l'amour humain

Verrouillé
suzanne gense

l'amour humain

Message par suzanne gense »

au Père Varlinde, prédicateur du Notre Dame, Bonjour.

Il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas dans la doctrine de l’Eglise. Mais puisque vous parlez à Notre Dame, de spiritualité, donc de la relation privilégiée d’un être humain avec le Dieu, Père des cieux, je me demande pourquoi l’amour humain est toujours exclu du discours religieux comme si c’était vraiment le moment de la vie qui ne convient à personne, ni aux âmes pieuses ni à Dieu.
La vie religieuse est toujours présentée comme une relation entre deux entités individuelles. Dieu est seul face à un homme seul. Le Christ est seul dans le désert, seul au mont des Oliviers comme il est seul sur sa croix du Golgotha. J’imagine inévitablement Jésus et son Père comme deux célibataires.
Personne ne pense jamais le Christ comme un être habité en profondeur par un autre être. Chaque chrétien sait que Jésus est totalement disponible et qu’il peut l’accaparer pour lui tout seul. Il suffit de lire les écrits mystiques pour être frappé par cette évidence: la petite Thérèse de Lisieux converse avec «son» Jésus qui n’est descendu des cieux que pour elle. Il est avec elle, à elle, comme l’amant avec l’amante.
Quand je vous entends parler à Notre Dame je sens bien que vous êtes un solitaire même en vivant en fraternité, comme le sont tous les êtres religieux. Aucun autre être que Dieu ne vous habite tout entier, et ce Dieu est si prégant, si exigeant, qu’il ne laisse aucune place pour une autre personne. Pas une femme ne loge en vous, dans votre chair, dans vos pensées, comme elle vous logerait, elle-même, dans sa propre chair, sous prétexte que Dieu ne l’accepterait pas.
Cette solitude humaine de Dieu et de ses disciples ne me convient pas et me choque. La solitude du Christ ne m’inspire aucune confiance et ne sollicite pas ma pensée. Ce n’est pas vivre que de s’enfermer avec soi-même, interdisant sa porte à toute autre individu; s’imposant comme règle coercitive de ne pas tout partager avec un autre, y compris son corps, sa chair, son sang, ses pensées.
Qui prêche à Notre Dame? Un homme seul. Comme sont seuls par définition tous les prètres.
Dieu ne se laisse-t-il approcher que par des êtres dépouillés de tout attachement humain? Se privant de toute affection trop contraignante?
Jamais je n’entends parler à l’Eglise de l’amour humain entre deux êtres qu’avec des paroles mièvres; les prètres s’efforcent de ne jamais parler de sexualité, comme si la sexualité c’était l’horreur aux yeux chastes de Dieu.
Je suis certaine que pas une seule fois durant tout ce Carème vous n’allez parler de l’amour humain. Je suis certaine que ca ne vous vient même pas à l’esprit. Que vous allez me dire que ce n’est pas votre sujet. Etonnant, non?
Jusqu’à quand va-t-on nous faire croire qu’un homme ou une femme seuls, enfermés volontaires dans une cellule monachale sont, par nature, plus généreux, plus charitables, plus et mieux aimants, plus ouverts, plus inventifs, plus créateurs qu’un homme et une femme vivant en couple et partageant tout?
Pourquoi imposer des normes sociales sévères et intangibles quand il s’agit de l’amour, donc de ce moment priviégié et unique de la vie où s’opère de façon magique la transgression des règles?
Pourquoi Dieu ne pourrait-il être présent dans l’acte même de l’amour?
Le Pape ayant renouvelé l’exclusion des femmes du coeur sacerdotal de l’Eglise, on comprend bien que l’amour humain a peu de chance d’entrer dans les discours consacré à la spiritualté. Hélas, les religions du Livre ont ceci en commun qu’elles sont conçues, pensées par des hommes et pour la plus grande glorification du sexe masculin.
Ne serait-il pas temps de sortir du monachisme et de découvrir que les sept milliards d’êtres humains vivant sur la terre ne sont pas composés que de messieurs, que les femmes ne sont pas toutes vierges, et que la virginité n’est pas une chose sacrée.
Pardonnez-moi ces remarques. Elles ne changeront rien à votre façon masculine de penser Dieu. Pourtant il faudra bien que l’Eglise découvre la modernité. Nous ne sommes pas des moines thibétains ni des carmélites. Des femmes très réelles passionnées par leur vie de femmes et d’amoureuses.
Croyez-vous vraiment que Dieu ressemble à ces assemblées vaticanes sinistrement homomasculines?

