Famille de Saint Joseph

A chacun sa réalité

par | 2 mai 2005

Nous sommes des parties individualisées de l’énergie, matérialisées dans l’existence physique pour apprendre à former des idées à partir de l’énergie, et à les rendre concrètes (ceci est la construction par la pensée).
Nous projetons nos idées dans un objet, de façon à pouvoir en faire quelque chose. Mais l’objet est la pensée, matérialisée. La construction par l’idée enseigne au “je” ce qu’il est, en lui montrant ses productions sous une forme physique. Et nous apprenons à être responsables en utilisant l’énergie créatrice. Nos personnalités actuelles sont des aspects d’une conscience infiniment plus vaste dont nos consciences individuelles ne sont qu’une fraction, mais inviolable.

John Klimo, Les médiateurs de l’invisible

J.Klimo rapporte ici un message de « l’entité complexe multipersonnelle et asexuée » qui s’est présentée au « channel » – c’est-à-dire au médium servant de « canal » – Janes Roberts (1929-1984) sous le nom de « Seth ». Dans le domaine du channeling, Seth est probablement l’entité du monde des esprits la plus largement diffusée au vingtième siècle, qui donna naissance à un phénomène quasi religieux.

Selon cette entité, nous serions des aspects, ou des îlots manifestés, de l’unique « Etre vivant multidimensionnel que l’on appelle parfois Dieu », mais qui se présente essentiellement comme une énergie. Nous serions donc des émanations divines dont l’individualité n’a de « réalité » qu’à notre niveau de conscience, alors qu’elle apparaîtra illusoire pour une conscience située à un niveau plus élevé, comme celle de Seth. Chaque individu ferait partie d’un groupe d’individualités, qui constituerait à son tour un sous-ensemble dans une structure plus vaste, et ainsi de suite à l’infini. Le divin se présente dans cette perspective comme une unité complexe, constituée d’un nombre infini d’ensembles structurés, rassemblant des poussières innombrables d’individualités en évolution.

Sans que nous nous en rendions compte, nous serions tous créateurs de notre propre monde, qui naîtrait de l’incarnation de nos pensées dans les couches inférieures de l’énergie divine, à savoir la matière. « L’objet est la pensée matérialisée », et c’est en nous confrontant à cette production de notre pensée que nous sommes supposés découvrir nos possibilités, acquérir de l’expérience, et avancer dans la découverte de notre identité.

Une autre entité, Ramtha, présente un discours tout à fait analogue. Elle enseigne à son médium, J.Z. Knight, que

« Nous sommes comme des dieux, des parties de Dieu, mais inconscients de notre identité divine. Néanmoins, nous créons notre propre réalité où nous pouvons nous exprimer, contre laquelle nous pouvons réagir, où nous pouvons nous instruire, et où nous évoluons. »

Si la devise du rationalisme était « Sapere aude » (Emmanuel Kant) – « Ose penser par toi-même » – celle du channeling serait plutôt : « Ose créer ton propre monde ». Il s’agit d’une véritable révolution, dont il est important de prendre toute la mesure. Le relativisme de la post-modernité se contente de refuser l’objectivité et l’universalité des valeurs (le vrai, le bien), qui sont renvoyées à la sphère subjective : « à chacun sa vérité ». Les entités, elles, nous invitent à une critique bien plus radicale, puisqu’elles mettent en cause l’objectivité d’un monde que nous partagerions en commun. Selon cette vision, chacun créerait son propre monde par la seule puissance de sa pensée subjective. Ce monde ne serait bien sûr objectif que pour son créateur. Le relativisme devient ici franchement ontologique : « à chacun sa réalité ».

Un tel idéalisme ne peut conduire qu’à un solipsisme, chaque individu étant prisonnier de la bulle qu’il s’est lui-même construit. Mais qu’importe, puisque sa conscience n’est toujours qu’un élément d’une conscience complexe plus vaste, elle aussi en évolution :

« Chacun de nous crée sa propre réalité par ses désirs et son système de croyance. Nous le faisons en tant que l’une des nombreuses personnalités qui font en même temps l’expérience de la vie, chacune à son propre niveau de réalité, et chacune appartenant à une personnalité plus vaste qui est en train d’apprendre à évoluer. »

Le discours de ces entités se réfère encore et toujours à un contexte naturaliste. Elles divinisent la création et confondent l’exercice de l’intelligence spirituelle avec une activité énergétique, dont la production pourrait s’incarner dans la matière. Aucune transcendance : l’énergie divine est l’unique réalité, qui évolue à l’intérieur d’elle-même à travers ses multiples émanations.

La pauvreté des enseignements de ces entités, et leur « ignorance » totale de la théologie judéo-chrétienne, laisse peu de doute quant à leur véritable identité. Rien d’étonnant lorsqu’on sait que le channeling n’est toujours qu’une « mise à jour » du spiritisme. Dans cette nouvelle version, les esprits ne se recrutent plus seulement parmi les « âmes errantes des défunts », mais toute entité susceptible d’entrer en contact avec un médium (channel) est bienvenue.

Un bon sous-titre pour la rubrique channeling serait : « Les mille visages de l’esprit trompeur ».

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