Fils de Dieu (Genèse)

Verrouillé
René

Fils de Dieu (Genèse)

Message par René »

La Bible de Jérusalem traduit ainsi la Genèse (6:1-4) :
"Lorsque les hommes commencèrent d'être nombreux sur la face de la terre et que des filles leur furent nées,
les fils de Dieu trouvèrent que les filles des hommes leur convenaient et ils prirent pour femmes toutes celles qu'il leur plut.
[...]
Les Nephilim étaient sur la terre en ces jours-là et aussi dans la suite quand les fils de Dieu s'unissaient aux filles des hommes et qu'elles leur donnaient des enfants; ce sont les héros du temps jadis, ces hommes fameux."

Comment faut-il comprendre ces fils de Dieu dont il est question ?
La littérature juive a interprété cela comme des anges déchus, ce qui rejoindrait la question la notion de succube et d'incube, ce que confirmerait Job 1:6.
Si l'interprétation d'Augustin (La Cité de Dieu, XVe Livre, 23e chapitre) est juste, comment comprendre ensuite l'utilisation du terme "héros" ?
Comment interpréter enfin la présence des Néphilim ?

P.Joseph-Marie

Re: Fils de Dieu (Genèse)

Message par P.Joseph-Marie »

Même s'il est long, je crois bon de citer l'extrait de la Cité de Dieu de St Augustin auquel vous faites allusion, d'autant plus que je m'y suis déjà référé dans une autre réponse:

« L’Ecriture témoigne que les anges ont apparu aux hommes dans des corps tels que non seulement ils pouvaient être vus, mais touchés. Il y a plus: comme c’est un fait public et que plusieurs ont expérimenté ou appris de témoins non suspects que les Sylvains et les Faunes, appelés ordinairement incubes, ont souvent tourmenté les femmes et contenté leur passion avec elles, et comme beaucoup de gens d’honneur assurent que certains démons, à qui les Gaulois donnent le nom de Dusiens , tentent et exécutent journellement toutes ces impuretés , en sorte qu’il y aurait une sorte d’impudence à les nier, je n’oserais me déterminer là-dessus, ni dire s’il y a quelques esprits revêtus d’un corps aérien qui soient capables ou non (car l’air, simplement agité par un évantail, excite la sensibilité des organes) d’avoir eu un commerce sensible avec les femmes.
Je ne pense pas néanmoins que les saints anges de Dieu aient pu alors tomber dans ces faiblesses, et que ce soit d’eux que parle saint Pierre, quand il dit: « Car Dieu n’a pas épargné les anges qui ont péché, mais il les a précipités dans les cachots obscurs de l’enfer, où il les réserve pour les peines du dernier jugement » ; je crois plutôt que cet apôtre parle ici de ceux qui, après s’être révoltés au commencement contre Dieu, tombèrent du ciel avec le diable, leur prince, dont la jalousie déçut le premier homme sous la forme d’un serpent. D’ailleurs, l’Ecriture sainte appelle aussi quelquefois anges les hommes de bien , comme quand il dit de saint Jean: « Voilà que j’envoie mon ange devant vous, pour vous préparer le chemin ». Et le prophète Malachie est appelé ange par une grâce particulière .
Ce qui fait croire à quelques-uns que les anges, dont l’Ecriture dit qu’ils épousèrent les filles des hommes, étaient de véritables anges, c’est qu’elle ajoute que de ces mariages sortirent des géants; comme si dans tous les temps il n’y avait pas eu des hommes d’une stature extraordinaire ! Il a fort bien pu y avoir des géants, même avant que les enfants de Dieu, que l’Ecriture appelle aussi des anges, se fussent mêlés avec les filles des hommes, c’est-à-dire avec les filles de ceux qui vivaient selon l’homme, et que les enfants de Seth eussent épousé les filles de Caïn . Voici le texte même de l’Ecriture : « Comme les hommes se furent multipliés sur la terre et qu’ils eurent engendré des filles, les anges de Dieu , voyant que les filles des hommes étaient bonnes, choisirent pour femmes celles qui leur plaisaient. Alors Dieu dit: Mon esprit ne demeurera plus dans ces hommes; car ils ne sont que chair, et ils ne vivront plus que cent vingt ans. Or, en ce temps-là, il y avait des géants sur la terre. Et depuis, les enfants de Dieu ayant commerce avec les filles des hommes. Ils engendraient pour eux-mêmes, et ceux qu’ils engendraient étaient ces géants si renommés » - Ces paroles marquent assez qu’il y avait déjà des géants sur la terre, quand les enfants de Dieu épousèrent les filles des hommes et qu’ils les aimèrent parce qu’elles étaient bonnes, c’est-à-dire belles; car c’est la coutume de l’Ecriture d’appeler bon ce qui est beau. Quant à ce qu’elle ajoute, qu’ils engendraient pour eux-mêmes, cela montre qu’auparavant ils engendraient pour Dieu, ou, en d’autres termes, qu’ils n’engendraient pas par volupté, mais pour avoir des enfants, et qu’ils n’avaient pas pour but l’agrandissement fastueux de leur famille, mais le nombre des citoyens de la Cité de Dieu, à qui, comme des anges de Dieu, ils recommandaient de mettre leur espérance en lui et d’être semblables à ce fils de Seth, à cet enfant de résurrection qui mit sa confiance à invoquer le nom du Seigneur, afin de devenir tous ensemble avec leur postérité les héritiers des biens éternels.
Mais il ne faut pas s’imaginer qu’ils aient tellement été anges de Dieu, qu’ils n’aient point été hommes, puisque l’Ecriture déclare nettement qu’ils l’ont été. Après avoir dit que les anges de Dieu, épris de la beauté des filles des hommes, choisirent pour femmes celles qui leur plaisaient le plus, elle ajoute aussitôt ci Alors le Seigneur dit: « Mon esprit ne demeurera plus dans ces hommes, car ils ci ne sont que chair».
L’esprit de Dieu les avait rendus anges de Dieu et enfants de Dieu; mais, comme ils s’étaient portés vers les choses basses et terrestres, l’Ecriture les appelle hommes, qui est un nom de nature, et non de grâce; elle les appelle aussi chair, parce qu’ils avaient abandonné l’esprit, et mérité par là d’en être abandonnés.
Ils étaient enfants de Dieu et frères de leurs pères, qui avaient comme eux Dieu pour père; et ils étaient enfants des dieux, parce qu’ils étaient nés de dieux avec qui ils étaient aussi des dieux, suivant cette parole du psaume : « Je l’ai dit, vous êtes des dieux, vous êtes tous des enfants du Très-Haut ».
Il est donc certain, selon les Ecritures canoniques, soit juives, soit chrétiennes, qu’il y a eu avant le déluge beaucoup de géants citoyens de la cité de la terre, et que les enfants de Seth, qui étaient enfants de Dieu par la grâce, s’unirent à eux après s’être écartés de la voie de la justice. On ne doit pas s’étonner qu’il ait pu sortir aussi d’eux des géants. A coup sûr, ils n’étaient pas tous géants; mais il y en avait plus alors que dans toute la suite des temps qui se sont écoulés depuis; et il a plu au Créateur de les produire, pour apprendre aux sages à ne faire pas grand cas, non seulement de la beauté, mais même de la grandeur et de la force du corps, et à mettre plutôt leur bonheur en des biens spirituels et immortels, comme beaucoup plus durables et propres aux seuls gens de bien. »

Verrouillé