Yoga(encore!)

Verrouillé
Pierre

Yoga(encore!)

Message par Pierre »

Bonjour,

1. Je sais que plusieurs messages parlent du yoga, mais j'avais encore quelques questions à ce sujet. Le but ultime du yoga est me semble-t-il le samadhi, un état de non-dualité, où il n'y a plus de séparation entre l'objet et le sujet. Quelles sont les ressemblances avec le nirvana bouddhiste ?
2. Je me rappelle une phrase des Évangiles qui dit : "Que tous soi un, comme toi et moi et moi père nous sommes un." Je ne sais pas la citation exacte, alors je la donne de mémoire. Je sais que certains yogis se servent de cette phrase pour affirmer que le Christ était en état de Samadhi perpétuel ou quelque chose du genre. Qu'en pensez-vous ?

3. Pour atteindre le samadhi, après les asanes, nous sommes supposés passer au pranayama, retrait des sens, concentration et méditation. Quel est l'effet des asanas chez quelqu'un qui se contente d'uniquement de cette pratique ?

4. Vous dites à quelle reprise que le yoga est une mystique naturaliste. D'après ce que j'en connais, je serais d'accord avec vous, mais j'ai une interrogation par rapport à la place qu'on accorde à Dieu dans la foi chrétienne. Je me rappelle un passage des Confessions de St-Augustin qui dit quelque chose comme "Où es-tu mon Dieu ? Puisque tu as tout créé es-tu dans tout? Comment peux-tu venir en moi? Est-ce qu'il y a une place en moi pour toi?" Encore une fois, je ne connais pas la citation exacte, mais l'idée principale est que c'est St-Augustin qui se questionne sur la place de Dieu dans l'univers. Je crois que dans un univers hindouiste, Dieu est la nature, dans le sens que Dieu est dans tout. Mais je me rappelle également une phrase de St-thérèse de l'enfant Jésus qui affirme que Dieu est dans ses chaudrons quand elle fait la vaisselle. Donc, je me questionnais pour savoir la place qu'occupe Dieu dans la religion chrétienne. Est-ce qu'il est partout ? Est-il dans toute chose ? Il est cependant conçu comme une personne! J'apprécierais d'avoir des précisions.

P. Joseph-Marie
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Enregistré le : lun. 29 sept. 2003 13:16

Message par P. Joseph-Marie »

1- Fondamentalement, l’hindouisme et le bouddhisme visent à la même expérience d’illumination ; seuls les chemins diffèrent – et encore : pas tellement qu’on voudrait parfois le faire croire. Le samadhi, satori, moksha et autre nirvana désignent la même expérience dans des traditions différentes mais très proches.
2- L’argument est facile mais ne résiste pas à une lecture du verset dans le contexte de l’Evangile de Jean dont il est tiré. Jésus affirme effectivement son unité avec son Père, mais dans la distinction des Personnes. Le Père et le Fils communient dans la même vie divine, le Père engendrant son Fils dans le don de toute sa substance (divine), et le Fils refluant vers lui dans le don réciproque de cette même substance divine. Ils partagent donc l’unique substance divine (nous croyons en un seul Dieu), mais précisément le partage implique que la distinction des Personnes soit maintenue. Saint Augustin définissait les Personnes divines comme des « relations subsistantes ». Je n’ai pas parlé de l’Esprit, qui est précisément l’acte d’amour réciproque qui unit les Personnes du Père et du Fils ; il « est » le don réciproque de la substance divine entre eux. Et comme cet acte implique toute la substance, l’Esprit procède du Père et du Fils dont il partage l’unique divinité. Il est donc impossible d’interpréter les paroles de Jésus en termes d’advaita (non dualité).
3- Les asanas sont efficaces, même en l’absence des exercices ultérieurs. Certes ceux-ci accélèrent le processus d’ouverture des chakras et de libération de la kundalini, mais même les asanas peuvent y conduire.
4- Il y a deux modes de présence de Dieu à la création. Le premier est ce qu’on appelle en théologie la « présence d’immensité ». Il s’agit de la présence par laquelle le Créateur donne « la vie, le mouvement et l’être » à tout ce qui existe. Il ne s’agit pas d’une présence personnelle, mais simplement de la présence efficace de la Cause première qui maintient la créature dans l’existence. Il est clair que le Créateur ne se confond en rien avec sa créature dont il est séparé par un abîme ontologique. Ce qui ne l’empêche pas de lui donner l’être par la puissance de son Verbe créateur. Mais Dieu réserve à l’homme une autre forme de présence, à savoir la présence personnelle. Il nous a créés à son image, conscients et libres, précisément pour que nous puissions entrer en dialogue avec lui, accueillir le dessein d’amour qu’il nous propose, et trouver en lui notre béatitude. Si l’homme consent à cette proposition et accepte d’entrer en dialogue avec son Dieu, celui-ci se propose de le surélever jusqu’à lui afin qu’une communion d’amour soit possible sur base d’une certaine transformation de notre nature créée, rendue participante à la nature divine incréée. Je viens de citer 2P1,4. C’est ce qu’on appelle la grâce transformante ou sanctifiante, qui fait de nous des fils de Dieu par adoption, unis au Fils unique par nature. Dieu s’est fait homme, disent les Pères de l’Eglise, afin que l’homme puisse accéder à la nature divine. Ce qui ne signifie pas que nous devenions Dieu, mais que nous sommes progressivement transformés en lui par la grâce. Saint Bernard prenait la comparaison de l’épée plongée dans le feu, qui après un certain temps semble être devenue elle-même du feu ; mais il suffit de la retirer de la flamme pour vérifier qu’elle est demeurée du métal. Ainsi notre nature humaine deviendra incandescente de l’amour divin dans l’Esprit Saint, sans pour autant cesser d’être une nature créée.

