L'âme

Verrouillé
jeclfo

L'âme

Message par jeclfo »

Bonjour Père,

Je suis parrain d'une petite fille qui vient d'avoir 5 ans.

Le papa n'est pas croyant et la maman ne sais pas trop et ne pratique pas.

Cependant ils ont fait baptiser leur fille et m'ont demandé d'en être le parrain, sachant que je suis catholique pratiquant.

Et, hier, la maman m'a dit que sa fille souhaitait aller à la messe. Elle m'a demandé si je pouvais l'emmener : pas de problème.

Mais ma filleule demande aussi : "qu'est-ce que l'âme". Et là, ça se complique :(

Comment puis-je répondre à ma petite filleule de 5 ans!

Un grand merci pour votre aide.

Jean-Claude

P. Joseph-Marie
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Enregistré le : 5 sept. 2003

Message par P. Joseph-Marie »

Je crois que j’essayerais de la faire avancer par questions-réponses. Je commencerais par lui demander comment elle définirait (ce n’est bien sûr pas ce mot que j’utiliserais !) la différence entre une pierre et une plante. Ce que la plante a « de plus », c’est qu’elle est vivante ; or ce qui lui donne d’être vivante, c’est son âme, qui est appelée « végétative ». Et quelle est la différence entre une plante et un animal ? L’animal est vivant lui aussi, mais il peut faire bien davantage que la plante : il dispose de cinq sens, il peut se déplacer pour chercher sa nourriture, pour faire un nid, etc. Il exprime des sentiments, des émotions, etc. La différence entre ces deux vivants vient du fait que l’animal a une âme plus complexe que le végétal : une âme dite « sensitive ». Et les hommes, que peuvent-ils faire de plus que les animaux ? J’espère que vous parviendrez à lui faire découvrir que la conscience, la pensée, la liberté sont le propre de l’homme (peut-être le détour par les œuvres d’art, la science, etc. peut être utile). L’homme a donc encore une autre âme que l’animal : une âme « rationnelle », qu’il est seul à posséder. Tous les vivants ont donc une âme, mais proportionnée à ce qu’ils sont. Seul l’homme dispose d’une âme rationnelle qui lui permet d’avoir conscience de soi, de réfléchir, de vouloir librement, d’aimer, et même de chercher et de trouver Dieu. Car c’est Dieu qui donne à chaque enfant, dès le sein de sa maman, cette âme tout à fait particulière qui lui permettra un jour de le chercher et de le trouver. Nous sommes sur terre précisément pour cela : chercher et trouver Dieu sur le chemin que nous ouvre Jésus. C'est ainsi que même lorsque notre corps sera mort, notre âme pourra vivre en Dieu puisqu'elle est connue et aimée par lui et puisqu'elle le connaîtra et l'aimera.

Invité

Message par Invité »

Merci pour l'indication de cette façon de procéder qui me semble bonne.

Cependant, je me pose deux questions :

- 1) Puis-je parler à ma filleule de l'âme des plantes et des animaux ? Ne court-on pas le risque que, par d'autre sources (cathéchisme par exemple, dans quelques années) on lui dise que seul l'homme a une âme (c'est ce qu'on m'avait appris il y a déjà longtemps) ? Elle serait perturbée.

Vous avez sans doute raison : il y a un danger de se trouver en contradiction avec un enseignement ultérieur. Mais j’ouvrais cette possibilité pour éviter un autre danger, à savoir de réduire l’homme à un animal plus performant que les autres. En introduisant une distinction de nature entre les plantes et les animaux, les animaux et les hommes, sur base d’une différence essentielle entre leurs âmes respectives, j’espérais anticiper cet autre danger. Mais peut-être mon raisonnement n’est-il pas adapté à l’âge de la fillette ? Mais dire à un enfant que seul l’homme a une âme, et donc que son petit chat n’en a pas, risque de ne pas être très bien reçu…


- 2) Ne peut-on pas cerner plus précisemment ce que l'âme apporte à l'homme, parce que l' "âme rationnelle " c'est l'intellect. C'est ce du moins que va dire ( ou simplement penser ) la maman.

