La possibilité 1 que quelqu’un soit soumis aux forces du mal et même à Satan est une donnée attestée, de diverses manières, dans l’expérience et la conscience de foi de l’Église.
Il faut rappeler que Satan est en mesure d’interférer dans la vie d’un homme à un double niveau :
-# par une action ordinaire, en tentant l’homme pour qu’il commette le mal (Jésus lui-même a accepté d’être tenté), et cela concerne tous les fidèles ;
-# et par une action extraordinaire, permise par Dieu en certains cas pour des raisons que lui seul connaît. Ce second niveau d’action se manifeste sous des formes variées :
-## comme des troubles physiques ou externes, comme on peut le constater dans certains phénomènes qui se sont produits dans la vie des saints, ou des nuisances locales causées à des maisons, des objets ou des animaux ;
-##comme des obsessions personnelles, c’est-à-dire des pensées ou des impulsions qui jettent dans un état de prostration, de désespoir ou de tentation de suicide ;
-##comme des vexations diaboliques, correspondant à des troubles et des maladies qui arrivent à faire perdre la connaissance, à accomplir des actions ou à prononcer des paroles de haine envers Dieu, Jésus, son Évangile, Marie et les saints ;
-##comme une possession diabolique, c’est-à-dire comme une prise de possession du corps d’un individu par le démon, qui le fait parler ou agir comme il le veut, sans que la victime puisse résister ; c’est clairement la situation la plus grave.
L’Évangile parle de la possibilité d’une présence diabolique dans l’homme : le sujet qui en est victime devient comme une « maison » dont l’ennemi a pris possession (cf. Mc 3, 22-27) ; et il décrit des interventions de libération de situations de ce genre opérées par Jésus.
Bien qu’il soit difficile de les interpréter, on ne peut pas penser que des interventions semblables doivent être comprises, toutes et toujours, comme une réponse à des situations de dissociation psychologique ou d’hystérie.
À moins de penser que Jésus ait été victime d’une superstition primitive, il ne semble pas que l’on puisse accepter que le « tu » qu’il emploie dans ses exorcismes (par exemple en Lc 4, 35 ; 8, 30-33) soit une expression purement abstraite, ne désignant « rien ».
Par ailleurs, on doit toujours prendre en considération que Jésus intervient non seulement sur la possession d’ordre physique, mais aussi sur celle d’ordre moral. Les formes d’influence démoniaque, bien que mystérieuses, ne peuvent être interprétées seulement comme des situations de fondement pathologique : elles doivent recevoir une évaluation théologique dans la mesure même où elles se présentent comme des antithèses au projet de salut de Dieu pour ses créatures.
La personne humaine, créée à l’image et à la ressemblance du Créateur et rachetée par le Christ, est appelée à la communion avec Dieu et à la participation à sa vie trinitaire. Tel est l’événement de la grâce du baptême et le don de l’Esprit Saint répandu dans nos cœurs.
L’action de Satan, en ses diverses expressions, s’oppose objectivement à la vocation salvifique de l’homme et à son appel à la vie de Dieu. Aussi, l’Église ne peut-elle rester indifférente devant de tels cas ; elle se sent autorisée à intervenir. En tant que sacrement du salut du Christ, elle sait qu’elle a reçu mandat de discerner et de s’efforcer de s’opposer à toute forme de mal ou de force mauvaise qui essaye de conduire l’homme à l’erreur et qui s’oppose à la réalisation de la Rédemption du Christ dans la vie des croyants.
Bien qu’il soit difficile de discerner les limites entre des situations psychotiques et des situations d’influence démoniaque effective, elle ne peut pas – en aucun cas – sous-évaluer la gravité de la souffrance des fidèles qui se sentent victimes de tels faits. Elle ne peut pas non plus se limiter à des condamnations générales ou expéditives.
L’Église comprend la souffrance de ces frères et de ces sœurs, et elle s’efforce de prendre – en la personne de ses ministres – une attitude de compréhension humaine et d’aide, en évitant aussi bien tout excès de rationalisme et de froid détachement que toute forme de fidéisme ou d’ingénue crédulité.
Notes :
- Lettre pastorale : Magie et démonologie, DC 2104(1994)988-998. [retour]