Famille de Saint Joseph

Mandala

par | 10 février 2006

Une structure universelle

Le mot « mandala » vient du sanscrit, et signifie « cercle » ; sous-entendu : « sacré » ou « magique ». Mais dans la pratique, le terme désigne toute structure géométrique fortement centrée, et suggérant une concentration de la périphérie vers le cœur de la figure. L’utilisation d’un terme sanscrit pour décrire une forme aussi générale est quelque peu malheureuse, car elle suggère que les mandalas seraient issues exclusivement de l’hindouisme ou du bouddhisme. Or toutes les cultures – y compris chrétienne – ont créé leurs propres mandalas, qui constituent des supports symboliques particulièrement éloquents.

Du point au cercle et retour

La définition d’une mandala repose sur trois principes d’organisation : le point central, le rayonnement de ce point, et la frontière extérieure circulaire.
Le point central symbolise le lieu du surgissement dans l’existence spatio-temporelle. Le cercle et la sphère prennent naissance de lui : ils constituent l’expansion naturelle du point central. Mais l’expansion appelle un recentrement, comme l’expiration suscite l’inspiration. Aussi le point central apparaît-il également comme l’aboutissement ultime du cycle, en qui le mouvement trouve son repos. C’est pourquoi le point central symbolise non seulement la source, mais aussi la perfection de la totalité, l’unité retrouvée, l’accomplissement.
Le cercle trace la frontière, la limite qui permet l’individualisation. Par le fait même, il est en rapport avec l’identité manifestée. Il protège le contenu sacré de la mandala, concentré en son point central.

L’interprétation des mandalas

La signification particulière des différents lieux de la mandala dépend de ce qu’elle entend représenter. S’il s’agit d’une mandala cosmogonique, le centre de la figure représentera le point mystérieux où l’univers surgit du néant. Dans un système naturaliste, ce centre représentera le divin lui-même ; c’est pourquoi le cœur des mandalas orientales constitue la demeure d’une divinité, parfois représentée dans la figure, mais le plus souvent invoquée par un mantra. Pour le bouddhiste comme pour l’hindou, le mantra est l’âme de la mandala. Il est clair dès lors que le chrétien est invité à s’abstenir de méditer sur de telles mandalas, qui visent à mettre le méditant en relation avec une divinité particulière de la Tradition de référence.

Mais cela ne signifie pas pour autant que tout usage de mandala soit proscrit : la mandala est la partie visible d’un symbole (sun-bolein, mettre ensemble) destiné à nous unir à un Invisible qui reste à préciser. Il n’est qu’une forme vide, nous aidant à concentrer notre attention ; à charge de chaque tradition de la « remplir » de ses propres convictions. Ainsi les rosaces de nos Eglises romanes sont parmi les plus belles mandalas qui soient. Au cœur des figures concentriques, nous trouvons la figure centrale qui attire irrésistiblement le regard et l’attention. Dans une rosace cosmogonique, celle-ci peut représenter le Christ Pantocrator ; l’expansion du centre dans les figures concentriques symbolisera la création de l’univers comme le fruit de sa Parole toute-puissante et du rayonnement de l’amour divin. Le mouvement de retour au cœur de la rosace qui fait spontanément suite à l’expiration, nous fera interpréter cette fois la figure centrale comme le Seigneur eschatologique, le Juge des derniers temps, qui après avoir détruit toutes les puissances du mal, remettra son pouvoir royal à Dieu le Père, afin que Dieu soit tout en tous » (1 Co 15, 24.28).

Un chrétien ne peut qu’éprouver un certain malaise à attribuer le nom de « mandala » – terme qui évoque spontanément les mystiques naturalistes orientales – à une telle rosace, qui déploie devant nous le mystère du salut et invite à l’adoration du Christ des Evangiles. Mais comme il est très difficile – voire impossible – de s’opposer à la dérive sémantique des termes, retenons que la mandala n’est pas univoque : elle sera interprétée par chacun selon son propre système de références symboliques.

Des mandalas naturelles

L’attraction exercée sur les hommes de toutes cultures par la mandala vient probablement du fait que sa structure se retrouve dans bon nombre de phénomènes naturels autour de nous : pensons aux différents systèmes solaires, centrés sur l’étoile qui en constitue le cœur, les planètes déployant autour d’elle leur orbite respective. Les galaxies tout comme les amas de galaxies sont à leurs tours centrées autour d’un « trou noir » qui attire tout à lui. Si nous tournons nos regards vers l’infiniment petit, nous retrouvons une structure analogue dans les atomes, et même au cœur de ceux-ci, dans les noyaux atomiques. Entre le macro- et le microcosme, la nature déploie sous nos yeux une infinité de mandalas, depuis la coquille d’escargot jusqu’à la ruche des abeilles, en passant par les nids d’oiseaux ou les toiles d’araignées, sans oublier la tranche de section d’une branche, d’une racine, d’un tronc ou même d’un fruit, la corolle de la plupart des fleurs, et l’iris de l’œil qui nous permet de les contempler. Aussi n’est-il pas étonnant que l’on retrouve des mandalas dans les expressions artistiques de toutes les cultures : mosaïques, gravures, sculptures, poteries, tissages, peinture sur tissu, sur toile, sur papier, etc. Comme les Temples représentent le cosmos dans sa relation au Principe divin, ils sont en général construits sur base du principe architectural des mandalas.

L’action psychique de la mandala

Il est un autre point qu’il convient de souligner. De par sa structure évocatrice, le dessin d’une mandala agit sur le psychisme. Pour Carl Gustav Jung, la mandala pourrait servir de miroir au soi intérieur : créer une mandala, ou colorier une mandala déjà conçue, nous permettrait d’intégrer les énergies archétypales de l’inconscient d’une manière assimilable par la conscience. Quoi qu’il en soit, la contemplation d’une mandala nous aide à nous réunifier en nous attirant vers son centre, qui correspond à notre intériorité profonde ; et elle nous aide à intégrer les diverses expressions de nous-mêmes en nous ressaisissant à l’intérieur du cercle bien délimité de notre identité personnelle. La mandala favorise ainsi le rééquilibrage entre l’agir centrifuge et le recueillement centripète, dans un mouvement de pulsation qui permet de ramener notre activité à notre intériorité, et à nous exprimer en vérité dans une action qui procède de notre centre intérieur.

L’action spirituelle de la mandala

Dans une perspective croyante, ce centre intérieur n’est autre que la conscience, « le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre » 1. Il est certain que la « respiration » qui se dégage de ces structures concentriques harmonieuses, nous conduit spontanément au silence et à la paix. C’est bien pourquoi les iconographes ont intégré le principe de la mandala dans leurs œuvres : l’icône est centrée sur le cœur du personnage central, d’où rayonne la Révélation du Transcendant invisible.

Des mandalas pour tous les âges

Il n’y a donc rien de choquant au fait d’inviter les enfants à créer ou colorier des « mandalas » comme cela se fait dans certaines écoles. Comme nous le disions en commençant, c’est plutôt l’usage d’un terme sanskrit pour désigner une structure à caractère universel, qui est ambigüe ; car cette terminologie suggère implicitement que les mandalas seraient d’origine orientale ou que les mandalas orientales seraient « supérieures » aux autres. Comme la mode actuelle en France est au bouddhisme tibétain, qui fait largement usage des mandalas dans ses rites initiatiques, il nous faut veiller à ne pas laisser s’instaurer cette confusion chez nos enfants.

 

Notes :

  1. Concile Vatican II, Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps : Gaudium et Spes, 16. [retour]

Vous aimerez aussi

No Results Found

The posts you requested could not be found. Try changing your module settings or create some new posts.