Mon Père,
J'ai noté les trois qualificatifs qui permettent, selon vous, de distinguer l'âme de la plante, de celle de l'animal et de l'homme l'homme.
Vous écrivez que l'homme dispose d'une âme rationnelle.
Que la raison nous serve à organiser nos vies durant notre séjour sur la terre j'en conviens. La raison est un outil indispensable qui permet au philosophe et au théologien de penser comme au scientifique de chercher, d'inventer, de découvrir.
Sans la raison nous serions incapables de construire des sociétés humaines et de nous diriger dans l'espace et dans le temps.
Mais la raison a une limite au delà de laquelle elle ne peut rien, je veux parler du domaine de la foi.
Tout dans l'Evangile échappe au contrôle de la raison. Citons quelques exemples : l'immaculée conception, la naissance de Jésus, « né par l'opération du St Esprit », la virginité de Marie, les miracles de Jésus, sa Résurrection et son Ascension sont autant d'événements que la raison humaine est incapable de prouver et d'expliquer.
N'est-ce pas St Paul qui a dit que la Croix était folie ?
La foi en Dieu s'appuie rarement sur des justifications rationnelles.
Personne n'a réussi à prouver l'existence de Dieu avec des arguments rationnels. On peut tout aussi aisément expliquer sa non-existence.
Cela pour dire que le qualifiant « rationnel » servant à distinguer l'homme de l'animal et de la plante me semble fort insuffisant.
J'imagine plutôt que l'âme doit être définie par son aptitude à communiquer et communier avec le ciel, donc avec Dieu, par son aptitude à croire comme à entrer dans le Royaume du Père, c'est-à-dire de nous comporter comme des êtres spirituels et pas seulement des ingénieurs, des techniciens, des mathématiciens ou des philosophes à la façon d'Aristote.
L'ambition de St Thomas d'Aquin de rationaliser la théologie a trouvé ses limites dans le fait que la philosophie aristotélicienne se trouve largement insuffisante à penser notre relation spirituelle et mystique avec Dieu.
Pourquoi ne pas dire que l'âme, d'origine divine, est immortelle et qu'elle est apte à communiquer avec Dieu alors que notre pensée rationnelle, d'origine terrestre, s'arrête aux limites de la matière ? (Je ne veux évidemment pas dire que l'âme est privée de raison mais que celle-ci se montre fort insuffisante pour nous mettre en présence de Dieu.)
Nous sommes parfaitement d’accord ! Mais n’oublions pas que pour Saint Thomas l’avènement de la raison implique l’ouverture sur la Transcendance. S’il n’insiste pas comme nous le faisons de nos jours sur la dimension relationnelle, c’est tout simplement parce que la problématique de son époque n’est pas centrée de la même manière que la nôtre ; ce qui ne signifie nullement que son système conceptuel ne soit pas capable d’intégrer l’aspect relationnel que vous soulignez. Pour Saint Thomas, fidèle à l’enseignement de l’Eglise, l’âme rationnelle est immédiatement créée par Dieu, ce qui souligne bien l’aspect primordial de la relation à la Transcendance. Lorsque Pascal parle de la foi comme étant « Dieu sensible au cœur », il ne critique pas Saint Thomas, mais le rationalisme. C’est peut-être là que le bas blesse : il ne faudrait pas rétro-projeter sur le Docteur Angélique la conception cartésienne de la raison ! Saint Thomas d’Aquin sera même la référence du traité sur la Révélation (Dei Filius) dans lequel le premier Concile du Vatican précise la doctrine chrétienne sur les rapports entre la raison et la foi face au rationalisme. Autrement dit, la différence spécifique exprimée par le terme « rationnel » inclut l’ouverture à la Transcendance, la capacité de s’ouvrir à la grâce, la libre disposition de soi et la capacité d’aimer ; il ne se limite pas à la capacité de résoudre des problèmes : l’intelligence associative dont dispose l’animal suffirait d’ailleurs largement à cet effet.
L'âme
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Je ne comprends pas ce qui s’est passé : j’ai du faire une mauvaise manipulation, mais ce qui suit n’est pas la réponse à la question précédente ! Sans doute à l’avant-dernière ? Merci de rectifier !
Je crois que si vous lisez attentivement l’intervention précédente, vous verriez que je fais la distinction entre intelligence associative – que possèdent les animaux – et intelligence réflexive – que seul l’homme possède. L’intelligence associative est la capacité de traiter les signaux qui nous viennent – à l’homme comme à l’animal - par les cinq sens. Le dauphin est même plus expert que l’homme en la matière, car il dispose d’un « ordinateur cérébral » plus performant que nous. Mais il ne possède pas une intelligence réflexive qui lui permettrait de prendre conscience de soi, de vouloir librement, et de se poser la question du sens de sa vie.
