Famille de Saint Joseph
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Contempler saint Joseph avec le regard de saint Bernard

par | 20 octobre 2014

La pensรฉe de saint Bernard (1090-1153) sur la mission de saint Joseph se trouve principalement exprimรฉe dans les quatre homรฉlies dites ยซ Super missus est ยป, qui constituent lโ€™un des premiers รฉcrits de lโ€™Abbรฉ de Clairvaux ; il devait avoir alors 28 ans. Mรชme si lโ€™auteur indique comme titre ยซ Homรฉlies sur la gloire de la Vierge Marie ยป, saint Joseph y trouve toute sa place, ce qui tรฉmoigne quโ€™ร  cette รฉpoque, saint Bernard รฉtait dรฉjร  en possession dโ€™une doctrine solide et cohรฉrente sur lโ€™รฉpoux de la Vierge.

Pour Bernard, saint Joseph est un jeune homme dans la force de lโ€™รขge, qui remplit allรจgrement la mission que Dieu lui a confiรฉe, et pour laquelle il a รฉtรฉ richement dotรฉ de toutes les grรขces requises. Joseph est :

ยซ Un homme de bontรฉ et de fidรฉlitรฉ, douรฉ de prudence et fidรจle ร  servir. Cโ€™est un fils de roi, noble plus encore par le cล“ur que par la race. Fils de David par le sang, la foi, la saintetรฉ et le don de soi. Cโ€™est un homme selon le cล“ur de Dieu, ร  qui Dieu fait pleinement confiance ยป.

Lโ€™Abbรฉ de Clairvaux semble placer le mariage de Marie et de Joseph avant la visite que Joseph reรงut de lโ€™Ange, en se fondant sur les termes dโ€™รฉpoux et dโ€™รฉpouse utilisรฉs par lโ€™รฉvangรฉliste Matthieu (Mt 1, 19-20) : ยซ Ne crains pas de prendre prรจs de toi, Marie ton รฉpouse ยป. Il ne commente pas le message de lโ€™Ange, se contentant de signaler que le Messager cรฉleste est plus explicite pour Joseph que pour Marie ; dโ€™oรน il dรฉduit que la Vierge รฉtait ยซ plus pleinement renseignรฉe par lโ€™Esprit ยป. ร€ Marie, lโ€™Ange nโ€™indique que le nom du Sauveur (Lc 1,31) ; ร  Joseph il prรฉcise la raison de ce nom : ยซ car cโ€™est lui qui sauvera son peuple de ses pรฉchรฉs ยป (Mt 1,21).

Joseph ne pouvait รชtre que jeune, puisquโ€™un des motifs du saint mariage รฉtait de cacher au dรฉmon la naissance virginale du Sauveur :

ยซ Ce mariage est lโ€™un des sept sceaux qui empรชchaient dโ€™ouvrir le livre mystรฉrieux et de dรฉcouvrir la divinitรฉ cachรฉe dans la chair. Les sceaux nโ€™ont รฉtรฉ brisรฉs par lโ€™Agneau quโ€™au jour de la Rรฉsurrection. Le diable lui-mรชme, malgrรฉ lโ€™acuitรฉ de son intelligence angรฉlique, nโ€™est jamais parvenu ร  percer le mystรจre ยป.

Le Sauveur est un trรฉsor quโ€™il faut prรฉcieusement garder, un soleil quโ€™il faut voiler. Cโ€™est le rรดle de Joseph et de Marie. Les fianรงailles cachent la conception virginale ; les pleurs et les vagissements de lโ€™Enfant voilent la naissance miraculeuse.

ยซ Cache รด Marie, oui cache lโ€™รฉclat de ce soleil nouveau. La pauvretรฉ du Christ a plus de valeur que richesses et trรฉsors. Et que peut-on trouver de plus opulent que son humilitรฉ ? ยป

Le Sauveur a choisi lui-mรชme les circonstances de sa naissance, contrairement aux autres enfants. Il a choisi

ยซ ce qui รฉtait le plus incommode pour un enfant, et particuliรจrement le fils dโ€™une mรจre pauvre, qui avait ร  peine des langes pour lโ€™envelopper et une crรจche pour le dรฉposer ยป.

Lโ€™humilitรฉ et la pauvretรฉ ont parfaitement voilรฉ le mystรจre. Il fallut aux mages une lumiรจre toute surnaturelle pour dรฉcouvrir la rรฉalitรฉ.

