Famille de Saint Joseph

« Salut qui nous arrache à l’ennemi, … » (Lc 1,71)

par | 1 mars 2016

« Salut qui nous arrache à l’ennemi,
à la main de tous nos oppresseurs
 » (Lc 1,71)

Au verset 68, Zacharie exaltait déjà le Seigneur qui « visite et rachète son peuple ». L’action salvifique de Dieu consiste à visiter son peuple, c’est-à-dire à se rendre proche de lui pour le racheter de ses ennemis. Cette visitation – qui peut se faire par l’intermédiaire d’un Envoyé de Dieu tel que Moïse voire un roi païen tel que Cyrus – conduit à la libération de l’oppression, comme ce fut le cas lors de l’Exode ou du retour de captivité (Ex 14,13 ; 15,2 ; Is 45,17 ; 46,13 ; 52,10). Tout au long de la première Alliance, les interventions salvifiques du Dieu Sabaoth (« des armées ») étaient comprises comme des confirmations de la bienveillance de Dieu envers son peuple d’élection.

Dans la Constitution dogmatique sur la Révélation divine (Dei Verbum), les Pères du Concile Vatican II s’exprimaient ainsi :

« Le Dieu très aimant, envisageant et préparant avec soin le salut du genre humain tout entier, s’est choisi, selon un plan tout particulier, un peuple auquel il confierait ses promesses. Ayant en effet conclu une alliance avec Abraham, puis par l’intermédiaire de Moïse avec le peuple d’Israël, il s’est révélé de telle manière par des paroles et par des actions comme le Dieu unique, vrai et vivant, au peuple qu’il s’était acquis, qu’Israël connût par expérience quels étaient les cheminements de Dieu avec les hommes, et que, Dieu lui-même parlant par la bouche des Prophètes, il les comprenait de jour en jour plus profondément et plus clairement, et les faisait connaître plus largement parmi les nations » (Dei Verbum, 14).

C’est en effet sous l’influence des prophètes, qu’Israël comprend progressivement que la cause de ses servitudes politiques successives réside avant tout dans son infidélité à l’Alliance. Ultimement, c’est du péché que Dieu devra nous arracher ; c’est de notre cœur endurci qu’il doit nous sauver. Telle sera la mission et l’œuvre du Messie :

« Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures, de toutes vos idoles, je vous purifierai. Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit, je ferai que vous marchiez selon mes lois, que vous gardiez mes préceptes et leur soyez fidèles. Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères : vous, vous serez mon peuple, et moi, je serai votre Dieu. Je vous délivrerai de toutes vos souillures » (Ez 36, 25-29).

La Constitution Dei Verbum poursuit :

« L’économie de l’Ancien Testament était organisée par-dessus tout pour préparer la venue du Christ Rédempteur de tous et du Règne messianique, pour l’annoncer prophétiquement et la présager par diverses figures » (Dei Verbum, 15).

C’est bien ce salut définitif que Zacharie annonce prophétiquement dans son Cantique, puisque l’Enfant qui vient l’accomplir est Fils de David, conformément aux prophéties messianiques (v. 69).

« Salut qui nous arrache à l’ennemi,
à la main de tous nos oppresseurs »

Le Messie tant attendu délivrera Israël non pas de l’un ou l’autre ennemi historique, mais de « tous ses oppresseurs », dont nous savons maintenant qu’ils sont avant tout spirituels. Telle est la délivrance véritable et définitive que Dieu va réaliser, et dont les interventions salvifiques antérieures n’étaient qu’autant de préfigurations.

La terminologie utilisée par Zacharie renvoie à une situation dans laquelle la victime est totalement impuissante à se libérer par ses propres forces. Il faut un « salut » et donc un « sauveur » extérieur, qui l’« arrache » aux chaines dont elle est chargée.

Et puisque le contexte prophétique nous laisse sous-entendre que ces oppresseurs sont nos péchés, l’ennemi ne peut être que le Satan, qui depuis le péché des origines, étend son pouvoir sur notre pauvre humanité aliénée de sa liberté filiale.

C’est bien ce que Saint Luc nous fait comprendre dans l’agencement de son récit. Le baptême de Jésus nous annonçait déjà prophétiquement sa mission rédemptrice : ayant assumé notre humanité, le Verbe de Dieu est venu pour se plonger dans les grandes eaux de notre mort, afin de nous en arracher au matin de Pâques, et faire descendre sur nous l’Esprit de filiation. Désigné par le Père comme son Fils bien-aimé, Jésus ne commence cependant pas immédiatement son ministère public. Auparavant, et comme pour prolonger la scène prophétique du baptême, il est poussé par l’Esprit au désert pour y résister victorieusement au Satan. Le récit précise : « Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé » (Lc 4,13). La rédemption que Jésus accomplit pour nous, implique sa victoire sur les forces du mal et la libération de ceux qui gisaient sous le pouvoir de Satan.

Jésus, le seul Juste, nous arrache à l’ennemi ancestral en prenant sur lui la condamnation que nous avions méritée afin de nous réconcilier avec Dieu son Père, qui devient à nouveau notre Père :

« Alors j’entendis dans le ciel une voix forte, qui proclamait : “Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! Car il est rejeté, l’accusateur de nos frères, lui qui les accusait, jour et nuit, devant notre Dieu. Eux-mêmes l’ont vaincu par le sang de l’Agneau, par la parole dont ils furent les témoins ; détachés de leur propre vie, ils sont allés jusqu’à mourir. Cieux, soyez donc dans la joie, et vous qui avez aux cieux votre demeure !” » (Ap 12, 10-12).

La victoire de Jésus sur « toutes les formes de tentations » est aussi la nôtre :

« Les soixante-douze disciples revinrent tout joyeux, en disant : “Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom”. Jésus leur dit : “Je regardais Satan tomber du ciel comme l’éclair. Voici que je vous ai donné le pouvoir d’écraser serpents et scorpions, et sur toute la puissance de l’Ennemi : absolument rien ne pourra vous nuire. Toutefois, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux” » (Lc 10, 17-20).

Confiant dans notre participation à la victoire du Christ sur le Mauvais, Saint Jean affirme solennellement :

« Je vous l’écris, petits enfants : Vos péchés vous sont remis à cause du nom de Jésus. Je vous l’écris, parents : Vous connaissez celui qui existe depuis le commencement. Je vous l’écris, jeunes gens : Vous avez vaincu le Mauvais. Je vous l’ai écrit, enfants : Vous connaissez le Père. Je vous l’ai écrit, parents : Vous connaissez celui qui existe depuis le commencement. Je vous l’ai écrit, jeunes gens : Vous êtes forts, la parole de Dieu demeure en vous, vous avez vaincu le Mauvais » (1 Jn 2, 12-14).

De même qu’au désert Jésus triomphe en opposant aux sophismes du diable la vérité de la Parole, nous aussi nous sommes sûrs de la victoire dans la mesure où le Christ, Parole vivante et « lumière du monde » (Jn 8,12), demeure en nous et nous en lui (cf. Jn 15,4) –ce qui se réalise par la méditation assidue des Evangiles, l’oraison et la vie sacramentelle.

Puissions-nous en ce temps de carême, redoubler d’efforts pour « lever les yeux vers Celui que nous avons transpercé » (Jn 19,37 ; cf. Za 12,10) afin que morts à nos péchés, nous puissions ressusciter avec Lui au matin de Pâques :

« De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3, 14-17).

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