Ayurveda et Catholicisme

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Judith COLOMBELLI
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Enregistré le : dim. 27 juin 2004 7:23

Ayurveda et Catholicisme

Message par Judith COLOMBELLI »

P. Joseph-Marie, le proverbe indien qui dit que nous sommes ce que nous mangeons est bien connu, je suis végétalienne depuis quelques années, conséquence de mes pratiques boudhistes et hindouistes du passé. Dans le cadre du "sevrage" que je vis en ce moment, je ne parviens pas à changer mes habitudes alimentaires, existe-t'il des chrétiens végétariens, que disent les Evangiles à ce sujet ? La médecine ayurvédique m'intéresse beaucoup car elle utilise les plantes, c'est sans doute plus que la phytothérapie puisque la dimension spirituelle en est le fondement, d'où le paradoxe avec ma démarche actuelle. J'ai du mal à m'imaginer en train de manger de la viande mais cela fait peut-être aussi partie du "come-back", pouvez-vous me parler de votre expérience à ce sujet, je ne voudrais pas être dans le tout ou rien par rapport à cela, cependant une personne de Mère de Miséricorde m'a dit que cela aussi faisait partie du chemin, je voudrais tellement que cela se passe en douceur et ne pas me faire violence, aller à mon rythme, "à chaque jour suffit sa peine", un changement radical oui, mais lâcher tout, tout d'un coup, j'ai peur de la chute. Que me suggérez-vous, Père, c'est important et vital car je ne me nourris malheureusement pas que de la seule hostie comme Marthe, cependant le "jeûne" nécessaire dont vous me parlez semble bien aller dans ce sens. Merci de m'éclairer.

P. Joseph-Marie
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Enregistré le : lun. 29 sept. 2003 13:16

Message par P. Joseph-Marie »

« Le règne de Dieu n'est pas affaire de nourriture ou de boisson, il est justice, paix et joie dans l'Esprit Saint » (Rm 14, 17). Ceci dit, puisqu’il en est ainsi, rien ne vous empêche de demeurer végétalienne, à condition d’être bien consciente qu’aucun aliment ne nous éloigne de Dieu, pas plus que d’autres nous en rapprocheraient. Saint Paul dit encore : « Que nul ne s'avise de vous critiquer sur des questions de nourriture et de boisson. Tout cela n'est que l'ombre des choses à venir, mais la réalité, c'est le corps du Christ » (Col 2, 16-17) : usons donc de notre liberté filiale ; si ce régime vous convient, à condition de ne pas en faire une idole, pourquoi vous en priver ? Notre vraie nourriture, nous avertit l’Apôtre, c'est-à-dire celle qui nourrit notre corps spirituel, c’est « le Corps du Christ », c'est-à-dire l’Eucharistie.
Ce n’est pas moi, en tant que moine, qui vais vous pousser à consommer de la viande : elle est normalement exclue du régime monastique. :) Je dis « normalement » parce que dans la tradition chrétienne il s’agit d’une restriction de pauvreté, et pas d’hygiène alimentaire en rapport avec un progrès spirituel plus rapide.

Invité

Message par Invité »

Bonjour mon père,

Je vous transmets la réponse d'un de mes amis à qui j'ai envoyé 3 articles tirés un peu au hasard de votre dictionnaire en ligne, au sujet du veda et de ses incompatibilités avec le christianisme. Cet ami suit des "cours" d'un prof de philo ayant fondé une association où il compare les religions et les spiritualités pour tenter une approche "globale" et trouver selon les individus la meilleure approche du "divin"... Voici ce qu'il me dit :
-------------------
"Merci pour les articles que tu m'as envoyés, je les trouve intéressants. Je suis d'accord avec le point de vue du père Joseph-Marie Verlinde, mais je crois que ce qu'il dit ne s'applique pas à l'ensemble des écoles de l'hindouisme. En fait il y a plusieurs écoles hindouistes (l'ayurveda c'est la médecine indienne, les vedas c'est les livres sacrés ; on pourrait aussi parler d'école védistes). Ces écoles correspondent à plusieurs types d'approches de l'absolu.
* l'école shankaracharya (qu'on pourrait appeler école impersonnaliste) : elle croit qu'il n'existe que l'absolu, et que celui-ci n'est pas une personne. C'est aussi le point de vue bouddhiste.
* l'école vaisnava : (vaisnava : serviteur de Visnu) Cette école considère que Dieu est ultimement une personne, et que bien que tout dépende de Lui, il existe des personnes distinctes de Lui. Voici une citation des vedas qui le dit très clairement : "Celui qui prêche que les êtres vivants sont distincts du Seigneur Suprême est très cher à Visnu" (Padma Purana)"
----- fin de citation.

