Devoir de mémoire

[René]

Le 28 février 1747, la bulle Postremo mense superioris anni du pape Benoît XIV stipule qu'un enfant juif baptisé, même de force, doit être enlevé à ses parents et placé dans une famille catholique. Cette bulle entérine le Corpus juris canonici du concile de Tolède de 633, qui fut longtemps discuté.

C'est sur la base de cette jurisprudence que fut enlevé le 23 juin 1858 à Bologne l'enfant de six ans Edgardo Mortara, afin d'être élevé dans la foi catholique après son baptême secret par Anna Monsi. Comme le dit l'un des trois carabiniers pontificaux : "Monsieur Mortara, je suis au regret de vous signifier que vous avec été victime d'une trahison : votre fils a été baptisé, j'ai ordre de l'emmener". Toute la famille demanda à genoux et en vain de ne point enlever Edgardo.

Malgré les suppliques des parents, le pape Pie IX répondit toujours "non possumus".

Père Joseph-Marie, vous qui défendez les valeurs les plus hautes de la famille, comment pourriez-vous dire à un père ou à une mère qu'il ne reverra jamais son enfant ? Vous qui combattez les sectes, celles qui enlèvent des enfants et les instruisent de leurs enseignements délétères, comment pourriez-vous accepter un tel événement ?

Pourtant par la béatification du pape Pie IX, l'Eglise veut nous donner en exemple sa vie.
A vous donc, Père Joseph-Marie, merci de me dire comment je puis accepter cet exemple sans trahir les valeurs même que le Magistère enseigne ?

[P.Joseph-Marie]

Loin de moi de défendre l’indéfendable. Si les événements se sont passés tel que vous le dites – ce qui reste à vérifier, car il est facile de distordre les faits pour en faire de redoutables accusateurs – il ne saurait être question de tenter de les justifier, pas plus que je ne tenterai de justifier les croisades. Et pourtant Saint Bernard a mis tout le poids de son autorité dans cette entreprise et a prêché la guerre sainte… Je suis sûr qu’il croyait agir comme il convient : pour délivrer le tombeau du Christ, comme Pie IX a peut-être voulu protéger la vie de la grâce dans cet enfant. Certes ces arguments nous semblent aujourd’hui trop « courts », et même choquants ; mais je serai curieux de découvrir ce que penseront de nous les générations à venir : quel jugement poseront-ils sur des comportements qui nous semblent aujourd’hui tout à fait justifiables ?