Le péché et la mort

Verrouillé
Régis

Le péché et la mort

Message par Régis »

Nous aimons dire que Marie, conçue sans péché, ne peut connaître la mort ; aussi, elle sera élevée dans les cieux ( assomption).
Comment expliquer ce lien entre péché et mort, alors que l’on sait que le ‘premier homme’ n’a pu être l’auteur du péché originel, du fait de ‘ l’évolution’ … Et, que dire de Jésus, qui – lui - est bien mort, même s’il est ressuscité… ?

P. Joseph-Marie
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Message par P. Joseph-Marie »

Désolé de vous contredire, mais il est de foi que le premier homme a bel et bien péché, c'est-à-dire commis une faute personnelle qui a compromis sa relation à Dieu. Ce péché originel a été transmis non pas biologiquement, « ni par imitation, mais par propagation » (concile de Trente) à toute l’humanité. Le fait de souffrir et de mourir est lié au triste état de notre « nature déchue ». Marie ayant été protégée des conséquences du péché originel, ne connut pas la corruption, mais fut emportée au ciel corps et âme.
Quant à Jésus, s’il est descendu dans la mort, c’est précisément pour y déverser sa vie divine, cette vie que nous avions perdue suite au péché. C’est pourquoi nous croyons qu’au-delà de la mort, nous vivrons de la vie même de Dieu. Cette vie nouvelle nous est d’ailleurs déjà communiquée dès à présent dans les sacrements, à commencer par le baptême.

bertrand

la mort, naturelle, ou la conséquence du péché?

Message par bertrand »

L'homme est une créature de naissance récente, environ trois millions d'années selon les hypothèses récentes. Les dinosaures ont vêcu durant 150 millions d'années et 50 millions d'années avant l'homme. Parmi ces animaux gigantesques, certains étaient des machines à tuer. La souffrance, la mort faisaient déjà partie inhérente de la vie. Pourquoi dites vous que la mort est entré dans l'homme par le péché du premier couple? Est ce qu'il faut penser que Dieu nous avait créés immortels sur une terre où les animaux étaient mortels?
Quel est donc ce péché abominable qui nous a valu un châtiment aussi terrible, puisqu'il a touché, touche et touchera toutes les générations jusqu'à la fin des temps?
On a du mal à imaginer l'homme préhistorique défier Dieu et lui voler sa puissance.

P. Joseph-Marie
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Message par P. Joseph-Marie »

Votre question est tout à fait pertinente et pose un réel problème. J’avoue cependant que c’est un peu pénible de réaborder pour la troisième fois au moins, la même question sur le même forum ! Je serai donc bref et probablement imprécis par lassitude ; mais il y a un moteur de recherche pour aller plus loin.
Le premier homme que découvre la paléontologie, apparaît de fait dans un monde déjà marqué par la souffrance et la mort. De plus on peut se poser la question s’il était capable d’assumer le poids de la responsabilité de ses actes. A cette seconde question, la réponse semble bien être positive. Mais il reste la première.
Une théorie qui me séduit assez – et attestée par un certain nombre de Pères de l’Eglise - consiste à dire que le péché ne s’est pas réalisé dans le monde tel que nous le voyons, mais dans le monde originel ; qui s’est précisément dégradé suite au péché, pour nous apparaître tel que nous le voyons.
De ce monde originel, sorti des mains de Dieu, nous n’avons plus aucune trace, tant il est vrai que c’est le cosmos tout entier qui a été affecté par la chute de celui qui devait en être le prophète, le prêtre et le roi. Les paléontologues n’ont toujours accès qu’au monde déchu, dans lequel règne effectivement la violence et la mort, conséquences du péché des origines dans le monde originel. Que l’homme ne soit pas immédiatement apparu dans ce monde déchu n’est pas vraiment un problème, car la temporalité du monde originel n’avait probablement rien à voir avec la nôtre.
Quant au fait que tout le cosmos soit affecté par le péché de l’homme, il me semble que c’est une doctrine sûre : le péché de l’homme est certes enraciné dans sa dimension spirituelle, mais en raison de l’unité de la personne, celle-ci en est affectée jusque dans son corps. Il est dès lors impossible que cet homme marqué dans sa chair vive au cœur d’un monde primordial dont la densité ontologique serait différente. En tant que responsable de tout l’ordre créée, l’homme a donc entraîné dans sa chute toute la création, qui attend désormais de lui la rédemption, comme le confirme Saint Paul : « La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu : si elle fut assujettie à la vanité - non qu'elle l'eût voulu, mais à cause de celui qui l'y a soumise - c'est avec l'espérance d'être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons en effet, toute la création jusqu'à ce jour gémit en travail d'enfantement » (Rm 8, 19-22).

