Mais tandis que le magicien commande aux puissances de l’astral, et agit sous sa responsabilité, sans autre guide que sa science et sa conscience, le mystique ne se préoccupe que des puissances célestes, auxquelles, naturellement, il ne commande pas, mais qu’il prie et dont il obtient les choses les plus merveilleuses.
Quand un magicien digne de ce nom, devient un mystique ; quand il prie et soumet toujours ses œuvres à la direction des puissances célestes ; quand il ne se considère que comme un serviteur de Dieu et ne veut disposer de sa science et de sa puissance que pour accomplir les ordres de Dieu, il est un mage ».
F. Rozier, « Magie et sorcellerie », Revue Le Voile d’Isis, juin 1914
Gilbert Louis Ferdinand Rozier (1839- ) se situe dans la mouvance de l’occultisme de Papus et de son Ordre martiniste, de Gaita, de Péladan et de Barlet. Il est également tributaire de l’influence d’Eliphas Lévi et de H.P.Blavatsky.
L’extrait de cet auteur reconnu dans le milieu ésotéro-occulte est intéressant à plus d’un titre. Il reconnaît d’abord explicitement que l’efficacité de la magie est à attribuer à l’intervention d’« êtres invisibles » dont le magicien a réussi à se faire des collaborateurs. La parole « commander » suggère même une certaine subordination de ces entités au magicien. Cette domination est obtenue précisément par les pratiques magiques, qui ne visent pas à l’obtention immédiate d’un résultat, mais à l’invocation d’esprits capables d’obtenir l’effet voulu par leur maîtrise des plans occultes.
Domination toute apparente car rien n’est gratuit dans les échanges avec ces mondes parallèles, et les dits esprits savent revendiquer leur dû.
Pour F. Rozier, il y aurait également continuité entre la magie et la mystique : il suffirait de s’élever à des plans énergétiques supérieurs – et donc entrer en contact avec les entités correspondantes – pour passer de la simple magie à la théurgie. Si le magicien travaille en commandant à des entités astrales, le mage lui est soumis à des « puissances célestes », qui lui permettraient de mettre sa puissance au service des ordres divins. L’aliénation est donc de plus en plus explicite, et d’autant plus redoutable qu’elle est librement consentie, sous des aspects de mysticisme.