Motorola Mobility, propriété de Google, vise à breveter le principe du tatouage électronique — non pas seulement telle fonction ou telle application liée au tatouage. Il se fonde sur l’observation que le cerveau envoie aux cordes vocales des signaux électriques correspondant aux pensées qui ne sont pas formulées à haute voix de la même manière qu’il commande les paroles ouvertement exprimées. La distinction entre les paroles intérieures et les paroles énoncées serait marquée par un seuil en deçà duquel l’action nerveuse motrice des cordes vocales est insuffisante pour engendrer des sons audibles. Un tatouage électronique permettrait de capter les ordres subtils du cerveau et d’interpréter ainsi des pensées non communiquées. On pensera d’abord aux dangers pour l’intimité des personnes ; remarquons plutôt la réduction de la pensée aux intentions motrices.
Il est possible d’émettre des réserves sur la réalisation de ce décodeur. Le brevet correspond en effet à la conversion d’un « signal sonore » capté par le tatouage en signal numérique. Mais les signaux en provenance du cerveau, transmis par les centaines de fibres nerveuses (du larynx notamment) sont déjà numériques et n’ont encore engendré aucun signal sonore. Après leur interprétation dans les nombreux muscles commandant la parole, il n’existe pas encore de signal unifié qui pourrait être interprété par un capteur pour produire un son identifiable à une parole pour l’oreille humaine.
Il est ainsi difficile de savoir si la capture de paroles non formulées est faisable, mais il est certain qu’une collecte de nombreuses grandeurs biologiques est possible, notamment les réactions de la peau. Regina Dugan, ex chef du DARPA en charge de la recherche chez Motorola, explique par exemple que le tatouage électronique serait un excellent moyen d’authentification pour les téléphones Motorola de la prochaine génération. Elle s’appuie sur les recherches de la société MC10, avec laquelle Motorola développe un système d’authentification déclenché par ingestion d’une pilule. Les acides de l’estomac servent d’électrolytes et activent le tatouage. Un signal est alors émis, faisant du corps humain entier un jeton d’authentification pour le téléphone, l’ordinateur, la porte de la maison ou de la voiture. La pilule a été approuvée par la Food and Drug Administration en juillet 2012 ; elle est actuellement produite (par Proteus).
Le système actuel est rudimentaire et impraticable, les effets de chaque pastille ne durant que 7 minutes. Imaginez qu’il faille calculer le temps d’ingestion et de dissolution de la pilule pour être certain de se présenter devant la porte de sa voiture dans la fenêtre d’activité du tatouage électronique… Certes, Proteus assure qu’il est possible d’ingérer 30 pastilles chaque jour tout au long de sa vie sans nuire à sa santé. Mais peut-on croire qu’il n’y aura aucune incidence physiologique ?
La commercialisation est encore loin et ne se fera peut-être jamais : en l’état, pilules et tatouages ont peu de chances de séduire les consommateurs. L’information vaut comme illustration de la direction des recherches et des postulats matérialistes qui les sous-tendent.
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