Matthew Fox, Le Christ cosmique
L’auteur de ces lignes déconcertantes est un dominicain. Plus exactement « était », car on conçoit sans peine que la Congrégation pour la doctrine de la foi ait exprimé des réserves (1987) eu égard à la théologie de notre auteur. M. Fox fut exclut de l’ordre dominicain en 1993, puis suspendu de ses fonctions sacerdotales. Il préféra quitter l’Eglise catholique pour se joindre à l’Eglise épiscopalienne (branche américaine de l’Eglise anglicane).
La citation suffit pour pressentir que le souci écologique est au cœur de la problématique de M. Fox, au point d’y subordonner son interprétation des Evangiles. A vrai dire, il s’agit plutôt d’une utilisation de certains passages scripturaires, librement interprétés à la lumière de sa conception a priori. Il présente lui-même son ouvrage comme « l’histoire du mystère pascal du troisième millénaire chrétien, le mystère pascal d’une ère religieuse nouvelle ». Cette nouvelle interprétation du christianisme, la seule susceptible de « sauver » la religion chrétienne de sa dégénérescence, se développe en trois temps :
– La prise en compte du grand matricide : la crucifixion de la Terre-mère, qui est aussi la crucifixion de Jésus-Christ.
– La Résurrection du psychisme humain par un réveil de la mystique.
– L’avènement du Christ cosmique, inaugurant une renaissance mondiale permettant de guérir et de sauver la Terre-mère en changeant le cœur de l’homme et son comportement.
Notre auteur reconnaît avoir « abandonné le théisme au profit d’une vision panenthéiste ». L’immanence divine n’était donc pas le propre de Jésus :
Le « Christ cosmique » désigne la puissance de vie qui se manifeste en toutes choses :
Ou encore :
« Qu’est-ce qui est sacré ? » M. Fox répond lui-même :
Ce Christ cosmique est donc également immanent à notre Terre, désignée comme notre Mère universelle. Bien plus : le drame écologique actuel de l’agonie de notre Planète symbolise, mieux que la passion de Jésus, le drame du Christ cosmique.
Il ne fait pas de doute que pour notre auteur, la passion de la Planète est bien plus importante – en soi et en raison de ses conséquences – que celle que dû supporter Jésus il y a deux mille ans.
L’Eucharistie prend elle aussi une dimension cosmique, et renvoie en particulier à la Passion de la Terre-mère, qu’elle représente symboliquement :
Tout cela prêterait à sourire, si M. Fox n’était pas devenu un des auteurs les plus lus du Nouvel Age. L’intérêt qu’il suscite vient probablement du fait qu’il rejoint à la fois les préoccupations de « l’écologie des profondeurs », et les aspirations des nouveaux courants religieux, tournés vers le culte de la grande Déesse – en réaction contre le patriarcat de la religion judéo-chrétienne et le « fascisme » de l’Eglise catholique. Le tout dans un discours pseudo chrétien qui capte la bienveillance des lecteurs, dont la culture s’enracine encore en grande majorité dans cette tradition. Mais il est clair qu’il serait plus respectueux du christianisme de ne pas lui emprunter son langage pour lui faire dire ce qui lui est étranger. Cet argument ne risque hélas pas d’avoir beaucoup d’impact : M. Fox espère en effet que son concept permettra de réaliser enfin l’unité œcuménique de toutes les religions dans l’adoration universelle du « Christ cosmique »…