Mathilde Schindler
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Message par Mathilde Schindler »

Je ne suis pas sure du tout que ma question soit pertinente et à la bonne place, ms en lisant votre réponse, une phrase que j'ai souvent entendue dans mon adolescence, en aumônerie...etc. m'est revenue :
"Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu"...
C'est phrase me choquait car justement, il me semblait qu'il y avait un abîme entre le Créateur et sa créature...
Mais si je comprends bien votre réponse (point 4 !), la phrase que je cite est en fait une distorsion de celle que vous citez:"Dieu s’est fait homme, disent les Pères de l’Eglise, afin que l’homme puisse accéder à la nature divine."

Nous ne deviendrons pas des dieux, mais nous deviendrons brûlant de l'amour de Dieu.. c'est à dire finalement, être saint ? C'est aussi ça que veut dire "participer à la nature divine incréée" ?
Je veux bien que vous expliquiez un peu plus cela... je ne suis pas sure de comprendre totalement :oops: Merci !!!

P. Joseph-Marie
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Message par P. Joseph-Marie »

Je suis sûr que vous comprenez très bien ; en tout cas votre explication est tout à fait juste. Je n’ai rien à rajouter. L’expression un peu provocante prise hors de son contexte est assez courante chez les Pères, mais jamais au grand jamais au sens d’une identification de l’homme avec Dieu. Les Pères sont trop attentifs aux dérives gnostiques pour courir des risques !
A chaque Eucharistie, le prêtre au moment de laisser tomber une goutte d’eau dans le calice, dit : « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous participer à la divinité de celui qui a pris notre humanité ».

Louis

abîme ontologique

Message par Louis »

Il est clair que le Créateur ne se confond en rien avec sa créature dont il est séparé par un abîme ontologique.


Bonjour
Ben justement ce n'est pas clair du tout! :?
Qu'est-ce que cet abîme ontologique?
L'ontologie n'est-elle pas la connaissance de Dieu, directe et immédiate, et naturelle à l'homme?
Et qui peut affirmer et confirmer cette séparation ou cette fusion avec le créateur à part le saint lui-même!? :wink:

P. Joseph-Marie
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Message par P. Joseph-Marie »

Je ne suis pas sûr de comprendre votre définition de l’ontologie, par contre je suis tout à fait d’accord avec vous sur le dernier point : c’est bien par la Révélation que nous « savons » que Dieu est le tout autre transcendant. Avec cette affirmation de la transcendance absolue du Créateur, qui ne saurait se confondre avec les divinités des cultes du Baal, c'est-à-dire avec les forces de la nature, nous touchons l’apport le plus original de la révélation juive par rapport aux traditions naturalistes de l’époque. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de multiplier les citations affirmant cette transcendance : depuis le récit de la genèse, jusqu’à l’affirmation au livre des Maccabées de la création « ex nihilo », nous trouvons dans les Ecritures un constant approfondissement de cette enseignement révélé.

Louis

ontologie

Message par Louis »

Pouvez-vous me donner votre définition de l'ontologie?
Et il y a-t-il dans les évangiles des paroles de Jésus explicitant cet abîme ontologique?
Merci pour votre réponse

Verrouillé