Alice Bailey, De Bethléem au Calvaire
Nous proposons cet extrait comme un (autre) exemple de la confusion épistémologique entretenue au sein du Nouvel Age.
« Les nouveaux rayons » : de quoi s’agit-il ? D’un rayonnement cosmique que les astrophysiciens auraient détecté au moyen d’un nouveau radiotélescope ? Pas du tout : il s’agit de « rayons » supposés appartenir à un autre spectre énergétique, absolument inconnu des physiciens, qui ne peuvent ni le mesurer ni même le détecter. Il s’agirait d’un champ bien plus fondamental que les quatre champs mis à jour par la physique – gravitationnel (et inertiel) ; électro-faible ; électro-fort ; électro-magnétique – et qu’il serait désormais convenu d’appeler « énergie subtile » ou « énergie occulte ». Qu’il soit clair cependant que cette description en termes énergétiques est purement analogique : nous n’avons aucune idée de la nature de cette mystérieuse « réalité » invoquée par les ésotériciens et occultistes pour justifier leurs théories et leurs pratiques. Il ne s’agit que d’une « hypothèse théorique », qui prétend rendre compte d’un ensemble de phénomènes pour lesquels les sciences demeurent pour le moment sans réponse.
Il n’en reste pas moins que sous la plume de nos auteurs, cette hypothèse a pris plus de « poids ontologique » que la réalité objective elle-même. Celle-ci est réduite à une condensation locale de ce mystérieux champ énergétique occulte, érigé en Réalité Première et Ultime, de nature divine. Notre univers matériel serait donc travaillé selon Alice Bailey par des forces occultes issues de ce champ primordial divin, forces « intelligentes » chargées de susciter sur notre Planète les transformations indispensables pour préparer l’avènement des temps nouveaux et de la nouvelle race humaine.
Dans le contexte moniste que nous venons d’esquisser, il n’y a pas de différence réelle entre la matière et l’esprit : tous deux sont présentés comme des cristallisations de l’unique réalité énergétique divine. La matière serait de l’esprit condensé, et l’esprit de l’énergie divine refroidie. Dès lors l’action des forces intelligentes issues du champ primordial occulte devrait affecter tout autant l’esprit que la matière. Les deux actions sont même supposées être conjointes : l’activation – « l’éveil » – des neurones devrait bientôt permettre à l’individu d’accéder à « l’éveil » spirituel ou illumination. Cette transformation psychosomatique est supposée provoquer une modification de l’état de conscience de l’adepte, qui lui permettrait de s’ouvrir aux différents niveaux du monde occulte, auxquels nos sens physiques ne nous donnent pas accès.
Cette saisie intuitive des mondes parallèles est sensée ouvrir à la perception d’une « révélation spirituelle qui s’approche ». Il est clair que le terme « révélation » ne saurait être entendu ici dans le sens qui lui est réservé en théologie (chrétienne), où il désigne l’auto-manifestation de Dieu en son Fils Jésus-Christ ; nous lisons au chapitre premier de la Constitution Dogmatique Dei Verbum sur la Révélation divine (Concile Vatican II) :
La « révélation » annoncée par A. Bailey est d’une toute autre nature. Elle se présente comme la découverte expérimentale de l’identité de toutes choses au sein de l’énergie divine primordiale dont elles émergent, et dans laquelle elles finiront par se résorber au terme de leur parcours involutif et évolutif. Il n’y a rien de commun entre cette perspective d’une fusion dans une énergie impersonnelle, et la participation à la vie divine dans l’Esprit, qui fait de nous des fils adoptif dans le Fils unique de Dieu, le Créateur et Père de tous les hommes.