Nelly

Re: l'amour humain

Message par Nelly »

Tut d'abord, je dois dire que je trouve fascinant ces dialogues qui sont font ainsi d'un bout à l'autre de la France. Et l'on a envie de dire quelque chose à propos de tout.. Ce qui est quelque peu dangereux.... Je n'entends pas répondre à Suzanne, car ses questions demanderaient de longs développements. Juste quelques petites lueurs. Il me semble qu'il faut comprendre l'histoire de l'Eglise selon deux axes apparement contradictoires : l'un remarquerait combien la vie des saints, l'enseignement, les dogmes etc... (et pour faire vite...) propose un vrai projet de bonheur, et d'amour susceptible de combler toutes les aspirations humaines (que ce bonheur et cet amour soient cherchés à partir du couple, d'une amitié spirituelle, ou qu'ils soient celui vécu par le prêtre). Et puis, il y a d'autre part, la foule des rachetés, qui vit dans un temps, dans une époque, dans un milieu, et qui est conditionnée par mille et une choses par rapport auxquelles il lui est difficile (mais possible) de faire preuve de liberté. Sans doute faut-il considérer les questions que vous posez à partir de ces deux axes : d'un côté des grands saints, qui n'ont jamais dit que la femme était instrument du diable, qui ont affirmé que l'amour et la sexualité étaient des choses bonnes et l'ont dit bien haut et bien fort (il y a là toute une tradition dans l'Eglise que l'on oublie de mentionner..). Et puis de l'autre, la foule de ceux qui ont plus subi les conditionnements qu'ils n'ont su faire preuve de liberté. Mais, une fois ceci concédé, il faut également admettre que l'Eglise avance (non qu'elle change quoi que ce soit à ses "dogmes"..). Considérez par exemple le cas de la psychanalyse : d'abord rejetée comme instrument du diable (mais il faut dire que Freud y avait été un peu fort), voyez combien maintenant elle est un instrument nécessaire à la connaissance de soi. Depuis Freud, elle a été "évangélisée" et l'on a fait le tri entre ce qui ressortissait à une idéologie difficilement acceptable (et d'ailleurs peu acceptée, même chez les psychanalystes), et les "trouvailles" de Freud. L'amour est donc chose bonne, la sexualité également, et cela depuis la Genèse. Mais il faut une longue éducation du peuple de Dieu pour que celui-ci comprenne ce qui est en jeu, qu'il quitte ses peurs, qu'il saisisse comment "ordonner" ses désirs au dessein divin etc... et c'est parfois bien long. Quant aux prêtres que vous ne semblez pas trouver très équilibrés (Je plaisante...), peut-être pourriez vous réfléchir au désir de se donner entièrement, totalement et sans retour à Celui qui nous a aimés le premier. Il n'y a là, rien de morbide, seulement ... une grande humilité. Si vous avez dans vos archives le film de Bresson, tiré du "Journal d'un curé de campagne" de Bernanos, regardez ce pauvre petit prêtre, bien malheureux, et bien fragile dans une campagne triste et froide, peu aimé de paroissiaux par ailleurs assez méchants, et voyez combien du sein de son épreuve surgit la paix, la joie, humble et cependant forte, de celui qui a réussi à apaiser une âme, une seule ou peut-être deux... car on n'est pas prêtre pour soi, mais pour les autres.

P. Joseph-Marie

Re: l'amour humain

Message par P. Joseph-Marie »

Madame,
Ouf ! Quelle tartine!
Merci de votre franchise, mais sincèrement: comment voulez-vous que je vous réponde... si du moins votre mail ouvrait à un dialogue. Notre web-master a beau supplier de ne pas être trop long et surtout de ne pas aborder plusieurs sujets dans un même mail, je crains qu'il ne prêche dans le désert !
Je vais donc faire de mon mieux. Merci de re-poser des questions que j'aurais éludées.
Mais en fait il n'y a pas vraiment de question, mais plutôt un état d'âme par rapport à la masculinité triomphante et la féminité étouffée dans l'Eglise.

