Les grands rรฉformateurs, la fondateurs de religions, les ardents semeurs dโidรฉes : Krishna, Zoroastre, Hermรจs, Moรฏse, Pythagore, Platon, Jรฉsus, tous ont voulu mettre ร la portรฉe des foules des vรฉritรฉs sublimes qui faisaient leur supรฉrioritรฉ. Mais les disciples nโont pas su garder intact lโhรฉritage des maรฎtres. Ceux-ci รฉtant morts, leur enseignement a รฉtรฉ dรฉnaturรฉ, rendu mรฉconnaissable par des altรฉrations successives. La moyenne des hommes nโรฉtait pas apte ร percevoir les choses de lโesprit, et les religions ont vite perdu leur simplicitรฉ et leur puretรฉ primitives. Les vรฉritรฉs quโelles apportaient ont รฉtรฉ noyรฉes sous les dรฉtails dโune interprรฉtation grossiรจre et matรฉrielle.
Mais la doctrine secrรจte va ressusciter sous une forme plus complรจte, accessible ร tous. Ce sera la religion supรฉrieure, dรฉfinitive, universelle, au sein de laquelle se fondront, comme des fleuves dans lโocรฉan, toutes les religions passagรจres, contradictoires, causes trop frรฉquentes de division et de dรฉchirement pour lโhumanitรฉ. ยป
Lรฉon Denis, Aprรจs la mort ; exposรฉ de la doctrine des esprits
Ce quโรฉnonce notre auteur est une doctrine commune ร lโรฉsotรฉrisme, lโoccultisme et mรชme au spiritisme, auquel se rattache Lรฉon Denis. Le raisonnement est toujours le mรชme : les diffรฉrences voire les oppositions entre les Religions rรฉsulteraient de dรฉviances par rapport ร lโenseignement du fondateur รฉclairรฉ, qui aurait puisรฉ immรฉdiatement ร la Source de toute Sagesse.
Sโajoute un autre argument : la distinction entre lโenseignement รฉsotรฉrique – rรฉservรฉ ร une รฉlite dโinitiรฉs, et qui serait le mรชme dans toutes les religions – et lโenseignement exotรฉrique – proposรฉ ร la masse des ignorants, et qui serait diffรฉrent selon les religions.
De nombreux auteurs ne manquent pas dโajouter que cette distinction est subtilement entretenue par le clergรฉ avide de pouvoir, qui maintiendrait ainsi le peuple dans son pouvoir en le privant de la vraie connaissance libรฉratrice.
Au programme du Nouvel Age se trouve la redรฉcouverte de cette hypothรฉtique Tradition primordiale โ dont les spรฉcialistes de lโhistoire des religions nient lโexistence ! โ et sa diffusion dans toute lโhumanitรฉ, qui aurait atteint un niveau dโรฉvolution suffisant pour pouvoir y accรฉder.
Puisque les propositions religieuses des Traditions exotรฉriques sont contradictoires, la Religion universelle ne pourra pas faire une synthรจse des diverses doctrines ; il faudra bien quโelle tranche et prenne position pour lโune, et dรจs lors contre lโautre Tradition. Pour Lรฉon Denis comme pour les autres รฉsotรฉriciens traitant de la question, il ne fait aucun doute que la Religion universelle sera un naturalisme, identifiant le divin avec lโensemble de la manifestation visible et invisible. En dโautres termes, elle rejettera explicitement la doctrine de la crรฉation, dรฉfendue par les Juifs, Chrรฉtiens, et Musulmans. Lorsquโon se souvient que les deux derniรจres Religions citรฉes sont numรฉriquement les plus importantes de la planรจte, on perรงoit ce que ce projet dโunification des Religions en une seule Religion universelle naturaliste peut avoir dโutopique.