ยซ Cet Enfant, ils lโ€™ont proclamรฉ Dieu, non par leurs paroles mais par leur dรฉmarche : โ€œQue faites-vous รด mages ? Que faites-vous ? Vous adorez un enfant ร  la mamelle ! Est-il donc Dieu ? Est-il donc roi ? Alors oรน est son palais royal, oรน est son trรดne, oรน se trouve la foule empressรฉe des courtisans ? Cette cour nombreuse, est-ce Joseph et Marie ?โ€ Comment ces sages sont-ils devenus ainsi fous au point dโ€™adorer un enfant qui est mรฉprisable tant par son รขge que par la pauvretรฉ des siens ? ยป

Tout en gardant une extrรชme discrรฉtion sur la relation des saints ร‰poux, Bernard aime les contempler dans la simplicitรฉ de leur vie quotidienne. Pour Joseph, la Vierge est ยซ sa Dame, mรจre de son Seigneur ยป. Il est conscient dโ€™avoir reรงu la mission dโ€™รชtre pour elle un rรฉconfort : solatium โ€“ quโ€™il faut comprendre dans le double sens de soutien pour la vie matรฉrielle et de consolation pour la vie affective. Ainsi par la volontรฉ du Seigneur, Joseph est pour ยซ sa Dame ยป une source de vrai bonheur.

Joseph รฉtait pleinement renseignรฉ sur la chastetรฉ de Marie dรจs avant la visite de lโ€™Ange :

ยซ Il veille avec grand soin sur cette virginitรฉ, quโ€™il a reconnue et acceptรฉe et se garde chaste lui aussi. Il est tรฉmoin, non moins que dรฉpositaire, dโ€™une si belle virginitรฉ ยป.

Pour Bernard il ne fait pas de doute que ยซ Joseph nโ€™a pas cessรฉ dโ€™รชtre chaste aprรจs la naissance de lโ€™enfant ยป (In Cant. 72, 1).

Dans son deuxiรจme Sermon pour la Purification, il contemple :

ยซ lโ€™Hostie agrรฉable ร  Dieu qui est offerte dans le temple par des mains de vierges. Cโ€™est Joseph et Marie qui prรฉsentent ce sacrifice de louange, ce sacrifice du matin ยป.

Ces mains virginales sont dโ€™abord celles de Joseph, qui est nommรฉ le premier, puis celles de Marie. De fait, Bernard prรฉcise que la Vierge ยซ introduit lโ€™Enfant ยป, mais cโ€™est ยซ Joseph qui lโ€™offre ยป. Pour le Docteur Mellifluus (titre que lui attribua le pape Pie XII), le mystรจre de Nazareth doit servir dโ€™exemple ร  la vie chrรฉtienne : puisque celle-ci doit prendre la forme dโ€™un ยซ sacrifice vivant, saint, capable de plaire ร  Dieu ยป (Rm 12,1), elle devrait ressembler ร  celle du Seigneur :

ยซ Dans lโ€™oblation du Seigneur il y avait Joseph, lโ€™รฉpoux de la Mรจre du Seigneur ; la Vierge-Mรจre ; et lโ€™Enfant Jรฉsus qui รฉtait offert. Quโ€™il y ait dans la nรดtre fermetรฉ virile, chastetรฉ de corps, humilitรฉ de cล“ur, cโ€™est-ร -dire un cล“ur dโ€™homme, une dรฉlicatesse de vierge, une simplicitรฉ dโ€™enfant ยป.

Dans le climat de vรฉritรฉ, de simplicitรฉ et dโ€™intimitรฉ qui rรฉgnait au sein de la Sainte Famille, rien ne vient distraire Joseph et Marie de leur unique et commune prรฉoccupation : Jรฉsus. Tous trois sont insรฉparables, puisque lโ€™ร‰vangile ne les a jamais sรฉparรฉs. Bernard en tire la leรงon : de mรชme que les bergers ne trouvรจrent pas lโ€™Enfant seul mais avec Marie et Joseph, ยซ il faut quโ€™il y ait en nous, toujours, Marie, Joseph et lโ€™Enfant dans la crรจche ยป, cโ€™est-ร -dire :
– lโ€™humilitรฉ de lโ€™Enfant,
– la puretรฉ de la Vierge, et
– la justice de Joseph ยซ cet homme juste qui a une si belle place dans lโ€™ร‰vangile ยป.

Dans la vie de tous les jours Joseph ne se tient jamais ร  lโ€™รฉcart. Aprรจs son travail ยซ cโ€™est souvent quโ€™il prend lโ€™Enfant et le place sur ses genoux, lui sourit et provoque son sourire ยป. Cโ€™est une joie pour lui de le ยซ regarder, de lโ€™รฉcouter, et encore de le transporter, de le conduire, de le prendre dans ses bras, de le couvrir de baisers, de lui donner ร  manger et de veiller sur lui ยป.

