Le miracle apparent n’est que l’opération de forces antagonistes.
Les récents événements de Lourdes – en supposant naturellement qu’ils aient été rapportés fidèlement – démontrent que le secret (des pratiques magiques) n’est pas tout à fait perdu ; et si quelque puissant magnétiseur magicien ne se cache pas, sous le froc et le surplis, la statue de Notre Dame est mue par les mêmes forces qui font mouvoir toute table magnétisée, dans les séances de spiritisme, et la nature de ces “intelligences”, qu’elles appartiennent à la catégorie des esprits humains, ou à celles des élémentaires humains ou des esprits élémentaux, dépend de conditions fort diverses.
Quiconque connaît un peu de magnétisme, et en même temps l’esprit charitable de l’Eglise catholique romaine, comprendra aisément que les malédictions incessantes des prêtres et des moines, les anathèmes amers si copieusement lancés par Pie IX, puissant magnétiseur lui-même, et réputé Jettatore – mauvais œil – ont mis des légions d’élémentaires et d’élémentaux sous les ordres des Torquemadas désincarnés.
Ce sont là les “anges” qui font des espiègleries avec la statue de la Reine du ciel.
Tout individu qui admet le “miracle” et pense autrement, commet un blasphème. »
H. P. Blavatsky, Isis dévoilée, II
L’a priori de Mme Balvatsky est donc la négation radicale de toute forme de surnaturel. D’où l’impossibilité du miracle, compris comme le fruit de l’intervention d’une Cause transcendante au sein de la nature. Par cet a priori, notre auteur se situe bien dans la ligne du rationalisme le plus dur. Citons à ce propos Ernest Renan, qui écrit dans L’avenir de la science (1849) :
« La croyance au miracle est, en effet, la conséquence d’un état intellectuel où le monde est considéré comme gouverné par la fantaisie et non par des lois
immuables. Ce n’est pas d’un raisonnement, mais de tout l’ensemble des sciences modernes que sort cet immense résultat : il n’ y a pas de surnaturel. Le seul moyen de guérir du surnaturalisme, cette étrange maladie qui, à la honte de la civilisation, n’a pas encore disparu de l’humanité, c’est la culture moderne. »
Précisons que l’Isis dévoilée date de 1877 : on voit bien à quelle source s’abreuve HPB. Inutile d’invoquer des « Maîtres ascensionnés » et des communications télépathiques pour justifier ce genre de discours rationaliste.
Selon HPB, les miracles peuvent fort bien s’expliquer par les pratiques magiques accomplies selon le protocole très précis (« scientifique ») des grimoires et autres traités d’occultisme avancés. On y découvre que les résultats des opérations ne peuvent être obtenus que grâce à la coopération d’esprits – élémentaux ou autres. Les miracles sont donc la preuve que l’Eglise est toujours capable d’invoquer et d’utiliser les esprits. D’ailleurs elle en use et en abuse continuellement dans ses anathèmes, qui ne seraient selon HPB qu’autant de malédictions transmises de manière occulte par les élémentaux à sa solde, convoqués et envoyés pour accomplir leur œuvre destructrice.
Par ce genre d’insinuation est bien d’autres, est maintenu vivant jusqu’à nos jours, le mythe d’une Eglise qui connaît les arcanes, mais refuse de les divulguer, gardant jalousement ses pouvoirs occultes pour ses usages personnels peu recommandables.