Régis

Le péché du monde

Message par Régis »

J’ai trouvé ce texte de Filipe De Oliveira qui reprend bien cette problématique…
" La notion de péché originel est aujourd’hui difficile à comprendre parce qu’elle a été ébauchée et développée dans un temps et une culture qui ne sont plus les nôtres. Les théologiens distinguent désormais clairement le péché d’Adam comme personne historique, et le péché d’Adam compris comme péché de l’humanité. Adam n’ayant certainement pas existé en tant qu’individu et patriarche de l’humanité, on ne peut plus accepter l’idée simpliste que sa désobéissance personnelle a entraîné la déchéance de toute l’humanité et la mort physique dans le monde. Comme le dit le dominicain Jean-Michel Maldamé :
" Augustin n'a pas de peine à l'inscrire dans une chronologie que sa lecture littérale de la Bible lui donne pour acquise avec certitude. Quelque quatre mille ans avant Jésus-Christ, le premier homme et la première femme ont désobéi à Dieu. Ils ont été chassés du premier jardin devenu depuis lors inaccessible. Leur faute a blessé la nature qui a été transmise aux générations issues d'eux. La désobéissance a eu lieu tout aussitôt la première création. Aussi elle a été précédée par un état de vie parfaite où la mort n'existait pas. La mort est venue ensuite, comme conséquence du péché et comme retentissement sur toute la création qui de ce jour est devenue mortelle et où le conflit est devenu la règle. Il apparaît aujourd'hui que cette chronologie n'est pas satisfaisante et n'a pas de sens. D'une part, l'histoire de la terre s'étend sur quatre milliards et demi d'années ! D'autre part, la vie est apparue dans ses formes élémentaires voici quelque trois milliards d'années et dans ses formes les plus évoluées voici quelques millions d'années. Or la vie implique la mortalité et il ne saurait y avoir d'espèce sans processus de mort de ses membres malades ou âgés. (…) La mort fait partie de la vie. La mort est une fonction biologique qui ne saurait être la conséquence d'une faute. A supposer qu'Adam n'ait vécu que quelques heures avant la première faute, même s'il n'avait pas tué pour vivre, il aurait vécu au dépens des organismes qui lui permettaient de vivre. (…) Il faut reconnaître que la mort biologique n'est pas apparue avec le péché. Ceci vaut aussi dans le genre homo. Les primates ont connu la mort avant d'avoir une vie spirituelle où la notion de péché prend sens. On peut dire que pour l'homme la mort est devenue dramatique et douloureuse, alors qu'elle aurait dû être un passage serein vers Dieu. Le scénario construit par Augustin, devenu classique par la suite dans la pensée occidentale, ne peut donc être repris comme tel. " (1)
" Comme les autres hommes, Adam a eu en son cœur les deux penchants vers le bien et vers le mal. Il n'est pas à l'origine du péché ; celle-ci est dans la nature en vertu de la création. Adam transmet le penchant mauvais, cause de sa faute et non pas en conséquence de sa faute. (1)
Par contre, l’idée que l’homme naît dans un monde brutal et pécheur, qu’il est lui-même dès l’origine limité dans le don et l’amour, qu’il est marqué par les structures mentales et sociales de son milieu, se trouve dans la notion de "péché du monde". Le péché du monde, c’est le péché de l’humanité qui se détourne de Dieu et qui vit sans référence à lui. L’aspect collectif est important mais ne nie pas l’aspect individuel du péché.
" La notion de péché du monde permet de dire pourquoi l'homme est marqué par le péché qu'il n'a pas commis personnellement. Il en hérite en venant au monde. Cette notion est différente de celle de péché originel. La notion de péché du monde fait du nouveau-né une victime, tandis que celle de péché originel fait du nouveau-né un coupable. " (1)

