Cette vision est spécifiquement judéo-chrétienne, maintenant à la fois l’immanence de l’homme dans notre monde matériel par son corps, et la transcendance de son esprit. « Entre les deux », l’âme ou encore la dimension psychique, fait le lien entre le niveau somatique et le niveau spirituel à proprement parler.
Saint Thomas souligne que l’animal aussi possède une âme, qu’il dispose de facultés psychiques : un chien à de l’affectivité, de la mémoire, de l’imagination (il suffit de le voir rêver pour s’en rendre compte), de la volonté, et une intelligence associative qui lui permet de donner des réponses adaptées au stimuli qu’il reçoit par ses cinq sens. Mais il n’a pas d’intelligence réflexive, il sait, mais il ne sait pas qu’il sait ; il ne peut pas revenir sur son activité intellectuelle pour l’évaluer. Par le fait même, il n’a pas de liberté, mais répond aux exigences des passions instinctives de son âme.
L’homme possède lui aussi cette âme « inférieure », liée au corps ; mais il possède aussi une âme supérieure, spirituelle. Ou plutôt : son âme unique présente une partie inférieure liée au corps, et une partie supérieure spirituelle : une intelligence spirituelle qui lui permet d’évaluer ses actions en fonction d’une échelle de valeurs morales ; une volonté spirituelle qui lui permet de choisir de donner sa vie pour une noble cause ; et donc une liberté qui lui donne la responsabilité de ses actes et lui permet de faire des œuvres méritoires.
Cette âme spirituelle n’est pas encore l’esprit à proprement parler, mais disons la partie supérieure de l’âme qui est éclairée par l’esprit. Quant à l’esprit, je crois que la meilleure définition est encore : notre capacité à entrer en relation avec Dieu. Saint Augustin dit admirablement que l’homme est créé « capax Dei », capable de Dieu, c'est-à-dire capable d’entrer en dialogue, en relation interpersonnelle avec Dieu, et dès lors de le connaître et de l’aimer. Pour rester plus proche de l’image biblique de la Genèse, nous pourrions dire que l’esprit est la capacité en nous de recevoir le Souffle de Dieu (son Ruah ou son Esprit Saint).
Tout le « programme » ascétique consiste non pas à nier ou neutraliser le corps, mais à laisser l’esprit reprendre l’hégémonie sur l’ensemble de notre être, afin qu’il puisse transmettre la volonté de Dieu à l’âme, qui l’accomplit (l’incarne) par le biais du corps. L’homme réalise alors sa vocation de « pontifex » de la nature : il lui revient en effet de jeter un pont entre la matière et l’esprit, permettant ainsi à Dieu par son intermédiaire de spiritualiser la matière (à commencer par le corps) afin qu’elle participe elle aussi à la gloire divine.
Tai chi
Je vous remercie de votre réponse qui marque l'originalité de la relation Dieu-homme telle qu'elle nous est révélée dans la Bible et en Jésus-Christ.
Est ce saint Thomas ou vous qui avez trouvé l'image du chien qui rève ? Ce que je trouve merveilleux chez les animaux, c'est qu'en l'absence de liberté, ils sont toujours parfaitement accordés à ce qu'ils sont.
Je vous avais aussi demandé si la possibilité d'une communion totale sans confusion n'est pas caractéristique du christianisme, que ce soit, toutes proportions gardées, à des degrés différents, dans la Trinité, dans le Corps mystique du Christ comme dans une chair ressuscitée qui ne sera plus limite ou écran mais possibilité de communication entre les personnes ou entre les hommes et Dieu.
Job Chap. 19 "Pour moi, je sais que mon Rédempteur est vivant, qu'à la fin il se lèvera sur la terre. Après mon éveil, il me dressera près de lui et, de ma chair, je verrai Dieu. Je le verrai moi-même; mes yeux le verront, et non ceux d'un autre. Celui que je verrai sera pour moi, celui que mes yeux regarderont ne sera pas un étranger …"
Je n'ai pas trouvé grand-chose sur le site à ces sujets à part de façon assez éloignée un article de Monseigneur Rouet
http://www.final-age.net/?mnu=article&l ... eb660b26ba
Est ce que le rapprochement que je fais est complètement saugrenu ou a t il déjà été fait ? Y a t il une bibliographie sur le sujet ?
Merci d'avance
Marie
Est ce saint Thomas ou vous qui avez trouvé l'image du chien qui rève ? Ce que je trouve merveilleux chez les animaux, c'est qu'en l'absence de liberté, ils sont toujours parfaitement accordés à ce qu'ils sont.
Je vous avais aussi demandé si la possibilité d'une communion totale sans confusion n'est pas caractéristique du christianisme, que ce soit, toutes proportions gardées, à des degrés différents, dans la Trinité, dans le Corps mystique du Christ comme dans une chair ressuscitée qui ne sera plus limite ou écran mais possibilité de communication entre les personnes ou entre les hommes et Dieu.
