Alice Bailey, De Bethléem au Calvaire
Nous retrouvons avec cet extrait un thème cher à Mme A. Bailey : l’avènement de la religion universelle, qui devrait s’imposer à tous au cours de « l’Age aquarien du Verseau » dans lequel nous commençons à pénétrer – du moins d’après les calculs des astrologues. Cet âge verrait enfin se réaliser le programme de toutes les religions antérieures, qui s’accomplirait dans la religion nouvelle :
L’avènement de cette religion universelle sonnerait le glas de tous les dogmatismes et de tous les fanatismes qui en découlent. Plus besoin d’expression conceptuelle : la religion véritable sera participation à « la vie du Tout », en amont de toute différenciation et de toute « séparativité » qui en découle. Lorsque la non-dualité aura enfin triomphé de l’illusion du multiple, l’altérité se fondra dans l’unité d’une « conscience collective ». Même la distinction sujet-objet sera dépassée dans la saisie intuitive de la Totalité indivise, au sein de laquelle chaque partie reflètera le Tout dans un jeu de miroir sans fin.
Les propos de Mme A. Bailey peuvent paraître séduisants en première lecture. Mais à y regarder de plus près, ils soulèvent quelques questions :
– N’est-ce pas se payer de mots que d’affirmer que « le royaume de Dieu est la vie du grand Tout » ? Si Dieu s’identifie à ce « grand Tout », il ne peut être qu’impersonnel ; or une énergie divine impersonnelle ne saurait « régner » à proprement parler, faute de sujet pour conjuguer ce verbe.
– Qui dès lors sera le « roi » chargé de gouverner cette « conscience collective », résultant de la soumission de nos consciences personnelles à la loi du grand Tout ?
– Par ailleurs, que pourrait bien être cette « conscience collective » attribuée à ce Tout divin pour lui donner un semblant de personnalité ? Une conscience, même collective, nécessite pour exister en tant que telle, une altérité qui lui permette de se poser dans sa différence. Or le Tout est le règne de l’identique, dans lequel par définition aucune con-science ne peut subsister.
Derrière les belles paroles de Alice Bailey, se profile la perspective d’une pseudo-béatitude narcissique, dans le royaume carcéral de l’Identique sans nom et sans visage. Contrairement à ce que prétend notre auteur, nous ne sommes nullement condamnés à poursuivre notre marche sur ce « sentier évolutif » : le Seigneur Jésus-Christ nous propose tout au contraire un chemin d’altérité, de liberté et de vie, conduisant à une éternité de bonheur dans une communion d’amour avec Dieu son Père et notre Père.