Caroline Myss, Anatomie de lโesprit
Voilร un discours hautement ambigu, mรฉlangeant subtilement des domaines qui sont sans commune mesure. Quโil soit bon de changer de rรฉgime alimentaire lorsquโil est inadaptรฉ, de changer dโhabitat sโil sโavรจre nocif, de changer dโorientation professionnelle si notre mรฉtier nโa plus dโavenir, tout cela relรจve du simple bon sens. Sans doute tout changement implique-t-il une rupture, et lโarrachement sera-t-il dโautant plus onรฉreux que le mode de vie antรฉrieur est davantage enracinรฉ dans un ensemble dโhabitudes que chacun partage avec son groupe dโappartenance. Que dans ces changements inรฉvitables nous soyons amenรฉs ร quitter certaines personnes pour nouer dโautres relations relรจve aussi des รฉvolutions normales. A condition toutefois de prรฉciser quโil ne sโagit pas de personnes avec lesquelles nous avons contractรฉ une alliance : รฉpoux, รฉpouse, enfants ร charge.
Or lโextrait citรฉ est รฉtonnamment centrรฉ sur lโindividu, dont lโรฉvolution devrait primer sur tous les engagements pris. Tel est bien le sentiment qui ressort de la lecture de lโouvrage de lโauteur bien connu des milieux du Nouvel Age et des ยซ nouvelles psychologies ยป. Rien ne devrait entraver lโรฉpanouissement individuel, car dans la perspective ยซ transpersonnelle ยป, notre principale mission serait de dรฉvelopper pleinement notre potentiel humain, ce qui รฉquivaudrait ultimement ร rรฉaliser notre nature divine immanente. Dโoรน la trรจs grande libertรฉ prรฉconisรฉe par Caroline Myss eu รฉgard aux croyances et pratiques religieuses, qui ne seraient que des dรฉformations de lโunique spiritualitรฉ universelle, car
On comprend quโavec une telle conception de la religion, lโentrรฉe dans la vie spirituelle commence par le dรฉpassement et lโabandon dรฉfinitif de toute forme de religion. Voilร pourquoi le systรจme de croyance nโa aucune importance : que chacun choisisse celui qui lui convient en fonction de son รฉvolution personnelle, mais en gardant surtout la libertรฉ dโen changer lorsque la nรฉcessitรฉ sโen fera ressentir. Pour sa part, C. Myss prรฉtend modestement avoir rรฉalisรฉ la synthรจse des grandes traditions spirituelles – hindoue, juive, bouddhiste et chrรฉtienne – dans un programme thรฉurgique (auto-divinisation de lโindividu), qui est un lieu commun des courants de pensรฉes appartenant au nouveau paradigme :
Nous sommes cependant obligรฉs de constater que cette unification ne se rรฉalise quโau prix de simplifications outranciรจres qui trahissent les traditions convoquรฉes – en particulier le judรฉo-christianisme. Car le commun dรฉnominateur de cette spiritualitรฉ universelle se prรฉsente – Nouvel Age oblige ! – comme un naturalisme, dont les axiomes demeureront toujours incompatibles avec la Rรฉvรฉlation chrรฉtienne.