(1) Jean-Michel Maldamé, "Péché originel, péché d'Adam et péché du monde", texte sur Internet "

P. Joseph-Marie
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Message par P. Joseph-Marie »

Je suis désolé de signifier mon désaccord avec un théologien de la qualité du Père Maldamé, sur cette question du péché originel. Car à toutes les spéculations humaines, je préfère l’obéissance au dogme, qui me demande de croire que nos premiers parents ont bel et bien commis un péché dont je porte les conséquences dans ma nature :
« Le récit de la chute ( Gn 3 ) utilise un langage imagé, mais il affirme un événement primordial, un fait qui a eu lieu au commencement de l'histoire de l'homme (cf. GS 13 ). La Révélation nous donne la certitude de foi que toute l'histoire humaine est marquée par la faute originelle librement commise par nos premiers parents (cf. Cc. Trente: DS 1513 Pie XII: DS 3897 Paul VI, discours 11 juillet 1966) » (Catéchisme de l’Eglise Catholique, CEC n°390)

Je vous rappelle que le Magistère a souligné à plusieurs reprises le caractère insuffisant de la notion de péché du monde. En tout cas, opposer le péché du monde au péché originel en disant que le premier fait du nouveau-né une victime tandis que le second en ferait un coupable est franchement inacceptable, car jamais au grand jamais l’Eglise n’a prétendu que l’enfant naissait avec un péché personnel ! C’est confondre grossièrement le « péché originant » et le « péché originé », pour utiliser une traduction peu élégante du latin du Concile de Trente.
« Tous les hommes sont impliqués dans le péché d'Adam, comme tous sont impliqués dans la justice du Christ. Cependant, la transmission du péché originel est un mystère que nous ne pouvons pas comprendre pleinement. Mais nous savons par la Révélation qu'Adam avait reçu la sainteté et la justice originelles non pas pour lui seul, mais pour toute la nature humaine : en cédant au tentateur, Adam et Eve commettent un péché personnel, mais ce péché affecte la nature humaine qu'ils vont transmettre dans un état déchu (cf. Cc. Trente: DS 1511-1512 ). C'est un péché qui sera transmis par propagation à toute l'humanité, c'est-à-dire par la transmission d'une nature humaine privée de la sainteté et de la justice originelles. Et c'est pourquoi le péché originel est appelé "péché" de façon analogique : c'est un péché "contracté" et non pas "commis", un état et non pas un acte.
Quoique propre à chacun (cf. Cc. Trente: DS 1513 ), le péché originel n'a, en aucun descendant d'Adam, un caractère de faute personnelle. C'est la privation de la sainteté et de la justice originelles, mais la nature humaine n'est pas totalement corrompue: elle est blessée dans ses propres forces naturelles, soumise à l'ignorance, à la souffrance et à l'empire de la mort, et inclinée au péché (cette inclination au mal est appelée "concupiscence"). Le Baptême, en donnant la vie de la grâce du Christ, efface le péché originel et retourne l'homme vers Dieu, mais les conséquences pour la nature, affaiblie et inclinée au mal, persistent dans l'homme et l'appellent au combat spirituel » (CEC n°404-405)

Il est tout aussi inacceptable de dire qu’Adam serait sorti des mains de Dieu avec un « penchant mauvais », cause de sa faute comme de la nôtre. Ce penchant mauvais est le signe d’une liberté malade, conséquence du péché des origines ; la liberté originelle consistait dans la capacité à choisir le bien sans y être cependant déterminé :
« L'homme, tenté par le diable, a laissé mourir dans son coeur la confiance envers son créateur (cf. Gn 3,1-11 ) et, en abusant de sa liberté, a désobéi au commandement de Dieu. C'est en cela qu'a consisté le premier péché de l'homme (cf. Rm 5,19 ). Tout péché, par la suite, sera une désobéissance à Dieu et un manque de confiance en sa bonté » (CEC n°397).

