Nous postulons quโil est possible dโรฉtablir un compendium de hiรฉroglyphes suffisamment รฉlastiques dans leur signification pour inclure toute idรฉe possible, et que lโun ou plusieurs dโentre eux peuvent toujours รชtre pris pour reprรฉsenter nโimporte quelle idรฉe.
Nous supposons que nโimporte lequel de ces hiรฉroglyphes sera compris par ces intelligences avec lesquelles nous souhaitons communiquer dans le mรชme sens que par nous-mรชmes.
Par consรฉquent, nous avons une sorte de langage. On peut le comparer ร une lingua franca qui est peut-รชtre dรฉficiente pour exprimer certaines nuances, et donc ne convenant pas pour la littรฉrature, mais qui cependant peut servir pour la conduite des affaires quotidiennes ร la place des nombreuses langues qui sont parlรฉes.
Nous postulons que les intelligences que nous souhaitons consulter sont dรฉsireuses ou peuvent รชtre forcรฉe de nous donner des rรฉponses vraies. ยป
Aleister CROWLEY, Citรฉ par Fr. King et St. Skinner, Techniques de Haute-Magie
Ce bref extrait, de la plume du cรฉlรจbre mage A. Crowley, a lโavantage de dire en quelques lignes le principe gรฉnรฉral de la divinisation ou mancie. Le mage doit รฉtablir un langage qui lui permette de communiquer avec les ยซ intelligences ยป – entendons les ยซ esprits ยป – quโil entend consulter pour obtenir les renseignements quโil dรฉsire. Lโauteur prรฉcise que tous les devins ne sont pas forcรฉment conscients dโagir avec des esprits, mais lโignorance du mage quant au fonctionnement de sa pratique ne change rien au processus dรฉclenchรฉ. Cโest bien ce que confirment les ยซ esprits ยป rรฉpondant aux questions dโAlan Kardec : le fait mรชme dโagir dans le domaine occulte constitue dรฉjร un appel implicite aux esprits. Le langage utilisรฉ peut รชtre de diverses natures : lโimportant est quโune convention โ un pacte – soit รฉtablie entre le mage et lโยซ intelligence ยป avec laquelle il collabore. Il faut donc quโil y ait une correspondance aussi univoque que possible entre un ensemble de signes et les significations que le mage leur attribue conventionnellement. En fait, peu de mages inventent leur propre langage ; en gรฉnรฉral ils se contentent dโadopter un de ceux que transmet la tradition occulte ; il peut sโagir de symboles, de signes, mais aussi dโobjets divers, qui constituent les supports dโune signification conventionnelle. Nous aurons lโoccasion dโillustrer cet aspect.
S. Augustin รฉcrivait dรฉjร : ยซ Les esprits sont sรฉduits par des signes qui conviennent au goรปt de chacun ยป
. Comme ces esprits prรฉtendent faire connaรฎtre soit des futurs contingents libres, soit des pensรฉes secrรจtes, qui ne sont connues que de Dieu seul, il ne fait pas de doute pour les Pรจres que ces esprits sont des dรฉmons. Saint Thomas dโAquin explicite le raisonnement : les procรฉdรฉs employรฉs par le mage sont sans rapport avec lโinformation quโil demande. Ils nโont donc quโune fonction symbolique. Or, un symbole ne peut devenir opรฉratif par lui-mรชme. Son action รฉventuelle doit dรจs lors รชtre attribuรฉe ร une influence spirituelle, ร lโaction dโune intelligence, qui prรฉtend connaรฎtre et annoncer ce que Dieu seul peut savoir. Cโest pourquoi, conclut le docteur angรฉlique, ยซ les procรฉdรฉs magiques appartiennent โaux pactes symboliques conclus avec les dรฉmonsโ 1 ยป
.
Notes :
- Thomas dโAquin, Somme Thรฉologique, IIa-IIae, q. 96, a.2. [retour]