La dimension religieuse fondamentale de tout homme
Il me revient de clôturer ces trois jours de réflexion. Il ne s’agit pas pour moi de synthétiser la concision des analyses et le bouillonnement d’idées jaillies dans la mosaïque des cultures des cinq continents. Nous avons fait ressortir des constantes sur lesquelles se greffent des variations. Je ne reviendrai pas sur celles-ci.
Je retiens cependant sept propositions présentées dans nos débats :
– Importance de témoigner de la joie d’être une personne aimée de Dieu.
– Nécessité réaffirmée de l’apologétique : rendre compte avec douceur et respect de l’espérance qui nous anime.
– Rejoindre l’homo urbanus par une présence publique dans les débats de société.
– Mettre l’Évangile en contact avec les forces qui modèlent la culture.
– De l’école à l’université, apprendre à penser.
– Devant la médiatisation sécularisante, le scepticisme dissolvant, le libéralisme intolérant, le pluralisme aplatissant, réagir contre l’acceptation tacite de la culture dominante par une nouvelle et joyeuse proposition de culture chrétienne.
Aux non-croyants indifférents à la question de Dieu, mais croyants aux valeurs humaines, montrer par la vie des croyants et des communautés de foi, qu’être, c’est être religieux, et que l’homme trouve sa plénitude d’humanité en suivant le message de l’Évangile du Christ, Fils de Dieu et de la Vierge Marie, le Crucifié ressuscité, source infiniment jaillissante de beauté, de vérité, et d’amour.
Annoncer à tous la lumière du Christ
Je voudrais reprendre la vision de l’apôtre Jean dans le Prologue de son Évangile : « La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1, 5). C’est notre conviction : la lumière de l’Évangile du Christ ne peut être emprisonnée, et les ténèbres qui peuvent parfois poindre aux horizons d’une culture laïciste et sécularisée n’ont pas en elles la force de saisir cette lumière.
C’est là l’oeuvre de l’évangélisation : donner à tous les hommes de contempler la splendeur du visage du Christ. Or, et c’est là le grand défi qui nous préoccupe, un nombre important d’hommes et de femmes de notre temps ne perçoivent pas cette lumière. Les raisons en sont multiples, complexes, et il nous appartient de les discerner pour y remédier. Nous avons ainsi souligné une diversité de typologies de non-croyants :
– ceux qui le sont par indifférence ;
– ceux qui refusent explicitement la religion, et le christianisme en particulier ; mais aussi :
– ceux qui sont en recherche de la lumière et qui n’arrivent pas à croire malgré la conscience d’un appel intérieur à la transcendance.
Dans ce monde de l’incroyance, l’influence d’une certaine « élite » plus ou moins organisée où se retrouvent non-croyants, agnostiques et anti-chrétiens, n’est pas à négliger et appelle une réponse pastorale adaptée à chaque situation.
Les raisons du manque de perception, et parfois du refus de la lumière sont multiples, jamais simples, et cependant rarement originales. Le contexte culturel avec les changements de la modernité, la post-modernité et le phénomène complexe de la mondialisation, pèse d’un poids énorme sur des personnes fragilisées par une culture autocentrée sur le sujet et ses besoins. L’éclatement de la société produit un phénomène d’atomisation que contrebalance une individualisation à l’extrême. Le lien social qui, autrefois, reposait sur la religion, en beaucoup de sociétés qui s’éloignent de leur culture traditionnelle, perd de sa solidité et de ce fait l’homme se retrouve désemparé sur des terrains aussi mouvants que les sables de la baie du Mont-Saint-Michel.
Cardinal Paul Poupard