Il est également de foi que sans le péché, l’homme n’aurait pas du souffrir ni mourir, mais que la souffrance et la mort sont entrés dans le monde comme une conséquence du péché des origines :
« L'Eglise, en interprétant de manière authentique le symbolisme du langage biblique à la lumière du Nouveau Testament et de la Tradition, enseigne que nos premiers parents Adam et Eve ont été constitué dans un état "de sainteté et de justice originelle" (Cc. Trente: DS 1511 ). Cette grâce de la sainteté originelle était une "participation à la vie divine" ( LG 2 ).
Par le rayonnement de cette grâce toutes les dimensions de la vie de l'homme étaient confortées. Tant qu'il demeurait dans l'intimité divine, l'homme ne devait ni mourir (cf. Gn 2,17; Gn 3,19 ), ni souffrir (cf. Gn 3,16 ). L'harmonie intérieure de la personne humaine, l'harmonie entre l'homme et la femme (cf. Gn 2,25 ), enfin l'harmonie entre le premier couple et toute la création constituait l'état appelé "justice originelle" » (CEC n°375-376).

Il me semble que l’erreur du Père Maldamé – et de bien d’autres avec lui – consiste à vouloir absolument concilier le dogme avec les données actuelles de la paléontologie, elle même tributaire, dans ses interprétations, d’une théorie de l’évolution… en évolution continue. Pour y arriver, il choisit de sacrifier certaines vérités essentielles de notre foi. Il me semble qu’une telle compromission ne relève plus de l’épistémologie de la théologie. Elle serait éventuellement licite en philosophie, mais pas dans une discipline qui reconnaît l’autorité divine de la Parole, de la Tradition et de l’interprétation normative du Magistère.
Je termine en citant Pascal :
« Si l’homme n’avait jamais été corrompu, il jouirait dans son innocence et de la vérité et de la félicité avec assurance. Et si l’homme n’avait jamais été que corrompu, il n’aurait aucune idée ne de la vérité ni de la béatitude. Mais, malheureux que nous sommes, et plus que s’il n’y avait point de grandeur dans notre condition, nous avons une idée du bonheur et n e pouvons y arriver. Nous sentons une image de la vérité, et ne possédons que le mensonge, incapables d’ignorer absolument et de savoir certainement, tant il est manifeste que nous avons été dans un degré de perfection dont nous sommes malheureusement déchus ! Certainement, rien ne nous heurte plus rudement que cette doctrine. Et cependant, sans ce mystère, le plus incompréhensible de tous, nous sommes incompréhensibles à nous-même. Le nœud de notre condition prend ses replis et ses tours dans cet abîme, de sorte que l’homme est plus inconcevable sans ce mystère que ce mystère n’est in concevable à l’homme » (Pensées, n°434).

Régis

Message par Régis »

Je vous remercie vraiment pour le temps que vous prenez à me répondre… Plutôt que retourner un tel problème dans tous les sens de ma raison ; je préfère, après en avoir usé au mieux de mes possibilités, rechercher le sens spirituel … Là, n’est-il pas important de retenir que l’humain ( homme et femme) a vocation de participer à la vie divine comme.. il l’a été et le sera ( quelle est la place du temps dans l’éternité… ?).. Que la mort appartient à ce monde, mais… qu’il y a plus que ce monde. Notre foi, notre confiance vont au-delà de nos connaissances…. Et celles-ci, nous permettent, au mieux, de modéliser une réalité (inconnaissable ) au plus proche de la Vérité…
Régis.

Verrouillé