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« Que ton nom soit sanctifié »
Le « nom » dans la Bible fait bien plus que désigner la personne : il révèle sa réalité profonde et permet d’entrer en relation avec elle. Or dans l’Evangile, Jésus se présente précisément comme la révélation de Dieu son Père : « Nul ne connaît le Père sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler » (Mt 11,27). D’où il suit que Jésus, « image du Dieu invisible » (Col 1,15), est à proprement parler le « Nom » du Père, Celui qui nous Le révèle, nous permet de Le connaître et d’entrer en relation avec Lui : « Quand vous priez, dites : “Père” » (Lc 11,2). Jésus lui-même opère ce rapprochement entre le Nom de Dieu et sa personne, lorsqu’après avoir demandé : « Père glorifie ton Nom » (Jn 12,28), il prie un peu plus tard : « Père, glorifie ton Fils » (Jn 17,1). Aussi S. Maxime le Confesseur n’hésite-t-il pas à écrire dans son Commentaire sur le Notre Père : « Le Nom de Dieu le Père, ce Nom qui existe dans l’essence même, c’est le Fils unique ». Ainsi lorsque Jésus prie son Père en disant : « J’ai manifesté ton Nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner » (Jn 17,6), il signifie que par tout ce qu’il a dit et accompli, il nous a révélé le visage de tendresse du Père : « Qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14,9). C’est bien pourquoi saint Pierre proclame devant le Sanhédrin : « Aucun autre Nom [que celui de Jésus] n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver » (Ac 4,12), puisque par Lui et en Lui nous avons accès au salut que Dieu nous offre. De même, lorsque les apôtres reçoivent le pouvoir de chasser les démons au Nom de Jésus (cf. Mc 16,17), ils disposent en Lui de la puissance divine du Père qui repose en plénitude sur le Fils unique (Jn 17,10).
« Que ton nom soit sanctifié »
La « sanctification du Nom de Dieu » est un thème récurrent chez le prophète Ezéchiel. Dieu rachètera son peuple afin qu’il puisse Lui rendre un culte qui « ne profane plus son saint Nom », mais tout au contraire, « manifeste sa sainteté aux yeux des nations » (Ez 20, 39.41). C’est donc Dieu qui est le sujet de l’action sanctificatrice du Nom, le peuple étant la cause instrumentale de son agir : « Je sanctifierai mon grand Nom, profané parmi les nations, mon Nom que vous avez profané au milieu d’elles. Alors les nations sauront que Je suis le Seigneur – oracle du Seigneur Dieu – quand par vous je manifesterai ma sainteté à leurs yeux » (Ez 36,23).
« Sanctifier le Nom » signifie donc « manifester la sainteté de Dieu » afin qu’elle soit connue de tous. Mais qui donc pourrait faire connaître le mystère de la sainteté divine sinon Dieu lui-même ? Nous retrouvons le verset déjà cité : « Tout m’a été remis par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler » (Mt 11,27). Le Fils unique de Dieu, qui participe pleinement à sa gloire, a pris chair de notre chair afin de nous révéler la sainteté du Père, c’est-à-dire de nous la communiquer dans l’Esprit Saint : « Tous nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce ; car la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître » (Jn 1, 16-18). Seul Jésus, le Fils unique, peut révéler la sainteté de Dieu, pour que nous puissions sanctifier son Nom, c’est-à-dire l’adorer « en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père » (Jn 4,23).
« Que ton nom soit sanctifié »
Le fait que nous reconnaissions la sainteté de son Nom n’ajoute rien à la gloire de Dieu ; mais l’adoration nous rapproche de Lui, nous fait même communier à sa vie, tant il est vrai que la connaissance de son Mystère ne peut se faire que par connaturalité, c’est-à-dire en « devenant participant de la nature divine » (2 P 1,4). C’est donc ultimement par toute notre vie que nous sommes appelés à sanctifier « le Nom qui est au-dessus de tout nom » (Ph 2,10) dont fut doté le Christ, en obéissant à sa Parole : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure » (Jn 14,23). Telle est bien l’intention de Jésus lorsqu’il nous invite à prier afin que le Nom de Dieu son Père soit sanctifié dans nos vies : « Soyez saints, car moi le Seigneur votre Dieu, je suis saint » (Lv 19,2). La sainteté de Dieu ne l’isole donc pas dans sa grandeur inaccessible, mais le pousse tout au contraire à entrer en relation avec sa créature, pour la rendre participante de sa gloire. Notre Seigneur désire ardemment nous partager sa vie filiale dans l’Esprit afin que nous connaissions « la joie parfaite que nul ne pourra nous ravir » (Jn 15,11 ; 16,22).
Cette sainteté de Dieu ne sera cependant pleinement manifestée que lorsque tous ses enfants seront rassemblés dans l’unité (cf. Jn 11,52) par l’Esprit de charité, pour ne former qu’un seul Corps : le Corps total du Christ. Prier pour la sanctification du nom de Dieu implique dès lors de nous mettre résolument au service de cette communion, en faisant tomber les barrières de l’exclusion sous toutes ses formes.
« Que ton nom soit sanctifié sur la terre comme au ciel »
En hébreu, ce qui est commun à une liste est mentionné en fin d’énumération ; il est donc probable que la précision « sur la terre comme au ciel », porte sur les trois premières demandes : « que ton nom soit sanctifié, que ton Règne vienne, que ta volonté soit faite ».
Le nom de Dieu est incontestablement sanctifié au ciel : la vision d’Isaïe témoigne de l’adoration ininterrompue des Anges autour de son trône : « Je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils se criaient l’un à l’autre : “Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur de l’univers ! Toute la terre est remplie de sa gloire” » (Is 6, 1-3). L’Apocalypse nous annonce qu’au terme, cette adoration angélique sera élargie à la création tout entière : « Jour et nuit, les quatre Vivants ne cessent de dire : “Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur Dieu, le Souverain de l’univers, Celui qui était, qui est et qui vient”. Lorsque les Vivants rendent gloire, honneur et action de grâce à celui qui siège sur le Trône, lui qui vit pour les siècles des siècles, les vingt-quatre Anciens se jettent devant Celui qui siège sur le Trône, ils se prosternent face à celui qui vit pour les siècles des siècles ; ils lancent leur couronne devant le Trône en disant : “Tu es digne, Seigneur notre Dieu, de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance. C’est toi qui créas l’univers ; tu as voulu qu’il soit : il fut créé” » (Ap 4, 8-11).
La seule manière de hâter la venue du Règne définitif de notre Dieu, c’est d’entrer dès à présent et dès cette terre, dans cette célébration liturgique cosmique : « En toute circonstance, offrons à Dieu, par Jésus, un sacrifice de louange, c’est-à-dire les paroles de nos lèvres qui proclament son Nom » (He 13,15), car il faut « qu’au Nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : “Jésus Christ est Seigneur” à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2, 10-11).
« Que ton nom soit sanctifié
que devienne lumineuse en nous la connaissance de toi,
afin que nous puissions connaître la largeur de tes bienfaits,
la longueur de tes promesses
la hauteur de ta majesté,
la profondeur de tes jugements »
(S. François d’Assise)