Au lieu de laisser la Divinité comme une abstraction à laquelle personne ou presque personne ne comprend rien, il faut commencer par le côté concret, c’est-à-dire le Soleil. Vous direz : “Mais les temples, les statues, les cierges, l’hostie, c’est concret !” Oui, bien sûr, c’est concret, mais c’est limité, c’est froid, c’est mort. Quel est le temple ou l’Eglise qui peut se comparer à la nature et quelle est l’hostie qui peut se comparer au soleil ? Si vous allez jusqu’à cette hostie immense qu’est le soleil, si vous communiez tous les jours avec elle, vous sentez que nulle part ailleurs Dieu ne se manifeste dans une telle splendeur. Pourquoi les humains préfèrent-ils prier un Dieu abstrait dans des Eglises sombres et froides ? Qu’ils aillent d’abord rencontrer le soleil, se chauffer, s’éclairer, se vivifier, et ensuite, s’ils ont des possibilités mentales suffisantes, ils pourront se tourner vers un Dieu abstrait. »
Omraam Mikhaël Aïvanhov, Vous êtes des dieux
On reste stupéfait devant la pauvreté de ces lignes ; qu’il soit clair que nous ne commentons cet extrait qu’en raison de la notoriété de son auteur. Pour M. Aïvanhov, la Trinité, l’Eucharistie et en général tous les mystères chrétiens ne seraient que des représentations symboliques d’une doctrine naturaliste dont le christianisme aurait perdu la mémoire. Puisque les Eglises ne seraient que des transcriptions dans la pierre de l’édifice grandiose de la nature, autant retourner à l’original et adorer le divin dans une forme plus concrète, tel que le soleil rayonnant généreusement ses énergies bienfaisantes sur notre planète. M. Aïvanhov ne nous invite pas à un culte du Dieu soleil – bien qu’il n’y verrait aucun inconvénient puisque cet astre est effectivement selon lui une manifestation du divin, tout comme l’ensemble de la nature et tout ce qui la compose – mais il nous oriente à partir du soleil vers un dieu immanent, composé d’une énergie plus subtile que l’énergie solaire, mais de même nature qu’elle ; un dieu impersonnel d’où émaneraient tous les êtres, quelle que soit leur nature. Le soleil lui-même serait une émanation du divin, et donc une épiphanie divine dans l’ordre sensible ; voilà pourquoi notre auteur nous encourage à nous unir intentionnellement à lui.
Tout autre est la conception chrétienne que Aïvanhov n’a pas saisie, ou qu’il feint ne pas connaître. L’Eucharistie n’a rien d’ « abstrait » ; elle est par excellence le sacrement de l’Amour de Dieu pour nous ; le « signe efficace » de la présence réelle du Christ Jésus parmi nous. Nous entendons par cette expression : un signe qui ne renvoie pas à une réalité absente – comme le ferait un symbole – mais qui réalise concrètement ce qu’il annonce, à savoir la présence du Christ Jésus, vivant au milieu de nous dans son Corps glorieux ; qui est – n’en déplaise à M. Aïvanhov – infiniment plus lumineux, bienfaisant, vivifiant et concret, que tous les soleils de l’univers rassemblés. Car la lumière qui le transfigure n’est pas une énergie créée de ce monde qui passe, mais la gloire du Créateur, c’est-à-dire le Dieu transcendant en tant qu’il se communique à sa créature pour lui donner part à sa propre Vie. Pour le christianisme en effet, Dieu ne se confond pas avec la nature, mais Il est le Tout-Autre transcendant, personnel, et même Trinité de Personnes en relation réciproque d’amour. La nature, aussi merveilleuse soit-elle, n’est que le pâle reflet de sa splendeur et est totalement dépendante de Lui dans tout son être. La confondre avec Dieu revient à en faire une idole. Dieu ne se manifeste pas dans le soleil, mais il se révèle en son Fils : « Le Verbe était la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme. A ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1,9.12)
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