Si religion et magie 1 représentent objectivement deux phénomènes distincts, ils peuvent parfois subjectivement converger sous certains aspects, et ceci peut se produire dans la vie même des chrétiens.
La pensée magique se caractérise par deux attitudes essentielles :
– le sentiment du désir d’obtenir quelque chose que l’on ne possède pas ou le sentiment de la peur qui amène à penser que l’on peut mettre des pouvoirs occultes à son propre service, et
– la nette séparation entre le rite et la vie.
Pour pouvoir répondre à ces demandes, la magie, se basant sur la croyance en des forces mystérieuses en mesure de parvenir au-delà des simples causes physiques naturelles, met en œuvre des rituels auxquels elle attribue une efficacité directe, indépendamment de Dieu et de son action, pour atteindre l’effet attendu ou souhaité par le désir.
Le caractère opératoire de ces rituels n’a aucun rapport, dans la perception du sujet, avec son attitude éthique et ses opinions existentielles. En effet, à cause de sa structure fondamentale, la magie n’implique pas de soi de lien quelconque avec les choix moraux de la personne et avec ses devoirs : un individu peut avoir un comportement répréhensible ou vivre dans des situations de faute, d’égoïsme et de haine, mais rien de tout cela, au moins en principe, ne pourra être un empêchement puisque le rituel magique exactement observé ou répété infatigablement produit les effets qui lui sont attribués.
Il est évident que la signification authentique de la religion et, surtout, la notion chrétienne de liturgie n’ont rien à voir avec ces composantes de la pensée magique.
Malgré cela, subjectivement, on peut créer des superpositions et même des collusions. Précisément parce que l’origine de la magie ne se trouve pas dans la raison mais dans le sentiment, on peut rencontrer chez le croyant aussi une dissociation du même type :
– par la raison, il est conscient de poser des actes chrétiens dans lesquels il sait que Dieu et sa grâce sont présents, mais,
– sur le plan du sentiment, ce qui fonctionne en lui peut être une attitude de type magique, liée seulement au désir d’obtenir quelque chose ou d’échapper à une force impersonnelle dont il a peur.
Des considérations analogues valent aussi pour la conception du geste sacramentel quand il est compris d’une manière automatique et « chosifié », en dehors d’une conception correcte de Dieu et du sacrement lui-même, ou quand il est séparé des dispositions de foi et de la réponse de vie qu’il exige.
Le rite sacramentel, où la grâce du Christ est à l’œuvre, exige l’implication personnelle du croyant et l’adéquation de la vie à ce que l’on proclame par l’acte de célébration et que l’on reçoit comme un don de Dieu.
Nous voulons mettre en garde nos fidèles contre ces dangers, et les inviter à une redécouverte permanente du sens authentique du « rite » de l’Église par rapport à une véritable maturité de la foi et une correspondance réelle entre ce que l’on croit, ce que l’on célèbre et ce que l’on vit. En effet, il y a un rapport inséparable entre la foi, le culte et l’existence chrétienne.
Notre but n’est cependant pas d’examiner le danger d’une interférence de la pensée magique avec le comportement des chrétiens, mais plutôt de dénoncer le phénomène de la magie en elle-même et sous ses diverses formes, même si on ne doit jamais oublier les reflets qu’elle peut avoir sur la vie et la pratique liturgique des fidèles.
Notes :
- Lettre pastorale : Magie et démonologie, DC 2104(1994)988-998 [retour]