Livre des Maccabées

Verrouillé
Edwige

Livre des Maccabées

Message par Edwige »

Père, pourriez-vous me dire pourquoi les catholiques ont gardé le livre des Maccabées, et si les controverses à son sujet sont fondées et d'où viennent -elles ? J'ai cru comprendre qu'il s'agissait s'apocryphes. Sur quoi notre Sainte Eglise Catholique s'appuie pour les garder. (J'ai besoin de solides arguments pour pouvoir répondre à qq protestants de mon entourage :wink: ) MERCI

P. Joseph-Marie
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Message par P. Joseph-Marie »

L’histoire de la détermination des livres canoniques est longue et mouvementée. Pour ne parler que du livre des Maccabées, il ne fut pas retenu par le concile de Jamnia au cours duquel les Juifs définissaient leur canon (fin du Ier siècle). Cette assemblée ne retint en effet que les ouvrages écrits en hébreux, et considéra comme « deutéro-canoniques » les ouvrages grecs tels que le premier et second livre des Maccabées, mais aussi : Tb, Jdt, Sag, Sir, Bar, Epître de Jér, Esth (10,4-16 ; 24), Dn (3,24-90 ; 13 ; 14) . Par contre la communauté juive d’Alexandrie a retenu ces ouvrages deutéro-canoniques dans sa version grecque de la Bible, intitulée la « Septante ».
Les premières communautés chrétiennes reprirent le canon juif, mais dans cette version grecque de la Septante qui comprenait donc les deutéro-canoniques. En Orient cependant on ne pouvait se référer, dans les discussions avec les juifs qu’aux seules Ecritures reconnues par leur canon ; aussi Saint Justin, Saint Méliton, Origène, Eusèbe de Césarée, Saint Athanase, Saint Cyrille de Jérusalem, Saint Epiphane, Saint Grégoire de Nazianze, Saint Jérôme demeurèrent fidèles au canon hébreu. Les autres livres étaient présentés comme étant utiles pour l’instruction des catéchumènes, mais ne venaient qu’au second rang et ne sauraient être utilisés comme preuve dans les exposés dogmatiques : « non sunt in canone » (Saint Jérôme).
Les canons 59 et 60 du concile de Laodicée en Phrygie (vers 363) prescrivirent même de ne lire que les livres canoniques, c'est-à-dire les livres de la Bible hébraïque. Il est remarquable qu’à la même époque, l’Occident déclarait inspirés les deutérocanoniques et les retenait donc parmi les livres canoniques : ainsi Saint Ambroise, Saint Augustin, les conciles d’Hippone (393) et de Carthage (397-419), le décret de Gélase (attribué à Damase), et la lettre du pape Innocent Ier à Exupère de Toulouse en 405.
En fait à dater de Saint Augustin, le canon apparaît fixé tel que l’Eglise devait le définir officiellement au concile de Trente. Les Grecs en effet se rangèrent peu à peu aux vues des Occidentaux. En 692, le concile in Trullo adopta pour les Eglises de l’empire byzantin le canon scripturaire de l’Eglise latine, tel que l’avait promulgué en 419 le 4ème concile de Carthage. La croyance générale dans l’inspiration des deutérocanoniques fut confirmée officiellement par le papa Eugène IV dans le Decretum pro Jacobitis promulgué au concile de Florence (Bulle Cantate Domino du 4 février 1441).
En 1546, le concile de Trente répondit aux négations des Réformateurs relatives aux deutérocanoniques et à leur doctrine touchant le critère de canonicité. Les Pères conciliaires jugèrent qu’il n’y avait pas à reprendre une question déjà tranchée au Concile de Florence (1442), et définirent le canon dans le décret De canonicis Scripturis, qui proclama vérité de foi catholique l’inspiration de tous les écrits canoniques.

Luther s’est placé au point de vue dogmatique et a cherché à définir les livres inspirés à partir d’un critère théologique, à savoir la doctrine de l’Evangile telle que lui la comprenait.
Or selon lui, le christianisme se résume dans la thèse de la gratuité du salut, de la justification par la foi seule, foi en Jésus-Christ sauveur, à l’exclusion des œuvres.
Cette doctrine devint le critère de canonicité pour chaque livre. Luther jugeait aussi les livres de l’Ancien Testament selon le même principe, recherchant en eux l’élément évangélique. Il écarta les livres deutérocanoniques non seulement parce qu’il n’y reconnaissait pas sa doctrine, mais aussi parce que la Synagogue ne les avait pas reçus.
L’Eglise catholique a toujours récusé cette « Hierarchia Librorum », c'est-à-dire cette discrimination entre les Livres saints, qu’instaurait Luther. Nous attribuons une égale valeur normative à tous les livres à l’intérieur du canon (NT et AT) et refusons toute tentative de différentiation à partir d’un critère subjectif tel que celui que propose Luther. Cette manière de mettre son interprétation de la parole de Dieu au-dessus de l’Ecriture revient à postuler en quelque sorte « un canon à l’intérieur du canon », c'est-à-dire un principe herméneutique qui lui sert à évaluer les différents énoncés scripturaires.
Luther opposait donc à l’autorité de l’Eglise, l’autorité de son propre critère théologique de la canonicité, qui résultait de son enseignement sur la justification par la foi. Certes nous adhérons au dogme de la justification par la foi seule, mais nous rejetons le principe d’un « canon dans le canon », peu propice à l’écoute de l’ensemble de la parole scripturaire. J’ajoute que bon nombre de théologiens protestants contemporains rejettent également ce principe comme étant trop restrictif.

Verrouillé