Paracelse, La Grande Astronomie
Théophrat von Hohenheim (1493-1541) dit Paracelse, est une figure emblématique de la Renaissance dont l’influence perdure jusqu’à nos jours. Les quelques lignes citées nous donnent sa vision de l’homme naturel, sur lequel il concentre sa recherche.
Créé par le Père, cet homme disposerait de deux corps étroitement unis, mais ayant chacun leur rôle et leur sphère d’activité propres. Le corps physique est issu des éléments matériels de cette terre, et tend à assurer les fonctions nécessaires à sa survie, à sa croissance et à sa reproduction. Le corps astral se nourrirait des effluves provenant des astres. En agissant sur le corps astral de l’homme, « l’Esprit sidéral pousse celui-ci à gravir les sommets de la sagesse, de l’art, de l’intelligence afin qu’il soit transfiguré par la lumière de la nature, et que soit manifestée la plénitude des mystères dont elle a le dépôt »
. Les « arts » et « sciences » auxquels cet « Esprit » attire l’homme ne sont pas ce que nous pensons spontanément. L’astronomia magna ou philosophia sagax comprend quatre ordres, composés de neuf membres, qui sont les « sciences » de chaque ordre. Parmi celles-ci on trouve la magie, la nécromancie, l’astrologie, les arts divinatoires. Les arts magiques sont eux-mêmes au nombre de six et font l’objet d’une description détaillée. Nous constatons donc que les sciences occultes prédominent largement dans ce classement qui énumère les disciplines auxquelles le fameux « Esprit sidéral » prétend donner accès par son action sur le corps astral.
Toujours selon Paracelse, outre les deux corps naturels, l’homme disposerait également d’un être spirituel, possédant son âme propre, éternelle. Cet être créé par le Fils, ne se nourrit ni des choses de la terre, ni de celles des astres, mais de l’Eucharistie. Il ne fait pas l’objet de l’étude de notre auteur qui se contente de signaler son existence.
Cependant cette distinction tranchée entre le domaine de la grâce et celui de la nature, attribué respectivement au Fils et au Père, permet à Paracelse de justifier les travaux de magie. Il reconnaît et confesse que « le surnaturel l’emporte sur la lumière de la nature »
, mais il prend soin d’ajouter que « Dieu n’entend aucunement mettre la lumière de la nature au rebus »
. Ce qui concerne la vie éternelle est enseigné par Dieu, mais pour tout le reste, c’est l’Esprit sidéral qui est sensé nous instruire. Il y aurait donc « deux sagesses parmi les hommes, l’une éternelle, l’autre temporelle. La sagesse éternelle est le fruit de l’Esprit Saint, la sagesse temporelle vient de la lumière de la nature »
. Cette « lumière de la nature » n’est pas la lumière naturelle de la raison, mais « le rayonnement de l’Esprit sidéral »
.
Lorsque notre auteur ajoute que c’est cette lumière qui « a fait connaître à l’homme le bien et le mal »
, on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement entre l’« Esprit sidéral » et l’Antique Serpent de la Genèse. C’est d’ailleurs bien ainsi que le comprendront bon nombre d’écoles ésotériques ultérieures : elles identifieront le Serpent à l’initiateur donnant accès à la connaissance et à la maîtrise de cette fameuse « lumière de la nature », qui n’est rien d’autre que l’énergie astrale, la « matière première » des pratiques magiques.
Il est frappant de voir comment l’optimisme anthropologique de Paracelse, faisant l’impasse sur les conséquences du péché originel, le conduit à rechercher la collaboration avec le « Prince de ce monde », sous prétexte qu’il aurait reçu de Dieu lui-même la gérance de toute la nature – le Seigneur se réservant uniquement le Royaume des cieux. De là la légitimation des « sciences » et des « arts » occultes, qui feraient partie des domaines que l’homme aurait pour mission d’explorer.