Cette énergie, en dernière analyse, n’est pas une force aveugle, mais intelligente. Les savants admettent même l’existence d’une certaine forme d’ “électricité” qui semble manifester de l’intelligence.
Cette énergie omniprésente, créatrice, derrière toute chose, est consciente d’elle-même, consciente de son action et de sa manière d’agir. C’est pourquoi nous l’appelons l’Esprit ou Dieu. Elle est omniprésente, omnipotente et omnisciente, comme le dit la Bible. »
Baird T. Spalding, Treize leçons sur la vie des Maîtres.
La notoriété de Baird Spalding au sein du mouvement du Nouvel Age nous oblige à faire une analyse critique de ce bref extrait, qui est un modèle de confusion épistémologique et ontologique.
Contrairement à ce que prétend notre auteur, les scientifiques ne dissolvent pas la structure de la substance, mais leur approche spécifique du réel ne prend pas en compte la notion de substance, qui appartient au vocabulaire de la métaphysique et non de la physique. Le physicien considère uniquement les interactions entre les substances et non pas les substances en tant que telles. C’est pourquoi il exprime les résultats de ses observations dans le langage de la science des relations, c’est-à-dire les mathématiques. Le physicien établit des relations entre des termes « substantiels », qui en constituent les supports ; puis lorsqu’il se penche sur ces termes pour les étudier à leur tour, il isole en leur sein des sous-ensembles, entre lesquels il établit à nouveau des relations, qu’il décrit encore et toujours en langage mathématique. Il est donc tout à fait logique que le terme de substance n’apparaisse pas sous la plume des physiciens. Contrairement à ce qu’insinue Baird Spalding, ce réductionnisme épistémologique – tout à fait légitime – n’a aucune prétention ontologique.
Quant à la suite de la citation, elle est franchement délirante. Passant sans transition du domaine de la physique à celui de la métaphysique et même de la théologie, notre auteur identifie le champ énergétique immanent à ce monde créé, et l’Esprit divin incréé. Il laisse même sous-entendre que cette transgression serait un acquis de la science : « l’intelligence » perceptible au niveau de l’électricité, serait une manifestation de l’Esprit Créateur lui-même. Nous voudrions faire remarquer à notre auteur que le fait que les phénomènes électriques sont intelligibles, ne signifie en rien qu’ils manifestent la présence d’une intelligence immanente à ces phénomènes. Certes les lois de la nature présupposent une Intelligence ordinatrice ; mais celle-ci est transcendante ; elle n’agit pas en tant que sujet « conscient de son action et de sa manière d’agir » au cœur même des phénomènes empiriques ; elle gouverne et dirige ces phénomènes par l’intermédiaire des lois universelles, que la physique tente précisément de formuler en langage mathématique.
On pourrait penser que Baird Spalding se fait le défenseur de la croyance naturaliste et plaide pour une identification des énergies immanentes de la nature – étudiées par la physique – avec l’Energie divine cosmique omniprésente. Mais il n’en est rien, puisqu’il cite explicitement la tradition biblique. Nous sommes bel et bien dans la confusion la plus totale : le Créateur transcendant et personnel de la tradition judéo-chrétienne, est identifié par notre auteur aux énergies immanentes de notre monde créé, énergies qui pour l’occasion sont gratifiées de la conscience et de l’action délibérée. Sans commentaire.