Le Mal et la souffrance

Verrouillé
Nuage Blanc

Le Mal et la souffrance

Message par Nuage Blanc »

J'ai assez souvent l'occasion de discuter avec des personnes athées, qui donnent ce raisonnement pour justifier leur non croyance en Dieu : si l'on prétend que Dieu est infiniment bon, pourquoi permet-il que les hommes fassent le Mal, et pourquoi laisse-t-il souffrir des innocents ? Pourquoi la famine, la misère et les catastrophes naturelles ? Pourquoi l'enfant renversé par une voiture ?

J'ai du mal à leur répondre par un argument qui puisse les faire réfléchir, eux qui n'ont pas la foi et qui sont donc imperméables à certaines notions... Quelle serait la meilleure chose à leur dire ?

P. Joseph-Marie
Messages : 1010
Enregistré le : lun. 29 sept. 2003 13:16

Message par P. Joseph-Marie »

On ne peut pas prouver l’existence de Dieu pas plus qu’on ne peut prouver son inexistence. La croyance tout comme la non croyance sont des axiomatiques. Nous partons de l’axiome que Dieu existe et qu’il est bon. L’athée part de l’axiome qu’il n’y a pas de Dieu. Les deux partis vont ensuite donner des raisons de croire en l’existence ou en la non-existence de Dieu ; mais l’athée professe une croyance lui aussi.
Pour départager les belligérants, il faut donc que chacun évalue lequel des deux parvient le mieux à répondre aux défis de la vie et aux questions qui se posent sans cesse à nous.
L’argument de la souffrance – et surtout de la souffrance de l’innocent – est un argument classique contre le Dieu « bon » et contre Dieu tout court.
Je pourrais argumenter à partir de la Passion de Jésus, qui est venu habiter toute souffrance pour dire la solidarité de Dieu avec l’homme portant les conséquences du péché des origines. Dieu ne peut pas supprimer la souffrance qui est une conséquence d’un acte de liberté de l’homme, sans annihiler par le même coup la liberté elle-même. Aussi s’approche-t-il de nous par une autre voie, respectant notre liberté tout en nous invitant à le suivre sur le chemin de la vraie vie, c'est-à-dire sur le chemin qui nous reconduit vers le Père.
Mais en amont de cette approche christologique, je voudrais insister sur le fait que pour le croyant, la bonté et la bienveillance de Dieu sont un fait considéré comme acquis, que nous ne remettons pas en cause, quels que soient les événements. Dès lors, nous ne posons pas la question : comment Dieu devrait-il agir s’il était bon ? Mais : comment devons-nous agir devant tel ou tel drame, étant donné que Dieu est bienveillant pour ses enfants ? La réponse pourrait être celle de mère Térésa, à savoir offrir son humanité à Dieu pour qu’il puisse à travers elle venir au secours des enfants qui meurent dans les bidonvilles…
La bonté de mère Térésa plaide en faveur de l’existence d’un Dieu bon, bien plus que tous les arguments théologiques, et ferme la bouche à nos détracteurs.

Pierre1

Message par Pierre1 »

Bonjour, je ne suis pas d’accord avec vous quand vous dites que nous ne pouvons pas prouver l’existence de Dieu. Ceci va à l’encontre de Vatican I. Ce que vous dites est de l’agnosticisme et je ne sais pas sur quoi il se base… Ceci est également contraire au catéchisme de l’Église catholique :

II Les voies d'accès à la connaissance de Dieu


n° 31
(4) Créé à l'image de Dieu, appelé à connaître et à aimer Dieu, l'homme qui cherche Dieu découvre certaines "voies" pour accéder à la connaissance de Dieu. On les appelle aussi "preuves de l'existence de Dieu", non pas dans le sens des preuves que cherchent les sciences naturelles, mais dans le sens d'"arguments convergents et convaincants" qui permettent d'atteindre à de vraies certitudes.

(6) Ces "voies" pour approcher Dieu ont pour point de départ la création: le monde matériel et la personne humaine.


n° 32
(9) Le monde : A partir du mouvement et du devenir, de la contingence, de l'ordre et de la beauté du monde on peut connaître Dieu comme origine et fin de l'univers.

(11) S. Paul affirme au sujet des païens: "Ce qu'on peut connaître de Dieu est pour eux manifeste: Dieu en effet le leur a manifesté. Ce qu'il y a d'invisible depuis la création du monde se laisse voir à l'intelligence à travers ses oeuvres, son éternelle puissance et sa divinité" (Rm 1,19-20 cf. Ac 14,15 14,17 17,27-28 Sg 13,1-9).