Job Chap. 19 "Pour moi, je sais que mon Rédempteur est vivant, qu'à la fin il se lèvera sur la terre. Après mon éveil, il me dressera près de lui et, de ma chair, je verrai Dieu. Je le verrai moi-même; mes yeux le verront, et non ceux d'un autre. Celui que je verrai sera pour moi, celui que mes yeux regarderont ne sera pas un étranger …"
Je n'ai pas trouvé grand-chose sur le site à ces sujets à part de façon assez éloignée un article de Monseigneur Rouet
http://www.final-age.net/?mnu=article&l ... eb660b26ba
Est ce que le rapprochement que je fais est complètement saugrenu ou a t il déjà été fait ? Y a t il une bibliographie sur le sujet ?
Merci d'avance
Marie
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L’espérance eschatologique d’une communion totale sans confusion est effectivement spécifique au christianisme, puisqu’elle se fonde sur le mystère de l’union hypostatique. En Jésus-Christ, la nature divine et la nature humaine sont parfaitement unies dans la personne du Verbe, sans confusion entre les deux natures.
Ce mystère éclaire notre propre destinée de gloire : être totalement immergés dans la grâce divine, c'est-à-dire dans le Feu de l’Esprit Saint, jusqu’à en devenir incandescents (l’image est de Saint Bernard) et connaître Dieu « de l’intérieur », sans cesser pour autant d’être des créatures.
Le « voir » biblique dont parle Job est en effet équivalent au « connaître » biblique, dont Péguy disait déjà qu’il est un « naître à » la réalité divine ; ce qui est précisément l’œuvre de la grâce.
Il est certain que le corps transfiguré – ou corps spirituel – ne sera plus un obstacle à une pleine communion puisque lui aussi participera à la divinité dans laquelle il sera immergé.
Ce mystère éclaire notre propre destinée de gloire : être totalement immergés dans la grâce divine, c'est-à-dire dans le Feu de l’Esprit Saint, jusqu’à en devenir incandescents (l’image est de Saint Bernard) et connaître Dieu « de l’intérieur », sans cesser pour autant d’être des créatures.
Le « voir » biblique dont parle Job est en effet équivalent au « connaître » biblique, dont Péguy disait déjà qu’il est un « naître à » la réalité divine ; ce qui est précisément l’œuvre de la grâce.
Il est certain que le corps transfiguré – ou corps spirituel – ne sera plus un obstacle à une pleine communion puisque lui aussi participera à la divinité dans laquelle il sera immergé.
tai chi ?!
Sans plus guère de lien avec le tai chi, pouvez vous m'indiquer les liens , ressemblances, différences entre l'ascèse chrétienne et la pénitence (au sens du repentir et de la conversion comme de la "pratique pénible") ?
Merci d'avance
Marie
Merci d'avance
Marie
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Je ne prétends pas être exhaustif sur un sujet aussi vaste ! De manière très générale je dirai que la pénitence vise à réparer le tort que j’ai commis par mon péché. Tort qui m’atteint d’abord moi-même : le péché m’a blessé, et j’ai besoin de me soigner en renforçant la vertu contraire à l’écart que j’ai commis. Il s’agit de l’ « agere contra » de Saint Ignace de Loyola : si j’ai péché par gourmandise, ma pénitence consistera à jeûner de certains aliments afin de réparer le désordre causé par mes excès. La pénitence peut aussi consister à réparer le tort commis à autrui bien sûr.
Il faut ajouter que le péché est essentiellement une atteinte à ma relation avec Dieu ; la pénitence doit dès lors toujours être comprise comme un acte de charité visant à réparer un manque d’amour envers le Seigneur, même lorsqu’il s’agit d’une pénitence « médicinale » comme celle que nous avions pris en exemple. Car le but est de revenir dans la liberté de l’amour, c'est-à-dire dans la liberté filiale dans laquelle le Christ nous a restaurés au prix de son Sang.
L’ascèse est plus préventive que curative : elle consiste à combattre les tendances afin qu’elles ne passent pas à l’acte. Ainsi si j’ai un penchant pour la gourmandise, je n’attends pas d’avoir fait des excès pour réagir, mais je choisis comme ascèse de m’imposer une certaine sobriété.
L’ascèse consiste à s’imposer les restrictions nécessaires dans l’usage des biens de ce monde, afin de ne pas en faire des idoles et de ne pas en devenir dépendant. L’ascèse est donc elle aussi au service de notre liberté filiale.
Il faut ajouter que le péché est essentiellement une atteinte à ma relation avec Dieu ; la pénitence doit dès lors toujours être comprise comme un acte de charité visant à réparer un manque d’amour envers le Seigneur, même lorsqu’il s’agit d’une pénitence « médicinale » comme celle que nous avions pris en exemple. Car le but est de revenir dans la liberté de l’amour, c'est-à-dire dans la liberté filiale dans laquelle le Christ nous a restaurés au prix de son Sang.
L’ascèse est plus préventive que curative : elle consiste à combattre les tendances afin qu’elles ne passent pas à l’acte. Ainsi si j’ai un penchant pour la gourmandise, je n’attends pas d’avoir fait des excès pour réagir, mais je choisis comme ascèse de m’imposer une certaine sobriété.
L’ascèse consiste à s’imposer les restrictions nécessaires dans l’usage des biens de ce monde, afin de ne pas en faire des idoles et de ne pas en devenir dépendant. L’ascèse est donc elle aussi au service de notre liberté filiale.