Famille de Saint Joseph

L’inconscient divinisé – Scott Peck

par | 24 juin 2006

« Si vous voulez savoir où trouver la grâce, c’est à l’intérieur de vous-même. Si vous cherchez une plus grande sagesse, vous la trouverez en vous-même. Cela revient à dire que la jonction entre Dieu et l’homme est, en partie, la jonction entre le conscient et l’inconscient. Pour être plus direct, notre inconscient est Dieu. Dieu qui est en nous. Nous avons toujours fait partie de Dieu. Dieu a toujours été avec nous, et le sera toujours. Comment peut-il en être ainsi ? Si le lecteur est horrifié à l’idée que notre inconscient est Dieu, il devrait se rappeler que ce n’est pas un concept hérétique, puisque, dans son essence, c’est le même concept chrétien du Saint Esprit qui est en chacun d’entre nous. De mon point de vue, l’inconscient collectif est Dieu, le conscient est l’homme en tant qu’individu, et l’inconscient personnel est la jonction entre les deux. Il n’y a rien d’étonnant à ce que l’inconscient personnel soit un lieu de trouble et d’agitation, de combat entre la volonté de Dieu et celle de l’individu. C’est parce que notre moi conscient résiste à la sagesse de notre inconscient que nous devenons malades. En d’autres termes, la maladie mentale se développe lorsque la volonté consciente de l’individu s’oppose à la volonté de Dieu, qui est la volonté inconsciente de l’individu. Puisque l’inconscient est Dieu, on peut dire que l’évolution spirituelle, c’est atteindre la divinité par la conscience. C’est devenir Dieu, complètement et pleinement. »

Scott Peck, Le chemin le moins fréquenté

Dans un style direct, Scott Peck nous livre l’essentiel de la doctrine de la psychologie transpersonnelle : la divinisation de l’inconscient collectif. S. Freud a introduit l’hypothèse de l’inconscient personnel (dont il n’est d’ailleurs pas le « découvreur ») ; C. G. Jung suggère l’existence d’un inconscient collectif auquel il confère une certaine sacralité ; le psychiatre italien Assagioli franchit le « Rubicon » et identifie cet inconscient collectif avec le divin en nous, dans lequel nous sommes invités à nous immerger. Nous retrouvons le discours « classique » du Nouvel Age, mais dans un langage « psy », enrobé d’une terminologie d’apparence plus scientifique : l’homme est divin par nature ; grâce aux techniques mises à sa disposition depuis quelques décennies par la psychologie transpersonnelle, il va enfin pouvoir atteindre à peu de frais des états modifiés de conscience, qui lui permettront d’expérimenter les premières lueurs de sa propre divinité immanente.

Il est intéressant de constater que cette nouvelle voie théurgique ressent elle aussi le besoin de « récupérer » le message chrétien. Est-il besoin de préciser que la présence de l’Esprit Saint en nous – par grâce et non par nature ! – est éminemment personnelle et personnalisante, alors que l’inconscient – comme son nom l’indique – est en amont de la conscience personnelle ? Mais notre auteur n’en est pas à une contradiction près : l’important est de « démontrer » que toutes les religions confessent, pour qui sait les entendre, la même doctrine naturaliste.

La doctrine gnostique de l’immersion de l’étincelle divine dans la matière – qui constitue un des piliers du nouveau paradigme – est traduite par Scott Peck en termes psychologiques : l’inconscient collectif divin s’individualise dans l’inconscient personnel et s’aliène dans la conscience ordinaire des individus séparés que nous sommes. Pas étonnant dès lors que nous nous sentions mal dans notre peau et plus encore dans notre tête : si le divin en nous est inconscient, la guérison ne peut être que le fruit du renoncement à notre personnalité. Scott Peck ne craint pas de décrire ce processus en des termes empruntés à la tradition mystique : il s’agit de combattre à notre volonté personnelle afin de nous soumettre à la volonté divine en nous – entendons : au dynamisme spontané de notre inconscient.

Etonnante « psychologie », qui ne traite le psychisme que pour en suspendre l’activité, afin d’annihiler le sujet personnel qui s’y exprime. Face à de telles propositions, trouvons-nous vraiment étonnant que les ouvrages de Dan Brown ne rencontrent que si peu de résistance critique ? Lorsque la conscience personnelle est accusée de faire obstacle à l’expérience « mystique » de l’inconscient divin en nous, quelle valeur pourrait-on encore attribuer à la raison ? Hélas lorsque celle-ci sera dénigrée, toutes les idéologies – y compris les plus totalitaires – auront droit de cité par le seul fait qu’elles existent, puisqu’aucun critère rationnel ne pourra être invoqué pour opérer un discernement. Il est urgent de dénoncer le danger de la dérive antirationnelle qui se développe de nos jours au nom de soi disant états de conscience supérieurs, qui ne sont en réalité que des états régressifs d’une conscience qui renonce à assumer sa responsabilité personnelle et sociale.

Vous aimerez aussi