Livres deutéro-canoniques

Verrouillé
Hannah

Livres deutéro-canoniques

Message par Hannah »

Mon Père,

Pourquoi l'Église a-t-elle désigné les livres deutéro-canoniques comme divinement inspirés, alors que le canon juif les a rejetés, ainsi que saint Jérôme, saint Athanase et saint Augustin vers la fin de sa vie?

Je vous remercie.

P. Joseph-Marie
Messages : 1327
Enregistré le : 5 sept. 2003

Message par P. Joseph-Marie »

La réponse fait l’objet de tout un chapitre du cours de théologie fondamentale. Pour faire bref disons qu’au Concile de Jamnia (vers 90-100), les pharisiens n’ont gardé que les écrits en langue hébraïque. Après la destruction de Jérusalem et la dispersion de la communauté juive, il s’agissait d’un repli identitaire tout à fait compréhensible.
Remarquons cependant que les juifs hellénistes regroupés autour d’Alexandrie, lisaient les Ecritures dans la version grecque faite à leur intention ; or la Septante renfermait en plus des livres du canon juif, tous ceux qui sont appelés deutérocanoniques, parmi lesquels deux au moins – Sag et 2 Mac – ont été composés en grec.
Il n’y avait donc pas d’unanimité au sein de la communauté juive sur les deutérocanoniques.
Dans la pratique les apôtres et bon nombre d’écrivains néotestamentaries ont fait usage de la Bible grecque, sans marquer de différence entre livres du canon juif et livres deuterocanoniques autrement qu’en s’abstenant de citer ces derniers comme « Ecriture. » Citons : Saint Clément, Hermas, Saint Hyppolyte, Saint Irénée, Tertullien, Saint Cyprien, Clément d’Alexandrie, ea.
En Orient cependant on ne pouvait se référer, dans les discussions avec les juifs qu’aux seules Ecritures reconnues par leur canon ; aussi Saint Justin, Saint Méliton, Origène, Eusèbe de Césarée, Saint Athanase, Saint Cyrille de Jérusalem, Saint Epiphane, Saint Grégoire de Nazianze, Saint Jérôme demeurent tous fidèles au canon hébreu.
Les autres livres sont déclarés « utiles pour l’instruction des catéchumènes » mais ne viennent qu’au second rang et ne sauraient être utilisés comme preuve dans les exposés dogmatiques parce qu’ils ne sont pas inspirés – non sunt in canone dira Saint Jérôme.
Les canons 59 et 60 du concile de Laodicée en Phrygie (vers 363) prescrivent de ne lire que les livres canoniques, c'est-à-dire les livres de la Bible hébraïque.
Il est d’autant plus remarquable qu’à la même époque, l’Occident déclare les deutérocanoniques comme livres canoniques : ainsi Saint Ambroise, Augustin, les conciles d’Hippone (393) et de Carthage (397-419), le décret de Gélase attribué à Damase, la lettre du pape Innocent Ier à Exupère de Toulouse en 405.
En fait à dater de Saint Augustin, le canon apparaît fixé tel que l’Eglise devait le définir officiellement au concile de Trente. (Je n’ai pas connaissance d’une soi-disant rétractation tardive de Saint Augustin !)
Les Grecs en effet se rangèrent peu à peu aux vues des Occidentaux.
En 692, le concile in Trullo adopta pour les Eglises de l’empire byzantin le canon scripturaire de l’Eglise latine, tel que l’avait promulgué en 419 le 4ème concile de Carthage.
Même si en Occident, du 5ème au 16ème siècle, certains docteurs, influencés par les déclarations de Saint Jérôme, se refuseront à regarder les deutérocanoniques comme égaux aux autres du point de vue de la canonicité, cependant ils les utiliseront cependant dans les enseignements et dans la liturgie.
La croyance générale dans l’inspiration des deutérocanoniques fut confirmée officiellement par le papa Eugène IV dans le Decretum pro Jacobitis promulgué au concile de Florence (Bulle Cantate Domino du 4 février 1441).
En 1546, le concile de Trente répondit aux négations des Réformateurs relatives aux deutérocanoniques et à leur doctrine touchant le critère de canonicité.
Dès le début de la session, le légat pontifical Del Monte posa bien le problème : « Avant tout, il nous faut recevoir les livres canoniques de la Sainte Ecriture, afin qu’ils soient le fondement de ce à quoi le Concile se consacrera par la suite : ainsi saurons-nous par quelles autorités sont renforcés les dogmes et repoussées les erreurs des hérétiques. »

Les Pères jugèrent qu’il n’y avait pas à reprendre une question déjà tranchée au Concile de Florence (1442), et définirent le canon dans le décret De canonicis Scripturis et proclama vérité de foi catholique l’inspiration de tous les écrits canoniques :
« Voyant clairement que cette vérité salutaire et cette règle morale sont contenues dans les livres écrits et dans les traditions non écrites qui, reçues par les Apôtres de la bouche même du Christ ou transmises comme de main en main par les Apôtres, sous la dictée de l’Esprit Saint, sont parvenues jusqu’à nous, le Saint concile, suivant l’exemple des Pères orthodoxes, reçoit et vénère avec le même sentiment de piété et le même respect tous les livres, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, puisque Dieu est l’unique auteur de l’un et de l’autre, ainsi que les traditions concernant soit la foi soit les meurs, comme venant de la bouche même du Christ ou dictées par le Saint Esprit et conservées dans l’Eglise catholique par une succession continue. » (Décret sur la réception des livres sacrés et des traditions (4ème session, 8 avril 1546) ; DzS 1501 ; FC 149)

Verrouillé