(13) Et S. Augustin: "Interroge la beauté de la terre, interroge la beauté de la mer, interroge la beauté de l'air qui se dilate et se diffuse, interroge la beauté du ciel ... interroge toutes ces réalités. Toutes te répondent: Vois, nous sommes belles. Leur beauté est une profession ("confessio"). Ces beautés sujettes au changement, qui les a faites sinon le Beau ("Pulcher"), non sujet au changement?" (serm. 241, 2).


n° 33
(16) L'homme : Avec son ouverture à la vérité et à la beauté, avec son sens du bien moral, avec sa liberté et la voix de sa conscience, avec son aspiration à l'infini et au bonheur, l'homme s'interroge sur l'existence de Dieu. Dans ces ouvertures il perçoit des signes de son âme spirituelle. "Germe d'éternité qu'il porte en lui-même, irréductible à la seule matière" (GS 18 cf. GS 14,2), son âme ne peut avoir son origine qu'en Dieu seul.


n° 34
(19) Le monde et l'homme attestent qu'ils n'ont pas en eux-mêmes ni leur principe premier ni leur fin ultime, mais qu'ils participent à l'Etre en soi, sans origine et sans fin. Ainsi, par ces diverses "voies", l'homme peut accéder à la connaissance de l'existence d'une réalité qui est la cause première et la fin ultime de tout, "et que tous appellent Dieu" (S. Thomas d'A., I 2,3).


n° 35
(22) Les facultés de l'homme le rendent capable de connaître l'existence d'un Dieu personnel. Mais pour que l'homme puisse entrer dans son intimité, Dieu a voulu se révéler à l'homme et donner à l'homme la grâce de pouvoir accueillir cette révélation dans la foi. Néanmoins, les preuves de l'existence de Dieu peuvent disposer à la foi et aider à voir que la foi ne s'oppose pas à la raison humaine.


Je ne crois pas non plus que l’athée part de l’axiome qu’il n’y a pas de Dieu. Il existe trois sens au mot axiome dans le petit Robert 1. Vérité indémontrable, mais évidente pour quiconque en comprend le sens. 2. Propositions admise par tout le monde sans discussion 3. Proposition admise à la base d’une théorie.
J’en conclue que vous utiliser le troisième sens d’axiome. Or, un athée ne part pas habituellement de la proposition Dieu n’existe pas pour se fonder une théorie, c’est plutôt la conclusion de la constatation que le mal existe et que cela est difficile à concilier avec le fait que Dieu soit tout-puissant est bon. Donc, l’athée ne professe pas réellement une croyance, il argumente d’abord… Par exemple, un argument qui irait contre l’existence de Dieu : Dieu est tout-puissant est bon. Tout ce qui est tout-puissant et bon empêche le mal. Or, le mal existe. Donc, Dieu n’existe pas. Pour défendre l’existence de Dieu contre cet argument, il faut s’attaquer à la proposition suivante : « Tout ce qui est tout-puissant et bon empêche le mal ». En fait, c’est le rôle de la théodicée de faire cela, de défendre l’existence de Dieu face à l’existence du mal. Une raison pourquoi le mal pourrait être permis est peut-être pour que l’homme développe sa vertu. C’est seulement une supposition, mais qui ne vise pas réellement à faire une véritable théodicée. Keith Yandell développe une centaine d’arguments si je me rappelle bien dans son livre philosophy of religion : a contemporary introduction. Routledge, 1999. Je ne sais pas si cela existe en français… Ceci ne donne pas réellement de réponse au pourquoi du mal, mais permet de justifier l’existence de Dieu face à l’existence du mal. Ensuite, on peut amener l’existence de la foi pour compléter cette réponse, mais on devrait commencer par les arguments de la raison !

P. Joseph-Marie
Messages : 1010
Enregistré le : lun. 29 sept. 2003 13:16

Message par P. Joseph-Marie »