En toute franchise, je ne me reconnais pas du tout dans votre description du prédicateur de Notre Dame, et si mon entourage vous lisait, je ne crois pas qu'il me reconnaîtrait davantage.
Seriez-vous jalouse de Dieu, qui semble ravir le coeur des hommes aux autres êtres humains?
Je crois qu'il y a effectivement dans le coeur de toute femme et de tout homme, un "lieu" que Dieu se réserve. Mais loin de nous priver de la relation aux autres, il nous renvoie au contraire vers les autres, et avec d'autant plus de force, que ce "lieu" est effectivement occupé par Dieu. Pensez-vous que Mère Thérésa ou Saint François d'Assise étaient des "solitaires" au sens où vous le dites?
Je ne me compare pas à eux, rassurez-vous, mais comme à travers moi c'est l'Eglise que vous interpellez, je crois qu'il faut vous référer à ses dignes représentants, càd les saints.
Pour ce qui est de l'amour humain, je ne crois pas que vous trouverez conception plus élevée de cet amour que celle du christianisme; pas de ce qu'en dise les médias, mais celui qui s'enracine dans l'Evangile. Mais je n'ai hélas pas les moyens de vous le prouver dans un simple e-mail. Dans ma famille spirituelle, nous consacrons beaucoup de temps à la formation des fiancés, au cheminement des jeunes couples, aux familles, parce que l'amour vient de Dieu et que servir Dieu ne peut être que servir l'amour humain. Savez-vous que si vous comparez les noms Ish et Isha - ce sont les noms propres du premier homme et de la première femme dans la Bible - les lettres qui diffèrent composent le nom divin. Ce qui signifie que c'est dans la découverte émerveillée de leur différence, que l'homme et la femme trouvent le visage de Dieu. Je ne vous apprendrez rien non plus en vous disant que la connaissance, dans la Bible, est à ce point existentielle, qu'elle désigne l'étreinte amoureuse dans laquelle l'homme et la femme se connaissent dans l'amour.
J'arrête pour cette fois, car je vais tomber sous le coup de ma propre critique et être trop long !
Image Père Joseph-Marie Verlinde

Béatrice

Re: l'amour humain

Message par Béatrice »

Juste un petit coucou Suzanne, pour dire que ça fait du bien d'entendre votre témoignage
merci donc

béatrice

Re: l'amour humain

Message par béatrice »

Je comprends l'intervention de Suzanne et elle est tellement présente aux yeux des humains qu'il est très difficille de dire autrechose.
Je suis moi intimement persuadée de l'Amour humain et il me fait vivre dans notre couple et avec nos enfants (5).
Et je rencontre dans mon travail (Infirmière scolaire) beaucoup de jeunes avec des désirs d'amour vrai et des bléssés de l'amour...
Il faut les rejoindre, il faut nous rejoindre dans nos souffrances et dans nos attentes se les dire et se tourner vers des personnes susceptibles de nous faire découvrir l'amour humain dans chaque personne consacrée ou non.
Regardez le travail du Père Sonet, une émission à contre courant sur France 2 qui dit l'amour et pas la permissivité étalée partout ...

daniel

Re: l'amour humain

Message par daniel »

réponse à Suzanne Gense, concernant les prêtres et l'Eglise (je précise que je suis marié et père de famille, et que je me considère comme faisant partie de cette Eglise)
et cette soi-disant incapacité à visualiser et donc comprendre les femmes et l'Amour humain.
1. votre propos sous-tend des souffrances et des blessures qu'il vous appartient de bien identifier et de nommer clairement avant de foncer vers une généralisation impersonnelle (ils sont tous..., ya qu'à voir...etc...)
2. nous sommes tous issus d'une femme : derrière cette Lapalissade voyez bien le meta-message que Dieu ne peut pas être mysogyne...
3. il y a quelques années j'ai vécu de grandes difficultés dans mon couple et c'est au cours d'une retraite personnelle où j'ai découvert (à 40 ans il n'est toujours pas trop tard...) l'Amour de Dieu pour moi, que j'ai pu guérir de nombreuses blessures personnelles et aimer à mon tour celle qui partage ma vie.
4. cette retraite, comme de nombreuses autres, existent en Europe (et ailleurs) et sous diverses formes (retraite personnelle, en couple, en famille) et ont été crées par l'Eglise, pour les femmes... et les hommes aussi !
5. enfin c'est au sein de cette Eglise que mon couple et ma famille cherche à grandir chaque jour.

P. Joseph-Marie

Re: l'amour humain

Message par P. Joseph-Marie »

C'est exactement à cela que nous travaillons dans nos sessions de guérison intérieure: libérer à nouveau la capacité d'aimer, qui se trouve trop souvent prisonnière des blessures de l'enfance.
Image Père Joseph-Marie Verlinde

Verrouillé