Charité/commisération/Essence du Christianisme.

Alexandre Casuiste

Les vrais nécessiteux ne sont pas ceux qu'on pense.

Message par Alexandre Casuiste »

C'est amour n'a bien sûr rien à voir avec de la commisération: l'amour de Dieu pour les pécheurs que nous sommes s'appelle "miséricorde" ; or dans son encyclique Dives in misericordia, Jean-Paul II insiste que la miséricorde n'humilie pas celui qui en est bénéficiaire, car elle comporte toujours une part de réciprocité. Ainsi Dieu nous a fait miséricorde en son Fils, mais à notre tour nous sommes invités à exercer la miséricorde envers lui en consolant son Cœur, qui souffre pour tant d'indifférence et de mépris.

Afin d'éviter de graves malentendus, je crois qu'il faut préciser que les mots "commisération", "pitié" et "miséricorde" sont à peu près synonymes, avec cependant des nuances essentielles qu'il faut souligner ! Le petit Robert donne :

Commisération : du latin "commisératio" de "miserari = "avoir pitié" : sentiment de pitié qui fait prendre part à la misère des malheureux (= apitoiement, attendrissement).

Pitié : 1) sympathie pour les souffrances d'autrui.
2) sentiment de commisération accompagné de mépris.

Miséricorde : du latin "misericordia" : "Qui a le coeur sensible au malheur." :
1) Sensibilité à al misère, au malheur d'autrui.
2) Pitié par laquelle on pardonne au coupable. La miséricorde divine désigne la bonté de Dieu pour le pécheur.

Voilà qui est clair : la commisération c'est l'apitoiement pour la misère ; la pitié c'est la commisération qui naît du mépris ; la miséricorde c'est la commisération pour le coupable. Ici les nuances sont essentielles. Lorsqu'on parle de "Miséricorde divine" ou pour la Miséricorde qui concerne la charité chrétienne, il s'agit bien de l'attention portée au pécheur. Or combien de gens qu'on appelle "nécessiteux" parce qu'ils sont "dans la mouise" jusqu'au cou ne sont pas dans cette situation parce qu'ils ont péché mais parce que la Société ne veut pas d'eux ?
Il me semble que chacun doit interroger sa conscience pour voir si il lui est arrivé ne serait-ce qu'une seule fois dans sa vie d'accomplir un acte de Charité authentiquement chrétienne. La plupart du temps on profite de la détresse humaine dans l'espoir secret d'éterniser par-là son misérable moi, quand ce n'est pas pour acquérir à peu de frais une des vertus de l'eau minérale : être reconnu d'utilité publique ! Les vrais miséreux ne sont pas ceux qu'on pense !

!!!

Re: Charité/commisération/Essence du Christianisme.

Message par !!! »

Alexandre (Casuiste) a écrit :Quelqu'un m'a dit que, bien loin devant les harangues de certains théologiens qui s'ingénient à rendre cohérent le donné de la foi par des explications ad hoc et contre vents et marées, l'exercice de la Charité chrétienne, qui n'est pas celle de la commisération, serait l'essence même du Christianisme.
Qu'est-ce donc que cette Charité chrétienne par rapport à la pitié ou à la commisération, et comment et pourquoi peut-on ou doit-on dire que l'exercice de la Charité est l'Essence même du Christianisme ? :?
pourquoi parlez vous de charité "chrétienne" , existerait-il une charité "bouddhiste" ou une charité "musulmane" ou même "païenne" ????
il me semble que la Charité est d'abord Quelqu'un et que lorsque nous posons un acte de charité (que lon soit catho ou pas), nous le faisons car "Dieu nous a aimés le premier" que nous en ayons conscience ou pas . est-ce vrai ? :?:
j'ai par ailleurs une autre question : quelle distinction réelle entre la charité et le service (à part "la charité est une vertu théologuale"!). est-ce que la charité est un service fait par, pour, avec amour ? :?:

merci d'avance

P. Joseph-Marie
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Message par P. Joseph-Marie »

Une charité qui ne s’incarnerait pas dans un service concret risque fort de n’être qu’un sentiment et non pas la vertu théologale : la présence de l’Esprit de charité s’atteste toujours dans les œuvres qu’Il accomplit en nous et par nous.

