Famille de Saint Joseph

La Révélation et les révélations

par | 15 février 2006

Pourquoi l’Eglise tarde-t-elle tant à reconnaître telle ou telle révélation privée, dont les messages semblent parfaitement « orthodoxes » ?

Il appartient à l’Ordinaire (l’Evêque) de se prononcer sur l’orthodoxie des révélations privées qui ont lieu dans son diocèse. Il est clair qu’il ne peut entamer cette étude que lorsque les messages sont complets, c’est-à-dire lorsque les « révélations » présumées sont arrivées à terme. Il ne suffit d’ailleurs pas que le contenu des messages soient conformes à « la foi et aux mœurs » pour que le caractère surnaturel de la révélation soit reconnu : je peux fort bien énoncer un ensemble de conseils spirituels édifiants, en tous points conformes au Catéchisme de l’Eglise Catholique, sans qu’il y ait besoin pour autant d’invoquer une action surnaturelle. En plus de l’orthodoxie du contenu des messages, il faut aussi que la personne qui prétend bénéficier de révélations divines, accrédite par l’« héroïcité de ses vertus », la thèse d’une action particulière de l’Esprit dans sa vie. Or un tel discernement ne peut se faire en quelques jours, ni même en quelques semaines : il faut souvent des années pour vérifier qu’une personne ne simule pas, mais est réellement sous l’emprise de la grâce divine.

Dans ce discernement, la vox populi est certes à prendre en compte, mais son avis est aussi ambigu, car la soif de merveilleux est de nos jours insatiable. Dans bien des cas, l’Evêque est obligé de résister à la pression psychologique des fidèles, qui voudraient le « forcer » de reconnaître – avant l’heure – le caractère surnaturel de telle ou telle révélation privée. La responsabilité est trop lourde pour que la décision soit prise à la légère ; de toute façon, si le phénomène est authentique, l’épreuve ne le ternira pas, bien au contraire.

Une autre raison pour laquelle l’Eglise ne se précipite pas, est l’intérêt finalement très limité des révélations privées. Elles ne peuvent en effet rien apporter de plus que ce qui est déjà donné définitivement dans la Révélation « officielle », confiée par le Christ à son Eglise. Les révélations « privées » n’énoncent donc rien de « nouveau », mais soulignent seulement tel ou tel aspect de la Révélation publique, qui serait particulièrement important pour l’époque à laquelle elles sont communiquées. Quelle que soit sa modalité, l’appel de l’Evangile est toujours celui que nous adresse Jésus : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » (Mc 1, 15). Tout au long de l’histoire, le ciel se plaît à rappeler ou à mettre en lumière certains aspects de cet appel à la conversion, en fonction des événements de l’Eglise ou du monde. Mais il ne s’agit toujours que de l’explicitation d’un point particulier de la Révélation officielle, qui est déjà le bien de l’Eglise. Même les révélations privées les plus riches, ne sont qu’un reflet de l’unique Révélation qui nous est faite en Jésus-Christ Notre-Seigneur.

Il est bon à ce propos de rappeler ce qu’écrivait Saint Jean de la Croix dans La montée du Carmel :

« En nous donnant son Fils ainsi qu’il l’a fait, lui qui est sa Parole dernière et définitive, Dieu nous a tout dit ensemble et en une fois, et il n’a plus rien à nous dire. Concluez-en que désirer sous la nouvelle Loi visions ou révélations, ce n’est pas seulement faire une sottise, c’est offenser Dieu, puisque par là nos yeux ne sont pas uniquement fixés sur le Christ, sans chercher chose nouvelle. Dieu en effet pourrait répondre : “Je vous ai dit tout ce que j’avais à dire, par la Parole qui est mon Fils. Fixez les yeux sur lui seul, car en lui j’ai tout établi, en lui j’ai tout dit, tout révélé, et vous trouverez là bien plus que tout ce que vous désirez et demandez. Depuis le jour où je descendis sur lui, avec mon Esprit, au mont Thabor, en disant : ‘Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis ma complaisance : écoutez-le’, j’ai cessé toutes mes anciennes pratiques d’enseignement, de réponses, et je lui ai confié cette mission. C’est pourquoi, si quelqu’un reprend l’ancienne méthode, demandant que je lui parle, que je lui révèle quelque chose, c’est comme s’il demandait de nouveau le Christ, et plus de doctrine de foi que je n’en ai donné. Et c’est manquer de foi dans le Christ, puisque cette foi a été donnée en lui ; c’est même faire injure à mon Fils bien-aimé, puisque ce manque de foi en lui équivaut en quelque sorte à lui demander une seconde incarnation, afin qu’il recommence sa vie et sa mort. Non, il ne faut plus vous adresser à moi par désirs de visions et de révélations : retenez-le bien, tout se trouve déjà réalisé en lui et infiniment plus”

L’avertissement n’est pas superflu en ces temps où la « curiosité spirituelle » et le désir du merveilleux n’épargnent pas les chrétiens eux-mêmes.

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