite. Consciente plus que tout autre que tout son être, avec toutes les grâces dont il est orné, sont un pur don de Dieu, Marie s’émerveille que le Tout-Puissant – Lui qui n’a besoin de rien ni de personne – ait décidé de la choisir comme collaboratrice dans son plan de salut ; plus précisément : de l’élire entre toutes, pour être la Mère de son Fils. « Ô véritable humilité – s’émerveille saint Augustin – qui a enfanté Dieu aux hommes, et qui a donné la vie aux mortels. L’humilité de Marie est devenue l’échelle du ciel par laquelle Dieu est descendu sur terre (Facta est Maria humilitas scala caelestis, per quam Deus descendit ad terras). Car que signifie respexit, il a regardé, sinon approbavit, il a approuvé ? » (2ème Homélie sur l’Assomption).

« Il s’est penché sur son humble servante »

Saint Bernard fait dire à la Vierge : « Posant sur moi son regard, par sa grâce il m’a faite humble, et il m’a faite sa servante. C’est de sa propre initiative que la Miséricorde a posé sur nous son regard, nous que notre misère avait rendus par trop méprisables. Mais moi entre tous, Il m’a regardée spécialement ; moi à qui, de préférence à tous, Il a concédé un singulier privilège ». Le saint Abbé insiste : « Sa servante n’aurait même pas osé lever les yeux vers Lui, si Lui-même le premier n’avait daigné regarder vers elle. Elle dit bien “sa” servante, car Il l’a faite sienne, Celui qui par elle et en elle a fait son œuvre personnelle » (Commentaire du Magnificat).

L’humilité de Marie est l’œuvre exclusive de Dieu : elle est le reflet dans son cœur de l’humilité de l’Esprit Saint lui-même, qui s’efface dans l’étreinte d’amour du Père et du Fils. Tout le mérite de la Vierge immaculée est de s’être ensevelie dans cette sainte humilité ; de l’avoir prise comme manteau, de s’en être couverte comme d’un voile, afin de demeurer invisible aux yeux des hommes et de se réserver pour Dieu seul. « Heureux les cœurs purs », comme celui de saint Joseph : ils verront Dieu (cf. Mt 5,8) blotti dans le sein de l’humble Vierge Marie, et pourront la prendre chez soi (cf. Mt 1,20).

C’est encore saint Bernard qui en contemplant Marie, médite : « Ô splendide mélange de virginité et d’humilité ! Combien elle doit plaire à Dieu, cette âme en qui l’humilité rehausse la virginité et dont la virginité sert de parure à l’humilité ! Mais alors, te figures-tu l’immense respect que mérite celle dont la fécondité exalte l’humilité et dont un enfantement consacre la virginité ? Tu entends : elle est humble ; si tu ne peux imiter la virginité de l’humble, imite l’humilité de la Vierge. »

« Sainte Vierge, qui dites à tout le monde dans votre Cantique que c’est l’humilité qui est cause de votre bonheur, priez donc votre Fils, par les entrailles de votre ventre, où il a logé neuf mois, qu’il nous donne cette grâce » (saint Vincent de Paul).

« Il s’est penché sur son humble servante »

Que de Saints et de Saintes ont pu reprendre à leur compte ces paroles de la Vierge Marie ! Nous pensons à sainte Bernadette Soubirous, sainte Benoîte Rencurel, sainte Germaine de Pibrac et tant d’autres, dont la sainteté n’est pas liée à des charismes ou des talents exceptionnels, mais qui ont accepté tout simplement d’être choisies par le Seigneur, pour être – comme Marie et sous sa conduite – des hérauts de la tendresse de Dieu pour notre pauvre humanité.

Tout ce qui se dit de Marie peut en effet s’attribuer à l’Église dont elle est le membre le plus éminent : le Seigneur pose sans cesse son regard bienveillant sur toute âme croyante qui se tient devant lui dans cette attitude d’humble disponibilité. Qu’il est bon de garder vivant le souvenir de la proximité bienveillante de Dieu, qui nous accompagne avec tendresse et délicatesse dans toutes nos démarches.

« Il s’est penché sur son humble servante »

Puisque le Très-Haut nous a confiés à Marie comme Il lui a confié son propre Fils, pour qu’elle soit sa Mère et notre Mère, nous pouvons également affirmer que le regard « maternel » de Dieu nous rejoint par celui de Marie, qui se penche sur nous comme une maman sur son enfant au berceau.

De même qu’un nouveau-né tressaille de joie lorsqu’il se découvre enveloppé dans la douceur du regard maternel, puissions-nous garder au cœur la sainte humilité, afin de vivre à chaque instant dans l’onction de tendresse de l’Esprit. Nous pourrons alors, comme Marie, transmettre aux pauvres et aux petits de ce monde, par notre proximité attentive et bienveillante, la bonne nouvelle de l’amour de prédilection que Dieu leur porte.

Telle pourrait être notre résolution de carême, que nous pourrions mémoriser dans la parole de Jean le Baptiste qui rejoint le verset que nous méditons : « Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue » (Jn 3,30).

Terminons avec une prière de saint Jean Eudes :

« O Marie, la Reine des humbles,
c’est à vous qu’il appartient de briser la tête du serpent,
qui est l’orgueil et la superbe.
Écrasez-la donc entièrement dans nos cœurs,
et nous rendez participants de votre sainte humilité,
afin que nous puissions chanter éternellement avec vous :
Respexit humilitatem ancillae suae,
pour rendre grâce à la très sainte Trinité,
de ce qu’elle a pris tant de complaisance en votre humilité,
qu’elle vous a rendue digne par ce moyen
d’être la Mère du Sauveur de l’univers,
et de coopérer avec lui au salut de tous les hommes. »

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