Invité

Message par Invité »

P. Joseph-Marie a écrit :Une charité qui ne s’incarnerait pas dans un service concret risque fort de n’être qu’un sentiment et non pas la vertu théologale : la présence de l’Esprit de charité s’atteste toujours dans les œuvres qu’Il accomplit en nous et par nous.
D'où l'importance de discerner les oeuvres DE Dieu et les oeuvres POUR Dieu. Et aussi par la même occasion celle de l'accompagnement spirituel pour savoir quelle est vraiment la volonté de Dieu, pour l'être humain individuel que je suis.
J'ai quant à moi entendu un prédicateur catholique (de l'Eglise de Rome) connu dire que, de même que l'esprit de pauvreté ne nécessite pas la pratique effective de la pauvreté, de même on peut posséder et user de biens matériels du moment qu'on en est totalement détaché par amour de Dieu !
Ca m'a vraiment interloqué d'apprendre cela ! :?
N'y a-t-il pas là une flagrante trangression avec ce qui est dit dans les Evangiles : "On ne peut aimer à la fois Dieu et l'argent ." ; " Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu." ; " Il est plus difficile à un riche d'entrer dans le Royaume des Cieux qu'à un chamois de passer par le trou d'une aiguille." ; ou encore quand Jesus a dit à St Mathieu : " Malheur aux riches." etc. ?

Alexandre Casuiste.

Re: Charité/commisération/Essence du Christianisme.

Message par Alexandre Casuiste. »

!!! a écrit :
Alexandre (Casuiste) a écrit :Quelqu'un m'a dit que, bien loin devant les harangues de certains théologiens qui s'ingénient à rendre cohérent le donné de la foi par des explications ad hoc et contre vents et marées, l'exercice de la Charité chrétienne, qui n'est pas celle de la commisération, serait l'essence même du Christianisme.
Qu'est-ce donc que cette Charité chrétienne par rapport à la pitié ou à la commisération, et comment et pourquoi peut-on ou doit-on dire que l'exercice de la Charité est l'Essence même du Christianisme ? :?
pourquoi parlez vous de charité "chrétienne" , existerait-il une charité "bouddhiste" ou une charité "musulmane" ou même "païenne" ????
il me semble que la Charité est d'abord Quelqu'un et que lorsque nous posons un acte de charité (que lon soit catho ou pas), nous le faisons car "Dieu nous a aimés le premier" que nous en ayons conscience ou pas . est-ce vrai ? :?:
j'ai par ailleurs une autre question : quelle distinction réelle entre la charité et le service (à part "la charité est une vertu théologuale"!). est-ce que la charité est un service fait par, pour, avec amour ? :?:

merci d'avance
La différence entre la Charité "chrétienne" et la Charité "païenne" c'est justement le point que je souhaitais mettre en valeur. La Charité "païenne" consiste à secourir le plus démuni parce qu'on jouit d'une même communauté de vie, avec cette intuition qu'on est tous logés à la même enseigne et que ce qui arrive à notre compagnon de route aurait très bien pu et pourrait très bien nous arriver à nous. Il n'y a pas là la moindre allusion à Jesus-Christ mort et ressuscité etc. (c'est les Restos du coeur "contre" l'Emmaüs de l'Abbé Pierre si on veut...). C'est l'élan naturel et spontané vers le plus pauvre " sans idéologie, discours ou baratin " (Coluche). La Charité "chrétienne" est bien plus exigeante il me semble et souffre en outre beaucoup moins la compromission avec l'esprit du monde... 8O

P. Joseph-Marie
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Message par P. Joseph-Marie »

Elle est surtout animée par un autre Principe que nous appelons l’Esprit du Dieu vivant, qui nous donne d’aimer comme Dieu seul peut aimer : d’un amour agape.

P. Joseph-Marie
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Message par P. Joseph-Marie »

Anonymous a écrit : J'ai entendu un prédicateur catholique dire que, de même que l'esprit de pauvreté ne nécessite pas la pratique effective de la pauvreté, de même on peut posséder et user de biens matériels du moment qu'on en est totalement détaché par amour de Dieu !
Tout dépend comment vous définissez le riche. S’il s’agit de celui qui possède, alors je crois qu’on peut être riche sans faillir à la pauvreté ; c’était la doctrine des Pères de l’Eglise qui considéraient que les riches avaient reçus des biens pour pouvoir venir en aide aux plus démunis. Leur libéralité prouve leur détachement : ils n’adorent donc pas Mammon puisqu’ils utilisent les biens de ce monde pour construire, par leur charité, le Royaume de Dieu.
Par contre si le riche est défini comme celui qui demeure attaché à ses biens, alors la richesse est bien sûr incompatible avec la pauvreté évangélique.
Je peux être « riche » en n’ayant que trois sous - dans la mesure où j’y suis attaché – et pauvre en ayant un compte en banque bien garni, que je gère pour en faire profiter ceux qui sont dans le besoin !

Invité

Je suis pauvre mais je possède tout.

Message par Invité »

"Etre pauvre en ayant un compte en banque bien garni." ! Ca me semble ambigu comme situation ! Psychologiquement c'est pas évident à gérer ! Il vaudrait mieux dire : "Avoir l'esprit de pauvreté en ayant un compte en banque bien garni." ? Le plus simple c'est de n'avoir que de l'Amour à donner, mais là c'est une autre paire de manches.... Merci pour vos réponses. :|

Verrouillé