Famille de Saint Joseph

La conception de l’Etre suprême

par | 14 janvier 2005

« Nous croyons qu’en religion tous les hommes intelligents acceptent les mêmes vérités et ne se disputent que pour les erreurs.

Nous croyons que tous les dieux sont des fantômes et que les idoles ne sont rien ; que les cultes établis doivent faire place à d’autres et que le sage peut prier dans une mosquée comme dans une Eglise.

Nous croyons en Dieu unique et en la religion unique comme lui, en Dieu bénissant tous les dieux et en la Religion absorbant ou annulant toutes les religions.

Nous croyons à l’Etre universel, absolu et infini que démontre l’impossibilité du néant et nous n’admettons pas que le rien puisse être et devenir quelque chose.

Nous reconnaissons dans l’Etre deux modes essentiels : l’idée et la forme, l’intelligence et l’action.

Nous croyons à la révélation perpétuelle et progressive de Dieu dans les développements de notre intelligence et de notre amour.

Nous adorons Dieu vivant et agissant en Jésus-Christ dont nous ne faisons pas un Dieu distinct et séparable de Dieu même, Jésus ayant été vrai homme et complètement homme, comme nous, mais sanctifié par la plénitude de l’esprit divin parlant par sa bouche, vivant et agissant en lui.

Nous admettons le symbole des Apôtres, de Saint Athanase et de Nicée, en reconnaissant qu’ils doivent être expliqués d’une manière hiérarchique et qu’ils expriment les plus hauts mystères de la philosophie occulte. »

Eliphas Lévy, Profession de foi, Revue L’Initiation, n°2, juillet-décembre 1957

Nous retrouvons les principaux éléments de la conception ésotérique sur l’Etre suprême, la Religion universelle unique appelée à intégrer toutes les traditions religieuses, la recherche des vérités cachées du christianisme, et la réduction de la figure de Jésus-Christ à un initié exemplaire.

Cette convergence était tout à fait prévisible, puisque d’une façon générale on peut poser que l’occultisme est la mise en pratique des principes ésotériques ; un ésotérisme opératoire en quelque sorte.

« En religion tous les hommes intelligents acceptent les mêmes vérités » : l’intelligence humaine est seule habilitée à opérer le discernement de la vérité religieuse. Celle-ci ne peut donc faire que l’unanimité des hommes intelligents.

Aucune révélation ne jouit d’un privilège particulier : l’intelligence ne saurait recevoir aucun principe ou vérité qu’elle n’aurait pas tirés de son propre fond, en s’appuyant sur sa propre expérience : Dieu se révèle uniquement dans les développements de notre intelligence et de notre amour.

Cet axiome est inacceptable pour le chrétien, qui croit que Dieu se révèle en se donnant à qui l’accueille dans la foi. La foi est une lumière surnaturelle qui donne à l’intelligence un objet formel nouveau, à savoir Dieu en tant précisément qu’il se révèle. Cette lumière de la grâce n’est autre que l’Esprit Saint lui-même qui se joint à notre esprit pour nous introduire dans une connaissance transformante et sanctifiante.

« La foi, écrit l’auteur de la lettre aux Hébreux, est une manière de posséder déjà ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités que l’on ne voit pas. (…) Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu » (He 11, 1.6 ; et tout le chapitre)

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La philosophie occulte n’admettant pas la distinction nature-grâce, ne peut reconnaître la spécificité de la foi en tant que vertu infuse, c’est-à-dire grâce surnaturelle. Sa compréhension de la foi ne peut dès lors être que réductrice : la foi correspondrait à une démission inacceptable de la raison dans des domaines où celle-ci aurait pleine compétence. Il faut donc que « la religion devienne raisonnable » , car c’est « la raison qui est sainte » .

La conception de Dieu sera dès lors purement rationnelle : l’Etre subsistant, tel que la raison croit pouvoir le poser à partir de l’existence du monde et de l’impossibilité pour le néant d’engendrer quoi que ce soit.

Mais il ne s’agit pas pour autant de la première « preuve rationnelle » de l’existence de Dieu selon Saint Thomas ; celui-ci s’élève de la stérilité ontologique du néant, à la nécessité d’une Cause première de l’être des créatures. Pour la philosophie occulte, le raisonnement s’arrête à poser, à partir de l’existence du monde, la nécessité d’un Etre subsistant. Rien n’invite à établir une distinction ontologique entre l’être du monde et cet Etre premier, qui n’est pas présenté comme Cause première ontologique. L’insistance sur l’immanence de la vie universelle en tout ce qui existe, plaide plutôt en faveur d’une conception pan(en)théiste que créationniste, comme l’ensemble de la doctrine occulte le confirme : « Nous croyons au principe de la vie universelle, en le principe de l’Etre et des êtres toujours distinct de l’Etre et des êtres, mais nécessairement présent dans l’Etre et dans les êtres » .

Loin de nier la divinité du Christ, la philosophie occulte l’exalte au contraire, mais comme modèle de celle de tout homme en chemin de réalisation de soi.

Le Dieu vivant et agissant en lui n’est pas un Dieu distinct de Dieu lui-même, entendons : le Christ n’est en rien le Fils unique d’un Dieu Père.

Jésus est appelé Christ parce qu’il a pleinement réalisé le principe divin immanent en tout homme : « Jésus-Christ est le type de l’humanité régénérée » , écrit encore E Lévy dans le Discours préliminaire de son ouvrage Dogme et rituel de la Haute Magie.

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