Peut-être la terminologie vous heurte-t-elle ? Le fait de parler d’une « intelligence animale » ? Mais je crains que si nous n’utilisons pas ce terme en prenant soin de le spécifier, nous ne parviendrons plus à intégrer le langage moderne, qui parle même d’« intelligence artificielle ».
(En relisant l’intervention précédente je constate que j’ai malencontreusement utilisé l’expression « pensé associative » pour l’animal ; il vaut effectivement mieux parler d’une « intelligence associative ». Si c’est le mot « pensée » attribué à l’animal qui vous a choqué, vous avez raison : il vaut mieux l’éviter. Merci de l’avoir souligné !)
Je crois que si vous lisez attentivement l’intervention précédente, vous verriez que je fais la distinction entre intelligence associative – que possèdent les animaux – et intelligence réflexive – que seul l’homme possède. L’intelligence associative est la capacité de traiter les signaux qui nous viennent – à l’homme comme à l’animal - par les cinq sens. Le dauphin est même plus expert que l’homme en la matière, car il dispose d’un « ordinateur cérébral » plus performant que nous. Mais il ne possède pas une intelligence réflexive qui lui permettrait de prendre conscience de soi, de vouloir librement, et de se poser la question du sens de sa vie.
Peut-être la terminologie vous heurte-t-elle ? Le fait de parler d’une « intelligence animale » ? Mais je crains que si nous n’utilisons pas ce terme en prenant soin de le spécifier, nous ne parviendrons plus à intégrer le langage moderne, qui parle même d’« intelligence artificielle ».
(En relisant l’intervention précédente je constate que j’ai malencontreusement utilisé l’expression « pensé associative » pour l’animal ; il vaut effectivement mieux parler d’une « intelligence associative ». Si c’est le mot « pensée » attribué à l’animal qui vous a choqué, vous avez raison : il vaut mieux l’éviter. Merci de l’avoir souligné !)
Ame immortelle
P. Joseph-Marie a écrit :Je crois que j’essayerais de la faire avancer par questions-réponses. Je commencerais par lui demander comment elle définirait (ce n’est bien sûr pas ce mot que j’utiliserais !) la différence entre une pierre et une plante. Ce que la plante a « de plus », c’est qu’elle est vivante ; or ce qui lui donne d’être vivante, c’est son âme, qui est appelée « végétative ». Et quelle est la différence entre une plante et un animal ? L’animal est vivant lui aussi, mais il peut faire bien davantage que la plante : il dispose de cinq sens, il peut se déplacer pour chercher sa nourriture, pour faire un nid, etc. Il exprime des sentiments, des émotions, etc. La différence entre ces deux vivants vient du fait que l’animal a une âme plus complexe que le végétal : une âme dite « sensitive ». Et les hommes, que peuvent-ils faire de plus que les animaux ? J’espère que vous parviendrez à lui faire découvrir que la conscience, la pensée, la liberté sont le propre de l’homme (peut-être le détour par les œuvres d’art, la science, etc. peut être utile). L’homme a donc encore une autre âme que l’animal : une âme « rationnelle », qu’il est seul à posséder. Tous les vivants ont donc une âme, mais proportionnée à ce qu’ils sont. Seul l’homme dispose d’une âme rationnelle qui lui permet d’avoir conscience de soi, de réfléchir, de vouloir librement, d’aimer, et même de chercher et de trouver Dieu. Car c’est Dieu qui donne à chaque enfant, dès le sein de sa maman, cette âme tout à fait particulière qui lui permettra un jour de le chercher et de le trouver. Nous sommes sur terre précisément pour cela : chercher et trouver Dieu sur le chemin que nous ouvre Jésus. C'est ainsi que même lorsque notre corps sera mort, notre âme pourra vivre en Dieu puisqu'elle est connue et aimée par lui et puisqu'elle le connaîtra et l'aimera.
Bonjour Père,
L'âme humaine (rationnelle) est immortelle ? Qu'en est il de l'âme végétative et de l'âme sensitive ?
Merci.
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L’âme rationnelle est immortelle parce qu’en tant qu’esprit, elle transcende le plan de la matière et n’est donc pas soumise au déterminations spatio-temporelles du monde physique. Par contre l’âme végétative et l’âme sensitive sont les principes de la vie végétative et animale, qui ne transcendent pas la matière. Aussi ces âmes ne subsistent-elles pas à la mort des corps qu’elles informent ; elles disparaissent à la mort de la plante ou de l’animal.
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- Enregistré le : 5 sept. 2003
Poussant plus loin la réflexion, j’ajoute que les lévriers participeront dans le Royaume à la transfiguration de tout l’univers créé, mais en tant qu’espèce, et pas en tant que tel ou tel individu particulier. Ce qui par contre sera le cas pour les êtres humains. Et dans cette espèce, vous retrouverez les traits propres de Ugo. 
