Saint Joseph et son libre arbitre

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Aimé

Saint Joseph et son libre arbitre

Message par Aimé »

Dans sa lettre aux romains, Saint Paul écrit (7, 18-25) :
« Je sais que le bien n'habite pas en moi, je veux dire dans l'être de chair que je suis. En effet, ce qui est à ma portée, c'est d'avoir envie de faire le bien, mais non pas de l'accomplir. Je ne réalise pas le bien que je voudrais, mais je fais le mal que je ne voudrais pas. Si je fais ce que je ne voudrais pas, alors ce n'est plus moi qui accomplis tout cela, c'est le péché, lui qui habite en moi. Moi qui voudrais faire le bien, je constate donc en moi cette loi : ce qui est à ma portée, c'est le mal. Au plus profond de moi-même, je prends plaisir à la loi de Dieu. Mais, dans tout mon corps, je découvre une autre loi, qui combat contre la loi que suit ma raison et me rend prisonnier de la loi du péché qui est dans mon corps. Quel homme malheureux je suis ! Qui me délivrera de ce corps qui appartient à la mort ? Et pourtant, il faut rendre grâce à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur. »
On sait que Marie, Mère de Jésus, n’a pas eu ce genre de problème avec son libre arbitre, elle, l’immaculée conception. Mais qu’en est-il de Joseph le Juste, le père de Celui qu’il a appelé Jésus ? Dans la gestion de son libre arbitre durant toute sa vie terrestre, a-t-il été plus près de nous et de Saint Paul ou plus près de son épouse Marie (l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu'un) ?