Lโ€™humilitรฉ se manifeste particuliรจrement par la docilitรฉ. Aussi lโ€™Abbรฉ de Clairvaux se plaรฎt-il ร  donner en exemple ร  ses moines, la docilitรฉ du Christ envers Joseph et Marie :

ยซ Lโ€™ร‰vangรฉliste dit : โ€œIl leur รฉtait soumisโ€ (Lc 2,51). Qui donc รฉtait soumis ? Et ร  qui ? Dieu ร  des hommes ! Oui, Dieu ร  qui obรฉissent les Anges, ร  qui se soumettent les Principautรฉs et les Puissances, รฉtait soumis ร  Marie ; non seulement ร  Marie, mais encore ร  Joseph, ร  cause de Marie ยป.

La conclusion sโ€™impose :

ยซ Homme apprends ร  obรฉir ; terre apprends ร  te soumettre ; poussiรจre apprends ร  cรฉder. De ton Crรฉateur, lโ€™ร‰vangรฉliste dit : โ€œIl leur รฉtait soumisโ€, cโ€™est-ร -dire ร  Marie et ร  Joseph, sans aucun doute. Rougis cendre orgueilleuse, Dieu sโ€™humilie et toi tu te dresses ! ยป

Cette humilitรฉ est sans mesure :

ยซ Ce nโ€™est pas seulement envers les esprits qui habitent les cieux quโ€™il se montrait soumis, cโ€™est encore envers ceux qui logent dans les maisons des bons. Il dรฉpasse et surpasse toute humilitรฉ humaine, en un mot il รฉtait soumis ร  Marie et ร  Joseph quand il avait douze ans, ร  Nazareth ยป.

ร€ ses novices, un jour quโ€™ils se croyaient sages en dรฉsobรฉissant ร  leur Abbรฉ, Bernard donne lโ€™exemple de la Sagesse รฉternelle, qui ne rougit pas de se soumettre ร  un simple ouvrier, et qui plus est ร  une femme. Exemple dโ€™humilitรฉ encore de la part du Christ qui, jusquโ€™ร  trente ans, a voulu passer pour รชtre le fils dโ€™un humble artisan :

ยซ Jusquโ€™ร  quand noble Roi, toi le Roi du ciel, souffriras-tu quโ€™on tโ€™appelle fils du charpentier et quโ€™on te prenne pour tel ? ร” humilitรฉ, vertu du Christ ! ร” sublimitรฉ de lโ€™humilitรฉ ! Combien ne confonds-tu pas lโ€™orgueil de notre nullitรฉ ! ยป

Puisque lโ€™ร‰vangile nโ€™en dit rien, Bernard ne parle pas de la mort de Saint Joseph. Il ne sโ€™รฉtend pas davantage sur sa puissance dโ€™intercession au ciel ou sur son patronage sur lโ€™ร‰glise. Quelques textes font cependant mention dโ€™un ministรจre de Joseph dans lโ€™ร‰glise, en raison de la prรฉsence du Christ vivant, dont Joseph ne peut se dรฉsintรฉresser. Ainsi dans toute communautรฉ ecclรฉsiale sont prรฉsents Jรฉsus, lโ€™Ange du bon conseil ; Marie, la Vierge-Mรจre et Joseph, le serviteur et nourricier.

ยซ Pour celui qui veut imiter le Sauveur, il faut que lโ€™Ange lui impose un nom de salut ; que la communautรฉ โ€” qui est vierge et mรจre โ€” lui donne son tรฉmoignage, sans nรฉgliger lโ€™attestation du serviteur (abbรฉ ou รฉvรชque) saint Joseph. Il tient la place dโ€™รฉpoux, en rรฉalitรฉ il est serviteur et intendant. Il porte le nom de pรจre selon le droit, mais il est davantage le nourricier ยป.

Comparant lโ€™ร‰glise universelle ร  Marie et les chrรฉtiens ร  Jรฉsus, Bernard nโ€™hรฉsite pas ร  conseiller au Pape de sโ€™inspirer de saint Joseph !

Puissent ces quelques miettes tombรฉes de la table de saint Bernard nourrir notre dรฉvotion ร  saint Joseph, afin que nous lui donnions la place qui lui revient aux cรดtรฉs de Jรฉsus et de Marie, dans notre vie personnelle, familiale et communautaire.

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