John Hick, The Myth of God Incarnate ; trad. Ch. Morerod
John Hick est sans doute le représentant le plus notoire du pluralisme religieux, aux côtés de Raimmondo Pannikar et Paul F. Knitter. Pour notre auteur, les religions expriment toutes de manière différente, l’unique rapport de l’homme avec la Réalité ultime. Dans ses grandes lignes, ce rapport serait donc équivalent dans toutes les Traditions ; seule l’expression culturelle diffèrerait. J. Hick appelle dès lors les grandes religions à relativiser leurs positions doctrinales respectives, et surtout à abandonner leur exclusivisme, afin de s’ouvrir à un dialogue sur base des positions qui leur sont communes. Les diversités subsisteraient, mais seraient périphériques ; elles souligneraient davantage la complémentarité des approches religieuses que leurs différences.
Cet abandon de l’exclusivisme passerait pour le christianisme par le renoncement à la foi en la divinité de Jésus-Christ, car
Ce qui est inacceptable pour notre auteur. Est-il nécessaire de préciser que la déduction selon laquelle l’exclusivisme chrétien fondé sur la divinité du Christ, exclurait du salut la majorité des hommes, cette déduction est tout simplement fausse. Les Pères de l’Eglise reconnaissaient déjà la présence de « semences du Verbe »
dans les recherches de la vérité menée par les hommes des différentes cultures. Ceux-ci peuvent dès lors être sauvés eu égard à l’orientation implicite de leur doctrine vers la plénitude de la Révélation en Jésus-Christ. Tout homme qui écoute la voix de sa conscience et obéit à la loi naturelle, répond à l’appel de l’Esprit Saint, et accueille la grâce du salut – qui lui vient par Jésus-Christ, même s’il l’ignore.
Pour John Hick, cette interprétation donne encore et toujours une place trop prépondérante au Christ parmi les grands fondateurs, ainsi qu’au christianisme parmi les autres religions. La seule possibilité d’un authentique dialogue religieux est selon lui la reconnaissance d’une pluralité de révélations et de voies de salut équivalentes :
Il faut donc que chaque religion renonce à exiger une réponse absolue de foi et d’adoration à la révélation qui lui est advenue, et accueille sur un pied d’égalité les révélations confiées aux autres Traditions. Ce qui implique pour le christianisme de renoncer à professer que le Christ est le Fils unique de Dieu, le Sauveur universel de tous les hommes.
Dans l’extrait proposé, notre auteur nous expose précisément le malentendu qui selon lui est à la base du dogme de l’union hypostatique (l’union de la nature divine incréée et de la nature humaine créée dans la personne du Christ) : selon lui Jésus n’est pas Dieu ; il est simplement intensément « conscient de Dieu »
. Ce serait le contexte culturel dans lequel se sont développées les premières communautés chrétiennes, qui aurait poussé les croyants à exprimer leur expérience de rencontre avec Jésus dans les termes que nous connaissons :
En le suivant ils donnaient leurs vies à Dieu et recevaient de Dieu leurs vies renouvelées. Et il était ainsi naturel qu’ils expriment cette seigneurie dans les termes les plus exaltés qu’offrait leur culture. »
Jésus se trouve ainsi réduit à être un mystique juif « divinisé » par ses disciples, au même titre que les fondateurs des autres Traditions – « comme Moïse, Gautama, Confucius, Zoroastre, Socrate, Mahomet, Nanak »
– qui tous étaient des Maîtres exemplaires dont l’expérience spirituelle a été érigée en voie religieuse.
On comprend que le cardinal J. Ratzinger ait pu présenter John Hick comme « le représentant le plus en vue du relativisme religieux »
, que Benoît XVI dénonce comme un des problèmes théologiques majeurs de notre époque.