L’intellect fait partie des facultés de l’âme, mais n’épuise pas le tout de l’âme : pensons aussi à l’imagination, la mémoire, l’affectivité, la volonté. Chacune de ces facultés possède un niveau inférieur, lié à la dimension « animale » de « l’animal rationnel » que nous sommes, et un niveau supérieur, proprement spirituel. Ainsi nous avons une intelligence associative, que l’on peut comparer à celle des animaux, mais nous avons aussi et surtout une intelligence réflexive, qui est à la source de la conscience de soi. Nous avons une volonté de type animal (certains animaux peuvent faire preuve de beaucoup de « volontarisme »), mais nous avons aussi et surtout une volonté libre, qui témoigne de notre ouverture à la Transcendance.


J'ai moi-même bien du mal a m'y retrouver :(
En effet, il me semble que les animaux peuvent aussi avoir la conscience de soi, la reflexion, l'amour et le vouloir librement.

L’animal a sensation de soi, mais pas conscience de soi ni de réflexion. « Il sait, mais il ne sait pas qu’il sait » comme disait Feuerbach. Con-science signifie être présent à soi dans l’acte de science (savoir, ou savoir faire, ou action). « Ré-flexion » signifie la capacité de revenir sur son acte de pensée. L’animal n’a pas ce recul par rapport à son agir : il n’a que son instinct, l’expérience et l’habitude ; il n’a dès lors pas non plus de liberté. Quant à l’amour, l’animal a bien sûr l’amour de convoitise qui le pousse à chercher ce qui est bon pour lui : le chat aime la souris, qui de son côté hait le chat. Mais ces passions de l’âme n’ont aucune connotation éthique : ce sont de simples réflexes. Par contre lorsque l’homme cherche non plus son propre bien, mais le bien de l’autre, et gratuitement, nous pouvons parler d’un amour spirituel, qui transcende les simples besoins immédiats de l’individu.

Avec la création artistique, il paraît qu'il y ait là quelque chose de spécifique à l'homme. Mais est-ce l'oeuvre de son âme ou celle de son intelligence plus puissante ?


L’âme rationnelle se caractérise par sa capacité à poser des actes dans lesquels elle tente d’incarner le sens qu’elle entend donner à sa vie. L’ensemble de ces réalisations est précisément ce qu’on définit comme la « culture ». Or celle-ci est spécifiquement humaine. Le dauphin a un « ordinateur cérébral » plus puissant que l’homme : ses échanges avec ses congénères sont encore objet d’étude, tant ils sont complexes. Pourtant, il n’y a pas de « culture dauphine ». La culture n’est donc pas une affaire de puissance cérébrale, où nous devrions être largement dépassés en science, art, économie, politique, etc. par nos sympathiques dauphins.

N'est pas, in fine, dans la recherche et l'amour de Dieu qu'agit l'âme. Ne peut-on se contenter de l'identifier par ces actions, sans pouvoir mieux la définir ?
Aussi, en reprenant votre démarche, ne dois-je pas faire découvrir à ma filleule le rôle de l'âme, le grand "plus" de l'homme, qui serait la recherche et l'amour de Dieu, sans employer le terme "âme" dans les étapes précédentes ?


Indiscutablement, la gloire de l’âme rationnelle est de pouvoir chercher et trouver Dieu. De pressentir sa présence dans la nature, puis de le rencontrer en Jésus-Christ comme un « Tu » personnel qui l’invite à une relation d’amour. C’est bien là qu’il s’agit de la conduire, par le meilleur chemin : que l’Esprit Saint vous inspire !


Merci pour votre aide.

Cordialement,

Jean-Claude

Judith

Ame, Foi, Liberté

Message par Judith »

"Car c’est Dieu qui donne à chaque enfant, dès le sein de sa maman, cette âme tout à fait particulière qui lui permettra un jour de le chercher et de le trouver. Nous sommes sur terre précisément pour cela : chercher et trouver Dieu sur le chemin que nous ouvre Jésus."
Ce que vous affirmez, Père me rassure, en effet si la foi est la liberté de m'appuyer sur Dieu,sur sa force et sa fidélité, comment puis-je prendre cette liberté sans être "torpillée" par le doute et les résistances alors que la guérison spirituelle de l'être que je suis en est seulement à ses balbutiements. Ce que je voudrais que vous me disiez, Père, c'est que c'est bien le dessein de Dieu pour moi que de m'appuyer sur Lui et qu'il n'y a pas d'autre alternative, le mot liberté étrangement me dérange, peut-être parce que je l'interprète en relation avec la liberté dont j'ai été privée ... sans compter l'infidélité. Je vous remercie encore une fois d'éclairer mon âme qui crie vers Lui et que trop souvent encore je n'écoute pas compte tenu de la souffrance réelle éprouvée que je ne parviens pas encore à Lui offrir.