Je consonne avec la plupart des arguments que vous donnez. Je regrette simplement que vous ayez une lecture aussi peu bienveillante de mes propos. Le CEC précise que les « preuves » n’en sont pas au sens des sciences naturelles, mais dans les sens « d’arguments convergents et convaincants ». Nous pourrions dire « des raisons de croire » comme je l’ai déjà expliqué bien des fois sur ce site. Mais il n’y a pas de syllogisme qui puisse conclure d’une façon contraignante que Dieu existe, fort heureusement, sans quoi la contrainte rationnelle qui en résulterait ne laisserait plus d’espace à la démarche de foi. Si j’ai parlé fermement, c’est eu égard au contexte de la question posée et au dernier argument. J’insiste pour dire que nous n’abordons pas le problème du mal dans le monde à partir de Dieu, mais à partir de l’homme, dans la conviction que Dieu est bon. Si nous ne prenons pas comme acquis ce présupposé de la réflexion, nous risquons de nous égarer, et en tout cas nous ne pourrons pas relever le défi implicite dans chaque situation de souffrance.
Rassurez vous je ne suis pas agnostique, et je donne un cours sur les rapports entre raison et foi dans lequel nous abordons en détail la doctrine de Vatican I, Vatican II et la très belle synthèse que proposait Jean-Paul II.
Pour ce qui concerne l’athéisme, je vous invite à relire l’ouvrage de Sartre sur « L’existentialise comme un humanisme ». Il affirme lui-même en préambule, et sans aucune démonstration ni argument, qu’il se propose de construire un humanisme sur le présupposé de la non-existence de Dieu (je paraphrase de mémoire).

Pierre1

Message par Pierre1 »

Bonjour,

Je regrette si ma façon de répondre a pu vous offenser! J’ai écrit ce message tard et cela m’a un peu choqué que vous disiez que « On ne peut pas prouver l’existence de Dieu pas plus qu’on ne peut prouver son inexistence. La croyance tout comme la non croyance sont des axiomatiques. » Ces arguments ne sont pas seulement des raisons de croire, mais permettent d’arriver à la certitude que Dieu existe. Je vous cite un extrait de Vatican I : « "La sainte Eglise, notre mère, tient et enseigne que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine à partir des choses créées" (Cc. Vatican I: DS 3004 cf. DS 3026 DV 6). Sans cette capacité, l'homme ne pourrait accueillir la révélation de Dieu. L'homme a cette capacité parce qu'il est créé "à l'image de Dieu" (cf. Gn 1,26). » Dans le CEC, il est également écrit que les voies qui mènent à l’existence de Dieu « qui permettent d'atteindre à de vraies certitudes. » Dire le contraire relève du fidéisme, dont voici une définition : « Certains chrétiens objecteraient peut-être alors que l’existence de Dieu ne peut pas être connu sans la foi par le raison humaine seule, qu’elle n’est connaissable que par la foi : c’est cette position que l’Église catholique a rejetée sous le nom de fidéisme, mot qui veut dire qu’on n’admet de connaissance de Dieu que par la foi. » La foi, pour croire ce que Dieu enseigne, suppose donc son existence préalablement connue par notre raison humaine. L’autorité du premier concile du Vatican a défini que l’existence de Dieu peut être connue sans la foi par la lumière naturelle de la raison.

Bien amicalement,

Pierre

Invité

Message par Invité »

Je suis tout à fait d'accord avec Pierre1 (et l'Eglise toute entière !) sur le fait que l'existence de Dieu peut être perçue de manière certaine par la seule raison à partir de Ses oeuvres, et les extraits cités de Vatican I qui s'enracinent dans le Concile de Trente, sont de nouveau rappelés dans la Constitution Dogmatique Dei Verbum de Vatican II, puis plus récemment dans le CEC et dans l'encyclique Fides et Ratio.
Il est dramatique de constater l'affaissement actuelle de l'apologétique, qui semble comme tétanisée devant les "progrés" d'une science qui s'enfle sur elle même, alors que le Pape a maintes fois répété qu'une sience authentique ne pouvait conduire qu'à une meilleure connaissance des oeuvres et donc du Créateur !
De tous temps, et dans tous lieux, les hommes ont toujours cru en l'existence d'un Principe trancendant, créateur et organisateur, même dans les religions polythéistes, et il était impensable de ne pas croire.
La situation actuelle qui a vu "éclore" l'athéisme n'a aucun équivalent dans l'histoire de l'Humanité. Il n'est pas anodin que ce refus, ou plutôt ce rejet de Dieu, soit apparut avec les maîtres du Soupçon ( Marx, Freud, Feuerbach,...) dans des terres de vieille chrétienté, car pour qu'il y ait apostasie, il est nécessaire qu'il y ait eu auparavant adhésion et foi, et l'on reconnaît là la patte de l'Adversaire.
L'existence de Dieu ne souffre aucune ambiguïté: les véritables athées , convaicus par raison n'existent pas ( je n'en connais pas et je travaille pourtant dans un milieu scientifique avec des gens qui se déclarent ainsi sans avoir pris le temps de creuser un peu la réflexion, souvent par crainte de préssentir Ce sur quoi ou sur qui ils n'auraient aucune prise !), par contre l'agnostique qui s'enferme dans l'indifférence pour éviter de choisir ( et ce faisant il a déjà choisi !) devient un athée "pratique".
Par contre si l'existence de Dieu ne pose pas de problème universel ( ou excessivement rarement ), l'accueil de la Révélation en va tout autrement : il ne s'agit plus de raison, mais bien de foi, car l'Amour du Christ qui " surpasse toute Connaissance" pour aller jusqu'à mourir pour nous sur une croix est bien déraisonnable ! " Scandale pour les Juifs, folie pour les païens"...
Il faut deux jambes pour avancer, et Foi et Raison s'embrassent mutuellement pour rejoindre l'Inconnaissable.
Le chemin de la raison est toutefois un chemin par lequel il vaut mieux ne pas commencer , et Saint Augustin a bien précisé l'ordre de marche: Credo ut Intelligam, Intelligo ut Credam.
Cette sagesse aurait pu éviter à nombre de nos contemporrains d'emprunter les périlleux chemins qui conduisent au naturalisme ou au panthéisme par la voie de la raison coupée de la foi, car le besoin de croire de l'homme, animal religieux, subsiste encore et toujours au travers de l'appel de l'Epoux qui trouve son écho dans tous les coeurs, et de génération en génération.