P. Joseph-Marie
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Message par P. Joseph-Marie »

La question mission exceptionnelle et unique de Saint Joseph aux côtés de Marie et surtout auprès de Jésus, n’exige-t-elle pas que lui aussi soit préservé de tout péché dès l’instant de sa conception, afin de ne pas trahir la paternité divine dont il devait être l’instrument docile ? L’interrogation apparaît au XVe siècle, puis elle revient régulièrement au cours de l’histoire de la théologie, sans jamais aboutir à une conclusion définitive. Au fil des discussions, les évaluations les plus contrastées seront émises : depuis la condamnation de l’hypothèse de l’immaculée conception de Joseph par l’archevêque de Mexico, le 11 août 1888 comme « doctrine hérétique et absurde, parce que contraire à la foi catholique et à la raison », en passant par des expressions plus modérées comme « opinion téméraire » ; « très improbable » ; « douteuse et exagérée » ; « indémontrable » ; « improbable », jusqu’à l’affirmation tout au contraire, de véritables raisons de convenance par le Père Émile Campana en 1936. Ce dernier auteur écrit : « Lorsque nous pensons à la mission de confiance extraordinaire que Saint Joseph reçut du ciel, à l’intimité dont il jouissait auprès de la Vierge Marie, notre pensée ne peut pas s’empêcher de s’élever jusqu’à sa sainteté éminente, et de trouver cohérent que le confident de la Trinité et l’Époux de Marie Immaculée, soit lui aussi immaculé. Peut-être le jour viendra-t-il où l’Église proclamera que l’expression “homme juste” par laquelle l’Écriture Sainte désigne Saint Joseph, inclut également la “justice originelle” ? »
En fait, le débat se cristallise autour de la portée du décret promulgué le 17 juin 1546 par le Concile de Trente, qui affirme la transmission universelle du péché originel. Les Pères conciliaires n’admettent à cet énoncé qu’une seule exception : la « bienheureuse et immaculée Mère de Dieu ». Ce jugement fut confirmé par la bulle Ineffabilis Deus du 8 décembre 1854, par laquelle le pape Pie IX définissait le dogme de l’immaculée conception de Marie. Il précise dans ce document qu’il s’agissait d’un privilège singulier - privelegium singulare - expression que la majorité des théologiens interprèteront dans le sens d’un privilège exclusif et unique de Marie. Le pape Pie XII semble faire sienne cette lecture, lorsqu’il déclare dans sa Lettre encyclique Fulgens corona, en parlant de l’immaculée conception de Marie, qu’il s’agit d’un « privilège unique, accordé à nul autre ». Citons le passage : « Si comme il convient, on considère avec soin ces éloges de la bienheureuse Vierge Marie, qui oserait douter que celle qui est plus pure que les anges et qui a été pure en tout temps, n’ait été pendant toute sa vie, et même pendant le plus bref instant, exempte de toute espèce de souillure du péché ? Il résulte nettement de ces paroles que, parmi tous les saints et toutes les saintes, il en est une seule dont on puisse soutenir que, quel que soit le péché dont il s’agisse, il n’en saurait aucunement être question à son sujet. En outre, ce privilège très singulier, jamais accordé à une autre personne, elle l’obtint de Dieu au titre de son élévation à la dignité de Mère de Dieu ». Dans une allocution à de nouveaux époux, le 6 décembre 1939, le même Pie XII disait encore : « Nous voudrions diriger vos regards vers la très douce Vierge Marie, dont l’Église célébrera bientôt la fête, sous le titre de l’Immaculée Conception, titre des plus suaves, prélude à toutes ses autres gloires, et même privilège unique, à tel point qu’il semble pour ainsi dire identifié avec sa personne elle-même : “Je suis, dit-elle à sainte Bernadette dans la grotte de Massabielle, je suis l’Immaculée Conception” ».
Par ces déclarations, il semble bien que « le Souverain Pontife ait soustrait à la libre discussion des théologiens la question de l’immaculée conception de Saint Joseph ». Le père Roland Gauthier ajoute cependant : « Remarquons que l’absence de ce privilège n’interdit aucunement de parler de l’exceptionnelle grandeur spirituelle de Saint Joseph. Le chef de la Sainte Famille est, et restera toujours le plus grand saint après Marie, parce que, selon les paroles mêmes du pape Léon XIII dans son encyclique Quanquam pluries, “Saint Joseph étant uni à la bienheureuse Vierge Marie par le lien conjugal, il n’est pas douteux qu’il n’ait approché, plus que personne, de cette dignité suréminente par laquelle la Mère de Dieu surpasse de si loin toutes les natures créées”. »
A défaut de jouir du privilège d’une conception immaculée, Saint Joseph a-t-il été sanctifié dès le sein de sa mère, comme le fut Jean-Baptiste ? Rien ne nous empêche de le penser, et cette proposition - que d’aucuns soutiennent - nous semble tout à fait raisonnable et hautement probable. Il est en tout cas incontestable que le Seigneur donne à chacun toutes les grâces dont il a besoin pour accomplir sa mission particulière. « C’est une loi générale, déclare saint Bernardin de Sienne, dans la communication de grâces particulières à une créature raisonnable : lorsque la bonté divine choisit quelqu’un pour une grâce singulière ou pour un état sublime, elle lui donne tous les charismes nécessaires à sa personne ainsi qu’à sa fonction, et qui augmentent fortement sa beauté spirituelle. Cela s’est tout à fait vérifié chez Saint Joseph, père présumé de notre Seigneur Jésus Christ, et véritable époux de la Reine du monde et Souveraine des anges. Le Père éternel l’a choisi pour être le nourricier et le gardien fidèle de ses principaux trésors, c'est-à-dire de son Fils et de son épouse ; fonction qu’il a remplie fidèlement. C’est pourquoi le Seigneur a dit : “Bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton maître”. » On peut donc raisonnablement penser que Joseph a été préservé de toute « opacité affective » qui aurait fait obstacle à l’amour paternel de Dieu pour l’Enfant qu’il lui avait confié, de sorte qu’à travers l’amour de son père « putatif », l’amour du Père des cieux a pleinement pu rejoindre Jésus, comblant ainsi son désir sans laisser de place à une quelconque nostalgie ou blessure.
(Extrait de mon ouvrage « Parcours de guérison intérieure » qui vient de sortir.)

Hannah

Message par Hannah »

"On sait que Marie, Mère de Jésus, n’a pas eu ce genre de problème avec son libre arbitre, elle, l’immaculée conception. "

Est-ce que j'ai raison quand je dis que la Vierge Marie a eu son libre arbitre, même si elle était Immaculée Conception?

P. Joseph-Marie
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Message par P. Joseph-Marie »

Bien sûr ! On peut même affirmer que Marie était bien plus libre que nous, précisément parce qu’immaculée. La liberté originelle – celle que nous a donnée le Créateur – est la faculté de discerner et de choisir le bien ; suite au péché, notre capacité de discernement s’est obscurcie et notre volonté s’est affaiblie. Aussi nos choix sont-ils souvent ambiguës : nous optons pour des biens partiels qui nous détournent de notre finalité, c'est-à-dire de notre Bien ultime.
Ce ne fut pas le cas pour Marie : préservée du péché et de ses conséquences, elle a choisi et réaliser intégralement, avec l’aide de la grâce, le Bien - c'est-à-dire le dessein de Dieu sur elle.

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