P. Joseph-Marie
Messages : 1327
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Message par P. Joseph-Marie »

Notre liberté est effectivement malade, parce que nous sommes marqués par les conséquences de ce péché des origines, dont la principale conséquence est d’avoir introduit la défiance dans notre cœur par rapport à Dieu. Dès lors nous louchons vers d’autres finalités que lui, parce que nous avons détourné le regard de celui qui nous offre d’avoir part à sa propre vie et à sa propre béatitude. La liberté est la capacité de choisir ce Dieu qui nous attire à lui et en qui nous trouverons le bonheur. Il nous a « destiné » à vivre de sa vie, mais nous n’y sommes pas « prédéterminés » : nous sommes libres de le choisir ou de le refuser. Et pour le choisir, je n’ai rien d’autre que son propre appel, qui me rejoint au fond de ma conscience, et auquel je suis invité à consentir : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ap 3, 20).

fraber

L'âme?

Message par fraber »

La distinction que vous faites entre âme végétative, sensorielle, rationnelle n'est plus employée par personne.
Cette différence radicale entre l'homme et l'animal parait aujourd'hui fort fragile. Vous oubliez volontairement ou non deux dimensions dont St Thomas ne se préoccupait pas: la dimension sociale qui nous permet de constater des similitudes fort intéressantes entre les chimpanzés vivant en groupes et les humains que nous sommes.
Certains travaux récents nous obligent aussi à admettre que les animaux rêvent comme nous et ont donc un inconscient dont le fonctionnement est fondamental dans toute création culturelle.
Il existe des rituels amoureux étonnants chez certains animaux qui précèdent les rapports sexuels. Etc...
Ce sujet est trop complexe pour le simplifier ici mais je pense que votre distinction n'est plus valide aujourd'hui et que nous ne pouvons plus nous en contenter en raison de sa simplicité.

P. Joseph-Marie
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Enregistré le : 5 sept. 2003

Message par P. Joseph-Marie »

Je ne serais pas aussi radical que vous quant à dire que l’analyse de Saint Thomas est obsolète en raison de sa trop grande simplicité. Je citais l’exemple de son analyse de l’âme pour souligner la différence essentielle entre les différents principes de vie. Cette distinction n’est pas employée par les biologistes, et pour cause : il s’agit d’une approche philosophique et non biologique. La différence spécifique de l’homme n’est « fragile » que pour une pensée réductionniste. La science est réductionniste par choix épistémologique légitime ; l’erreur réside dans l’identification de l’approche scientifique et philosophique. Cette erreur épistémologique est hélas très courante et conduit à une confusion très regrettable qui stérilise la pensée.
Pour ce qui est des ressemblances de comportement « social » entre l’homme est les primates supérieurs, elle n’est pas du tout étonnante pour une pensée scolastique : l’homme est un « animal rationnel », et Saint Thomas décrit les « passions de l’âme » comme des passions issues de notre dimension animale. La dynamique de groupe instinctive s’instaure spontanément là où la raison ne prévaut pas intentionnellement. Que les animaux rêvent était connu de Saint Thomas et si ma mémoire est bonne, Aristote l’avait déjà constaté ; encore une fois : rien d’étonnant à cela. L’âme sensitive de l’animal possède des facultés psychiques : il développe une pensée associative, mais (non réflexive) ; une imagination, une affectivité, une mémoire et même une volonté, sans pour autant manifester une liberté de choix. La spécificité de l’homme réside dans un enrichissement de ces facultés par une ouverture toute nouvelle sur la transcendance, qui donne accès à la pensée réflexive, la conscience de soi et la liberté.
Bref : il me semble que vous rejetez la distinction thomiste par ignorance de sa véritable ampleur : bien comprise, elle est loin d’avoir perdu sa pertinence aujourd’hui.

Invité

L'homme est un animal rationnel.

Message par Invité »

Mais qu'est-ce que c'est que cet amalgame qu'on fait ici entre l'homme et l'animal ?
Les animaux ne pensent pas, ils n'enchaînent pas les idées dans des jugements et les jugements dans des raisonnements selon les règles de la logique que je saches ! Et seul l'homme a la notion de l'être qui est l'objet formel qui détermine la nature de son intelligence ? Tout homme aussi primitif soit-il comprend spontanément sans explications ni définitions ce que le mot "être"veut dire mais allez donc essayer de faire comprendre à un animal ce que le mot "être" veut dire ...

Verrouillé