Les pouvoirs quโon appelle la magie reprรฉsentent une partie de ce monde souterrain : pouvoirs de seconde vue, de prรฉ-vision, de tรฉlรฉpathie, de divination.
Ils ne sont pas nรฉcessairement importants pour notre รฉvolution ; la plupart des animaux les possรจdent, et nous ne les aurions certes pas laissรฉs tomber en dรฉsuรฉtude sโils avaient รฉtรฉ vraiment essentiels.
Mais arrivรฉs ร notre stade dโรฉvolution, il est important pour lโhomme de connaรฎtre ses โracinesโ, son monde intรฉrieur, afin dโรฉchapper, en quelque sorte, ร cette image de lui-mรชme quโil sโest forgรฉe et qui fait de lui un pygmรฉe pensant.
Il doit reprendre conscience quโil est un โmageโ en puissance, un de ces personnages magiques qui peut dรฉclencher la foudre et commander aux esprits.
Les grands artistes et les poรจtes lโont toujours su.
On pourrait rรฉsumer ainsi le message des symphonies de Beethoven : โLโhomme nโest pas petit ; il est seulement sacrรฉment paresseuxโ.
Notre civilisation ne pourra guรจre รฉvoluer tant que lโocculte ne sera pas un fait reconnu au mรชme titre que lโรฉnergie atomique.
Les perceptions de lโhomme ne sont pas limitรฉes par les organes de perception ; il perรงoit beaucoup plus de choses que ses sens ne lui permettent dโen dรฉcouvrir.
La religion, le mysticisme, la magie dรฉcoulent tous du mรชme sentiment de base face ร lโunivers : un sentiment brutal et instantanรฉ de connaissance, que les รชtres humains โcaptentโ parfois par hasard, comme un poste de radio pourrait capter une station inconnue.
Colin Wilson, Lโocculte
Cet extrait, qui exprime bien lโattitude de nos contemporains face ร lโocculte, rappelle รฉtrangement le mode de pensรฉe du XVe et du XVIe s.. Au cours de la Renaissance, la magie faisait partie de la vie quotidienne. Entre science et occultisme, les frontiรจres รฉtaient mal dรฉfinies. La redรฉcouverte de Platon et des nรฉo-platoniciens (Plotin, Porphyre, Proclus), la traduction du Corpus Hermeticum (M. Ficin, 1463), lโinfluence de la Kabbale, tout cela sur lโarriรจre-fond dโun christianisme en pleine mutation, conduisit ร un syncrรฉtisme รฉtonnant. Les philosophes de la Renaissance se demandaient trรจs sรฉrieusement comment distinguer les ลuvres des Anges de celles des dรฉmons ; comment discerner les actions occultes ยซ licites ยป de celles que la religion interdit ; comment faire la diffรฉrence entre actes de magie et miracles ; comment tenir compte de lโinfluence des astres tout en affirmant la libertรฉ ; etc. Lโenthousiasme anthropocentrique et une certaine confusion entre lโinvisible et la grรขce, prรฉtendaient lรฉgitimer la recherche de pouvoirs ยซ naturels ยป quasi divins.
Il y eut bien des voix dissonantes, qui tentรจrent de revenir ร lโEvangile – ou tout simplement ร un sain rรฉalisme – telles que celle dโErasme, de Thomas More, ou mรชme de Montaigne ; voire dans un tout autre style, celle de Rabelais. Mais il faut attendre les travaux de G. Galilรฉe (1564-1642), puis lโรฉlaboration dโune mรฉthode rigoureuse de pensรฉe par R. Descartes (1596-1650), pour que la magie soit petit ร petit supplantรฉe par une approche scientifique des phรฉnomรจnes.
De nos jours, nous assistons paradoxalement au mouvement inverse ! Le rationalisme sโessouffle ; nous nโattendons plus le salut de la science ni de la technique, et lโhomme a renoncรฉ ร la prรฉtention dโรชtre le centre de lโunivers. Le travail de dรฉconstruction entrepris par la postmodernitรฉ, qui relativise tous les secteurs de notre vie personnelle et sociale, suscite une crise angoissante du sens, que nos contemporains tentent dโexorciser en cherchant un appui dans un ยซ au-delร ยป – ou un ยซ en deรงร ยป – de la pensรฉe rationnelle. Dโoรน la sรฉduction pour lโรฉsotรฉrisme, qui permet dโexplorer en imagination lโunivers occulte, tandis que la magie livre les clรฉs de lโagir dans ces mondes parallรจles. Lโinitiation donne lโillusion ร lโadepte dโavoir transcendรฉ sa condition humaine, mais en rรฉalitรฉ, il ne sort pas de notre univers clos, car mรชme si les domaines plus subtils รฉchappent ร nos sens, ils appartiennent encore ร ce monde.
Qui ne voit lโamรจre dรฉception qui sโannonce ? La transcendance tant espรฉrรฉe nโest quโapparente : lโesprit ne trouve pas sa place dans la connaissance รฉsotรฉro-occulte, qui demeure confinรฉe dans les รฉnergies crรฉรฉes. Or
Nous nโavons rien ร espรฉrer de lโexploration des arriรจre mondes, sous la conduite de quelques ยซ esprits ยป ou de quelques ยซ grands initiรฉs ยป. Le salut nโest pas ร attendre dโune immersion dans des รฉnergies crรฉรฉes, aussi subtiles soient-elles. La pleine rรฉalisation du projet de Dieu sur nous, la ยซ participation ร la vie divine ยป (2 P 1, 4)
dans lโEsprit, ne peut venir que du don de la grรขce, qui nous est offerte en Jรฉsus-Christ Notre-Seigneur. Cโest en lui, le Fils unique, et en lui seul, que notre humanitรฉ peut avoir accรจs ร la filiation divine ร laquelle le Pรจre nous destine de toute รฉternitรฉ (cf. Ep 1, 5).