Famille de Saint Joseph

La vie inconnue de Jésus-Christ en Inde et au Tibet

par | 21 février 2005

Critique 1

Ce succès est d’autant plus remarquable, que dès la parution de l’ouvrage, Max Müller, un des orientalistes les plus connus de l’époque, démontrait que La Vie inconnue de Jésus-Christ était un faux. Une enquête sur place révéla en effet qu’aucun habitant des régions qu’aurait traversées notre aventurier ne se souvenait de cet Européen, dont la venue aurait pourtant dû marquer la mémoire des habitants de ces contrées isolées. Mais surtout : ni les missionnaires des Frères moraves, qui géraient un dispensaire à Leh, ni même le lama du monastère de Hémis, celui-là même qui aurait donné à N. Notovitch les précieux rouleaux, …ne l’ont jamais rencontré !

Quant au contenu de l’ouvrage, les découvertes ne sont guère plus édifiantes : il est historiquement impossible que des bouddhistes de l’Himalaya tibétain aient rencontré le Christ ou aient été informés de sa vie par des témoins occulaires, pour la bonne raison que le bouddhisme n’a pénétré au Tibet que sept siècles après le début de l’ère chrétienne.

Mais notre auteur ne s’embarrasse pas de ce genre de détail ; aussi n’a-t-il aucun scrupule à faire séjourner Jésus dans le temple de Jagannath, qui ne sera construit… qu’un millénaire plus tard !

L’ouvrage reçu pourtant le soutien inconditionnel d’un bon nombre d’occultistes et spirites ayant accès, par vision médiumnique astrale, aux fameuses « archives de l’akasha », où serait conservée la mémoire de tous les événements de notre histoire. Non contents de confirmer les révélations fantaisistes livrées par Notovitch, ces auteurs élargirent la perspective en y ajoutant des éléments de leur cru ou empruntés à d’autres mythes ésotériques, tel que l’histoire secrète des Templiers.

En fait, N. Notovitch s’est plus que probablement inspiré d’un passage d’Isis dévoilé de H. P. Blavatsky, dans lequel l’auteur fait référence à un hypothétique voyage du Christ dans les contreforts himalayens, car les doctrines du Bouddha « s’harmonisaient parfaitement avec sa propre philosophie, tandis que celle de Jéhovah était pour lui abominable et terrifiante ».

Notons enfin l’insistance de Notovitch à disculper les responsables religieux juifs de la mort du Christ : converti à l’orthodoxie plus par opportunisme que par conviction, il saisit habillement l’opportunité qui s’offrait à lui pour se réhabiliter aux yeux de ses ex-coreligionnaires.

Tout cela est assez lamentable et ne mériterait pas qu’on s’y arrête, mais le succès de cette interprétation fantaisiste confirme l’adage : « Mentez, mentez : il en restera toujours quelque chose ! » Le mythe peut même parfois prendre corps : si vous visitez Srinagar 2, vous pourrez vous y recueillir sur « la véritable tombe de Jésus-Christ » ! Il faut bien sûr pousser un peu plus loin le délire pour en arriver là, mais tant qu’à faire, pourquoi s’arrêter en chemin ? Ainsi donc, après sa descente de croix à laquelle il aurait survécu, le Christ aurait vécu encore de nombreuses années à Srinagar , où sa mère l’aurait rejoint, et où il aurait fondé une famille avant de s’éteindre à l’âge de cent vingt ans 3

Que dire de plus ? Sinon qu’il faudra bien un jour que les nombreux auteurs « éclairés » qui prétendent connaître le fin mot de l’événement Jésus-Christ se mettent d’accord pour décider laquelle de leurs interprétations est la bonne !

En attendant, nous préférons nous en tenir à l’interprétation croyante que nous en donne les Evangiles.

 

Notes :

  1. Comme nous l’annoncions, nous nous contenterons de donner un résumé de la critique historique proposée par Christian Bouchet, en Introduction à l’édition 2004 (éd. Pardès). [retour]
  2. Selon d’autres sources : au Cachemire, où on peut même trouver une tombe de Moïse et de la Vierge Marie ! [retour]
  3. La réalité est bien plus prosaïque : les enquêtes ont montré qu’il s’agit de la tombe d’un homme pieux dont le nom rappelait phonétiquement celui de « Jésus ». Il n’en fallait pas plus pour prolonger le mythe. [retour]

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