La foi nโest autre chose que la confiance raisonnable dans cette unitรฉ de la raison et dans cette universalitรฉ du Verbe.
Croire, cโest acquiescer ร ce quโon ne sait pas encore, mais ร ce que la raison nous rend sรปrs dโavance de savoir, ou du moins de reconnaรฎtre un jour.
La croyance aveugle et aventurรฉe, cโest la superstition et la folie. Il faut croire aux causes dont la raison nous force dโadmettre lโexistence dโaprรจs le tรฉmoignage des effets connus et apprรฉciรฉs par la science.
Quโest-ce que la science ? La science, cโest la possession absolue et complรจte de la vรฉritรฉ. Aussi les sages de tous les siรจcles ont-ils tremblรฉ devant ce mot absolu et terrible ; et au lieu du mot science, ils ont adoptรฉ celui de gnose, qui exprime lโidรฉe de connaissance par intuition. ยป
Eliphas Lรฉvi, Dogme de Haute Magie
La position dรฉfendue par Eliphas Lรฉvi dans ce passage est celle de lโรฉsotรฉrisme en gรฉnรฉral en confrontation ร la foi : nous pourrions citer bon nombre dโauteurs dรฉfendant la mรชme thรจse dans des termes analogues.
En fait, notre auteur confond grossiรจrement foi et croyance, ce dernier terme รฉtant entendu comme une connaissance vague, prรฉscientifique, dont on ne peut pas rendre compte rationnellement. Une telle connaissance approximative pourrait tout au plus รชtre tolรฉrรฉe temporairement en attendant une explication rationnelle qui seule peut justifier notre adhรฉsion.
Une vie construite sur la croyance, serait ร dรฉnoncer comme indigne de lโhomme, crรฉรฉ รชtre de raison et par consรฉquent capable dโaccรฉder ร la science. Le choix dรฉlibรฉrรฉ de demeurer dans les tรฉnรจbres de la croyance, alors que la lumiรจre de la raison nous est offerte, relรจverait de la ยซ superstition ยป ou de la ยซ folie ยป.
Nous rรฉpondrons ร E. Lรฉvi que certes ยซ la religion est raisonnable ยป, mais la raison ne peut รฉpuiser le mystรจre qui nous est rรฉvรฉlรฉ dans la foi โ ร condition bien sรปr de ne pas confondre la vertu thรฉologale avec la croyance. La foi peut se dรฉfinir comme lโaccueil de la lumiรจre surnaturelle de la grรขce โ c’est-ร -dire de lโEsprit Saint en personne – qui รฉclaire notre intelligence et lui donne accรจs ร la connaissance de Dieu, en tant quโil se rรฉvรจle en son Fils et se communique prรฉcisรฉment dans lโEsprit. Cet รฉclairage nโest pas simplement extรฉrieur : la lumiรจre divine pรฉnรจtre notre intelligence et la transforme, afin de nous donner accรจs ร une vรฉritable con-naissance, qui est infiniment plus quโun savoir ou quโune gnose. Dieu se rรฉvรจle ร nous non pas dโune maniรจre extrinsรจque, mais par une transformation spirituelle, qui nous donne de participer ร sa propre vie. Cโest dans lโaccueil du don que Dieu nous fait de lui-mรชme, que nous apprenons ร le connaรฎtre.
Quant ร la raison, elle nโest pas ยซ sainte ยป par nature ; mais elle peut le devenir par lโaction transformante de la grรขce, comme nous venons de lโesquisser.
Quelle prรฉsomption de prรฉtendre accรฉder par la seule raison naturelle, ร ยซ la possession absolue et complรจte de la vรฉritรฉ ยป – c’est-ร -dire ร la vรฉritรฉ divine qui est dans le Verbe ! A moins bien sรปr de considรฉrer que la raison de lโhomme participe ยซ naturellement ยป ร ce Verbe divin, ce qui est prรฉcisรฉment la position de lโรฉsotรฉrisme, inacceptable pour un chrรฉtien : la gnose nโaurait dโautre but que de faire dรฉcouvrir ร lโhomme sa nature divine immanente, dont il aurait perdu conscience au cours de son chemin dโinvolution.