Patrick S.

Invité

Message par Invité »

Je suis tout à fait d'accord avec Pierre1 (et l'Eglise toute entière !) sur le fait que l'existence de Dieu peut être perçue de manière certaine par la seule raison à partir de Ses oeuvres, et les extraits cités de Vatican I qui s'enracinent dans le Concile de Trente, sont de nouveau rappelés dans la Constitution Dogmatique Dei Verbum de Vatican II, puis plus récemment dans le CEC et dans l'encyclique Fides et Ratio.
Il est dramatique de constater l'affaissement actuelle de l'apologétique, qui semble comme tétanisée devant les "progrés" d'une science qui s'enfle sur elle même, alors que le Pape a maintes fois répété qu'une sience authentique ne pouvait conduire qu'à une meilleure connaissance des oeuvres et donc du Créateur !
De tous temps, et dans tous lieux, les hommes ont toujours cru en l'existence d'un Principe trancendant, créateur et organisateur, même dans les religions polythéistes, et il était impensable de ne pas croire.
La situation actuelle qui a vu "éclore" l'athéisme n'a aucun équivalent dans l'histoire de l'Humanité. Il n'est pas anodin que ce refus, ou plutôt ce rejet de Dieu, soit apparut avec les maîtres du Soupçon ( Marx, Freud, Feuerbach,...) dans des terres de vieille chrétienté, car pour qu'il y ait apostasie, il est nécessaire qu'il y ait eu auparavant adhésion et foi, et l'on reconnaît là la patte de l'Adversaire.
L'existence de Dieu ne souffre aucune ambiguïté: les véritables athées , convaicus par raison n'existent pas ( je n'en connais pas et je travaille pourtant dans un milieu scientifique avec des gens qui se déclarent ainsi sans avoir pris le temps de creuser un peu la réflexion, souvent par crainte de préssentir Ce sur quoi ou sur qui ils n'auraient aucune prise !), par contre l'agnostique qui s'enferme dans l'indifférence pour éviter de choisir ( et ce faisant il a déjà choisi !) devient un athée "pratique".
Par contre si l'existence de Dieu ne pose pas de problème universel ( ou excessivement rarement ), l'accueil de la Révélation en va tout autrement : il ne s'agit plus de raison, mais bien de foi, car l'Amour du Christ qui " surpasse toute Connaissance" pour aller jusqu'à mourir pour nous sur une croix est bien déraisonnable ! " Scandale pour les Juifs, folie pour les païens"...
Il faut deux jambes pour avancer, et Foi et Raison s'embrassent mutuellement pour rejoindre l'Inconnaissable.
Le chemin de la raison est toutefois un chemin par lequel il vaut mieux ne pas commencer , et Saint Augustin a bien précisé l'ordre de marche: Credo ut Intelligam, Intelligo ut Credam.
Cette sagesse aurait pu éviter à nombre de nos contemporrains d'emprunter les périlleux chemins qui conduisent au naturalisme ou au panthéisme par la voie de la raison coupée de la foi, car le besoin de croire de l'homme, animal religieux, subsiste encore et toujours au travers de l'appel de l'Epoux qui trouve son écho dans tous les coeurs, et de génération en génération.

Patrick S.

Verrouillé