R. Steiner, De Jรฉsus au Christ
Ces quelques lignes soulignent lโabรฎme qui sรฉpare lโanthroposophie de la foi chrรฉtienne. ยซ Par la Rรฉvรฉlation, enseigne le Concile Vatican II, Dieu a voulu se manifester et se communiquer lui-mรชme ยป (Dei Verbum, 6)
dโune maniรจre unique et indรฉpassable. Cette Rรฉvรฉlation culmine dans le mystรจre de lโIncarnation rรฉdemptrice du Verbe de Dieu. Les Evangiles sont des rรฉcits inspirรฉs qui interprรจtent de faรงon vรฉridique les รฉvรฉnements de la vie et de la mort de Jรฉsus Christ, de maniรจre ร nous donner accรจs ร leur contenu salvifique. Contrairement ร ce quโaffirme R. Steiner, il est donc juste et bon de partir de ces rรฉcits et de fonder sur eux notre foi, car ils nous donnent accรจs ร Dieu qui sโy rรฉvรจle personnellement (Dei Verbum, 2). Notre auteur prรฉfรจre sโappuyer sur ce que lโhomme croit pouvoir dรฉcouvrir par lui-mรชme ร partir de la rรฉalitรฉ naturelle. Dans les lignes qui suivent notre citation, il se rรฉfรจre ร un soi-disant pressentiment universel dโune mystรฉrieuse prรฉsence, cachรฉe derriรจre lโapparence sensible du soleil : ยซ Si nous nous concentrons sur la pensรฉe de la lumiรจre, nous rรฉalisons que dans cet รฉlรฉment ainsi rรฉpandu doit vivre quelque chose de spirituel qui lโanime ยป
. R. Steiner se vante dโavoir dรฉgagรฉ ainsi une pensรฉe ยซ qui ne repose pas sur un dogme, mais sur un sentiment que tous les hommes ont en commun ยป
. En fait, rien ne prouve le caractรจre universel de ce sentiment. Pourtant, toute la recherche รฉsotรฉrique consistera ร dรฉchiffrer ce ยซ quelque chose de spirituel ยป
qui circulerait ร travers tout lโunivers manifestรฉ et se laisserait pressentir dans le soleil, la chaleur, etc., comme un au-delร de ces perceptions sensibles :
Lโaccรจs aux niveaux cachรฉs du rรฉel devrait se faire par lโintermรฉdiaire des ยซ organes ยป de perception de nos corps subtils, auxquels lโinitiation est supposรฉe nous donner accรจs. Cโest ainsi que lโรฉsotรฉrisme prรฉtend regarder ยซ derriรจre le voile ยป des apparences sensibles, afin dโy dรฉcouvrir des mondes subtils qui dรฉtiendraient la clรฉ de comprรฉhension du monde physique et lโexplication de tous les phรฉnomรจnes qui sโy dรฉroulent.
De ce qui prรฉcรจde il est clair que le discours รฉsotรฉrique – qui prรฉtend faire lโรฉconomie de la foi – est en fait pรฉtri de croyances. Rien ne nous oblige dโinterprรฉter les expรฉriences de conscience modifiรฉe en termes des axiomes posรฉs par nos auteurs. Le caractรจre divin des รฉnergies immanentes – un des postulats de base de la doctrine – ne sโimpose en raison dโaucune ยซ รฉvidence ยป. Il sโagit dโun principe a priori ร jamais indรฉmontrable. Cet axiome immanentiste, qui sert de clรฉ dโinterprรฉtation des phรฉnomรจnes occultes, relรจve tout autant dโun acte de foi que lโaffirmation du transcendantalisme. Cette seconde option a toutefois pour elle de pouvoir sโappuyer sur lโobjectivitรฉ de la Rรฉvรฉlation divine en Jรฉsus Christ, c’est-ร -dire sur lโobjectivitรฉ des Ecritures, de la Tradition et du Magistรจre ; sur lโobjectivitรฉ de vingt siรจcles de christianisme, qui a certes connu des pages sombres, mais qui a nรฉanmoins enfantรฉ les plus dignes reprรฉsentants de notre humanitรฉ dans la personne des saints.