On voit donc que ce nombre, qui joue un si grand rôle dans l’ésotérisme traditionnel, parce qu’il est celui des manifestations du démiurge, existe dans les écrits johanniques. »
Paul Le Cour, L’Evangile ésotérique de Saint Jean
Relisons les versets de l’Apocalypse où figure ce fameux nombre 666:
Le chiffre de la Bête ou de l’Anté-Christ est un symbole susceptible de multiples interprétations qu’il serait vain de tenter d’énumérer. Citons simplement un exemple de lecture, basée sur une forme de guématrie ou méthode de transmutation des lettres et des chiffres.
L’Apocalypse a été écrite originellement en grec; dans cette langue, les nombres s’expriment, comme d’ailleurs en latin, non par des signes spéciaux (comme le sont les chiffres en français), mais au moyen des lettres de l’alphabet. Ainsi la première lettre, alpha, correspond à 1; la seconde, bêta, à 2; la dixième, iota, représente 10. Pour trouver le nom de la Bête, il suffirait donc de recomposer le mot correspondant au fameux chiffre ; ou plutôt de rechercher les mots dont les lettres additionnées ensemble, donnent le total 666.Parmi les candidats possibles, les Pères ont surtout retenu trois noms: teitan, qui veut dire «géant»; antimos, «honneur contraire»; et le verbe arnoumai qui signifie «je nie». Appliquant le même principe au texte latin, leurs travaux ont convergé sur un seul mot, diclus, interprété comme suit: «Dic me esse lucem veram» (dis que c’est moi qui suis la vraie lumière). Dom Jean de Monléon de qui nous reprenons ces informations patristiques fait remarquer que ce nom donne un intérêt particulier à la formule que porte sur ses branches la croix de Saint Benoît: «Crux sancta sit mihi lux, non Draco sit mihi dux» (que la Sainte Croix soit ma lumière; que le dragon ne soit point mon chef).
Il est clair que pour l’interprétation traditionnelle chrétienne, le chiffre de la Bête désigne bien l’Antéchrist, celui qui s’oppose à l’œuvre de Dieu et de son Christ, et dont il tente de ravir la place, d’usurper la gloire, l’honneur et l’adoration.
L’ésotérisme prétend tout au contraire que le chiffre 666 serait le nombre du Démiurge, et à travers l’action de celui-ci, le nombre de l’homme. Ce rapprochement s’explique par le fait que le travail du Démiurge serait de promouvoir la libération de l’homme du joug religieux qui le maintient dans la dépendance d’un Dieu transcendant, l’empêchant ainsi d’accéder à la conscience de sa propre nature divine.
Nous sommes donc à nouveau ramenés à notre opposition entre une conception naturaliste exaltant la divinisation de l’homme par les procédés de la théurgie, et une conception surnaturaliste, qui affirme que Dieu seul peut par grâce, surélever la nature créée jusqu’à la participation à la divinité incréé. Cette dernière conception, qui exclut l’auto-divinisation de l’homme, tend à considérer que la prétention à vouloir accéder à la divinité par ses propres forces, relève d’une tentation diabolique destinée à égarer les hommes dans le piège de l’orgueil.
Pourquoi s’agit-il du nombre de l’homme? Le récit de la Genèse précise que l’homme fut créé le sixième jour, mais afin d’entrer dans le repos du septième jour que le Seigneur avait préparé pour lui. Les trois six pourraient représenter une sorte de pastiche de la Trinité au niveau de la simple créature, qui prétend se suffire à elle-même et singe à son niveau, le shabbat du septième jour.
La répétition du chiffre six peut encore suggérer que rien ne sert à la créature de déployer sa puissance: elle ne transgressera jamais sa condition, et n’entrera pas par ses propres forces dans le repos que Dieu avait préparé pour elle, et qui est symbolisé par le chiffre 7.
Ajoutons que le code barres qui permet d’identifier les produits, serait construit sur trois barres de six, au début, au milieu et à la fin de chaque mention.
Dans le même ordre d’idée, les trois «w» caractéristiques d’Internet (le «World Wide Web», la toile d’araignée mondiale), qui initialisent tous les sites, évoqueraient également le fameux symbole, puisque en guématrie la lettre hébraïque waw correspond au chiffre 6.
Mais il est difficile de savoir si ces coïncidences proviennent d’une intention explicite, s’il s’agit de provocations ironiques, ou si ce constat procède d’élucubrations a posteriori.