Je ne connais rien à l'hindouisme mais, d'après ce qu'il m'a dit, mon ami croit qu'il y a eu plusieurs incarnations de Dieu dans l'histoire, dont Jésus, jusqu'à je ne sais plus quel mystique indien du XVIème siècle, incarnations qui à chaque fois révèlent aux hommes une facette de Dieu. Cela étant, auriez-vous s'il vous plaît une réponse que je puisse lui transmettre sur les incompatibilités profondes entre veda et christianisme ?

Vous remerciant par avance, in Christo,

Alexandre

P. Joseph-Marie
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Enregistré le : lun. 29 sept. 2003 13:16

Message par P. Joseph-Marie »

Il s’agit d’une objection tout à fait classique de la part de personnes ayant approfondi quelque peu l’hindouisme. Mais je réponds qu’ultimement – je veux dire au terme du cheminement - même les courants qui au départ semblent reconnaître une distinction réelle entre Dieu et l’adepte, en viennent à professer un monisme. On cite souvent le bhakti yoga comme exemple : puisqu’il s’agit de la voie de l’amour, il y a forcément altérité entre Krishna et l’adepte. Il suffit de lire la Baghavat Gita pour s’en convaincre. Sans doute, mais la dernière parole du maître à son disciple est « tatwam assi » : « cela (le divin) aussi tu l’es ». La dualité finit toujours par se résorber dans l’unité. Pakriti et purusha ne sont pas deux principes différents : ils ne sont distincts que pour celui qui est encore en chemin ; ultimement, c'est-à-dire pour celui qui a atteint le terme de la route, ils ne font plus qu’un.
La doctrine à laquelle vous faites allusion est celle des Avatars, qui ne sont pas des incarnations, mais des manifestations de Vishnou tout au long de l’histoire. Je me contenterai que la divinité ne se manifeste pas nécessairement sous des formes humaines : elle serait apparue en premier lieu comme un poisson (Matsya Avatar), puis sous la forme d’une tortue (Kurma Avatar). N’oublions pas que Vishnou est un principe divin plus qu’un dieu à proprement parler ; un principe qui est bien au-delà de la nature animale ou humaine dont il n’assume que quelques aspects nécessaires à sa visibilité, sans vraiment s’y incarner. Pour l’hindouisme, des aspects fondamentaux du divin peuvent se manifester d’une façon plus prégnante à certaines époques, afin de remettre sur le droit chemin de l’évolution, les hommes égarés dans l’illusion de la dualité. Aucun rapport avec notre conception du mystère de l’Incarnation, dans lequel le Verbe - en qui réside « toute la plénitude de la divinité (Col 2, 9) » - se fait chair d’une façon bien réelle, et ceci « une fois pour toutes (He 7, 27 ; 9, 12)) ». Le terme d’ « incarnation » n’a d’ailleurs pas de sens dans le contexte des Traditions orientales pour lesquelles la matière est déjà de « l’énergie divine cristallisée ». Sri Ramakrishna comparait les Avatars « aux vagues d’un océan apparaissant nombreuses et différentes, mais faisant en réalité partie intégrante de la nature et de l’unité de cet océan ».
Le problème de fond demeure que la tradition védique est un naturalisme (doctrine qui naturalise Dieu ou divinise la nature, conduisant à une conception énergétique et impersonnelle du divin) alors que le judéo-christianisme professe la transcendance d’un Dieu personnel et créateur, radicalement distinct de sa création.

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