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Donc l'âme végétative et l'âme sensitive (de l'animal) n'ont pas d'ouverture à la transcendance, mais elles participeront à la Parousie en tant qu'espèces immortelles.P. Joseph-Marie a écrit :Poussant plus loin la réflexion, j’ajoute que les lévriers participeront dans le Royaume à la transfiguration de tout l’univers créé, mais en tant qu’espèce, et pas en tant que tel ou tel individu particulier. Ce qui par contre sera le cas pour les êtres humains. Et dans cette espèce, vous retrouverez les traits propres de Ugo.
- Ne retrouve-t-on pas là le concept d'âme-groupe développé par certaines écoles ésotériques comme la théosophie par exemple?!
- Sur quels passages de la bible peut-on s'appuyer pour parler d'espèces immortelles?
Merci
Immortalité de l'âme
Pardonnez mon intrusion dans ce débat, mais je dois dire que le sujet abordé m'intéresse particulièrement.
Vous dites, mon père, que "l’âme rationnelle est immortelle parce qu’en tant qu’esprit, elle transcende le plan de la matière". Si je comprends bien, l'âme rationnelle serait immortelle en vertu de sa nature même. Or je ne parviens pas à admettre cela. Pour moi, si l'âme humaine parvient à résister à la mort, c'est uniquement parce que Dieu se refuse à voir l'homme retomber dans le néant d'où il était issu. L'âme humaine est donc immortelle par pure grâce.
Je ne suis pas certain que mon point de vue soit tout-à-fait conforme à l'enseignement traditionnel de l'Eglise (je compte sur vous pour me le dire) mais j'estime qu'il est parfaitement cohérent avec le discours de la biologie, et surtout avec le bon sens. A la mort de chaque individu, l'activité cérébrale s'arrête, chacun en conviendra. Or qu'est-ce que la raison sinon un phénomène cérébral ? Je dirais même plus : qu'est-ce que la personnalité sinon une organisation particulière de notre cerveau (organisation qui s'acquiert progressivement au fil de nos expériences, sur une probable base génétique) ? Il semble donc indubitable qu'à notre mort, nos perceptions sensorielles cessent, notre raison s'éteigne et notre personnalité s'évanouisse. Naturellement donc, si mon corps meurt, JE meurs. En effet, je n'habite pas mon corps, JE SUIS mon corps.
Mais comment Dieu pourrait-Il admettre une telle fin pour ses enfants bien-aimés, eux qu'Il a désirés de toute Eternité ? Cela me semble impensable et je me vois obligé d'admettre qu'à la mort de l'homme, Dieu Lui-même intervient pour maintenir dans l'être (quoique de façon provisoirement imparfaite) cette personne que la nature conduisait au néant.
J'espère m'être bien fait comprendre.
Merci d'avance pour toutes vos réactions (je ne m'adresse pas seulement au P. Joseph-Marie)
Jim
PS : félicitations pour votre site visuellement très agréable, et pour le forum souvent passionnant.
Vous dites, mon père, que "l’âme rationnelle est immortelle parce qu’en tant qu’esprit, elle transcende le plan de la matière". Si je comprends bien, l'âme rationnelle serait immortelle en vertu de sa nature même. Or je ne parviens pas à admettre cela. Pour moi, si l'âme humaine parvient à résister à la mort, c'est uniquement parce que Dieu se refuse à voir l'homme retomber dans le néant d'où il était issu. L'âme humaine est donc immortelle par pure grâce.
Je ne suis pas certain que mon point de vue soit tout-à-fait conforme à l'enseignement traditionnel de l'Eglise (je compte sur vous pour me le dire) mais j'estime qu'il est parfaitement cohérent avec le discours de la biologie, et surtout avec le bon sens. A la mort de chaque individu, l'activité cérébrale s'arrête, chacun en conviendra. Or qu'est-ce que la raison sinon un phénomène cérébral ? Je dirais même plus : qu'est-ce que la personnalité sinon une organisation particulière de notre cerveau (organisation qui s'acquiert progressivement au fil de nos expériences, sur une probable base génétique) ? Il semble donc indubitable qu'à notre mort, nos perceptions sensorielles cessent, notre raison s'éteigne et notre personnalité s'évanouisse. Naturellement donc, si mon corps meurt, JE meurs. En effet, je n'habite pas mon corps, JE SUIS mon corps.
Mais comment Dieu pourrait-Il admettre une telle fin pour ses enfants bien-aimés, eux qu'Il a désirés de toute Eternité ? Cela me semble impensable et je me vois obligé d'admettre qu'à la mort de l'homme, Dieu Lui-même intervient pour maintenir dans l'être (quoique de façon provisoirement imparfaite) cette personne que la nature conduisait au néant.
J'espère m'être bien fait comprendre.
Merci d'avance pour toutes vos réactions (je ne m'adresse pas seulement au P. Joseph-Marie)
Jim
PS : félicitations pour votre site visuellement très agréable, et pour le forum souvent passionnant.